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24 juin 2020, 08:10

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Le public s’excite et se passionne pour ce que la presse a appelé le St Louis Gate. C’est vrai que c’est important de déterminer, en l’absence du rapport de l’ADB, qui sont les corrompus de circonstance, puisque le fournisseur danois, Burmeister and Wain, a de son côté déjà identifié ses corrupteurs, les a licenciés et, dans certains cas, les a même référés à la police. Or, quel que puisse être le raisonnement, il ne peut pas, ne serait-ce que physiquement, y avoir de corrupteurs sans qu’il n’y ait de corrompus, n’est-ce pas ! C’est aussi la même logique dans le cas Boskalis ou Bal Kuler. Des corrupteurs sans corrompus, cela suggérerait, par contre, un État qui peut blanchir même ses corrompus, ce qui serait proprement (!) catastrophique pour notre république démocratique, qui a, par ailleurs, de solides prétentions.

Le ministre Collendavelloo et tous les protagonistes de l’affaire doivent, bien évidemment, bénéficier de la présomption d’innocence, mais il est clair que la seule façon de séparer les innocents des corrompus sera de rendre public le rapport de B&W et/ou de l’ADB. On pourrait même reprocher à ces deux organisations de publier des communiqués très graves, sans balancer des noms. Car, tant que les corrompus ne seront pas clairement identifiés, le soupçon va peser sur tous…

«La seule façon de séparer les innocents des corrompus sera de rendre public le rapport de B&W et/ou de l’ADB»

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Pendant que les médias et le public sont concentrés sur le St Louis Gate, d’autres questions souffrent malheureusement de manque d’attention. C’est ainsi que le Budget passe au second plan et que le Committee of Supply, qui permet au Parlement de scruter les dotations budgétaires, a été largement bâclé, alors que c’est pour ce genre de fonction primordiale qu’il y a un Parlement pour commencer ! Qui sait combien de centaines de millions de dotations auraient pu être remises en question ou économisées si le Parlement s’en était occupé avec sérieux. Il s’agit pourtant d’argent public, précieux et méritant bien du respect. Faudrait-il postuler que la mobilisation, «comme ça», de Rs 158 milliards de la Banque centrale depuis décembre ayant déprécié la valeur de la roupie, contribue aussi à déprécier la valeur intrinsèque de l’argent public ; les millions empruntés dans le passé ayant été, sans douleur, remplacés par les milliards consentis gratuitement par la Banque centrale ? Après tout, il n’y a qu’une petite lettre de l’alphabet et trois minables zéros de plus !

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Une grande réforme des retraites, proposée par le ministre des Finances lors du dernier Budget, est un autre sujet qui s’affiche à peine sur le radar public. Or, elle est de portée fondamentale pour les décades qui vont suivre ! C’est une question qui est loin d’être résolue à ce stade et Aon Hewitt, spécialiste international du domaine, nous en fait la leçon dans une note en date du 15 juin. L’association des actuaires en reparlera lors d’une causerie ce jeudi 25.

La CSG voit le jour parce qu’une promesse électorale d’une pension de Rs 13 500 par mois a été faite à l’horizon 2023. Selon les plans, la CSG paiera alors Rs 4 500 à tout citoyen âgé de 65 ans ce qui, ajouté à la pension de vieillesse actuelle de Rs 9 000, fera le compte. Cerise sur le gâteau : ceux qui touchent moins de Rs 37 480 paieront moins pour la CSG que pour le NPF, qui va, lui, être gelé. Entre Rs 37 480 et Rs 50 000, l’augmentation des primes est faible (entre Rs 38 et Rs 188). Au-delà de Rs 50 000, l’employé paiera 3 %, c.-à-d. de plus en plus, pour ne toucher éventuellement pas un sou au-delà de Rs 4 500. Cette Payroll tax qui, pour rappel, est imposée au secteur privé seulement et qui va gonfler les caisses du gouvernement directement par le PAYE, n’affiche pas que ce seul défaut discriminatoire, puisque les primes font bien plus que doubler aussi à 6 % pour l’employeur, au-delà de Rs 50 000 ! AON souligne qu’il y aura, d’évidence, un frein naturel à employer ou accorder une augmentation au-delà de ce niveau salarial «ligne rouge». De plus, il ne faut pas oublier le PRGF (Portable Retirement Gratuity Fund) qui ajoutera encore 4,5 % à la masse salariale à partir du 1er janvier 2022. C’est à se demander comment un employeur pourra justifier (ou supporter) autant de nouvelles charges sociales sans être tenté de faire l’économie de ces contributions à tout fonds de pension privé existant – qui a, en général, déjà des déficits à combler ! Ou à faire d’autres «économies» !

On connaît aussi l’évolution de la pyramide d’âge du pays qui ne va certainement pas aider la situation et qui fait AON dire que ce système de Pay as You Go est insoutenable puisqu’il y aura de plus en plus de retraités. Ils seront 350 000 en 2057 ! Pour rappel, s’il y avait 6,7 citoyens qui travaillaient en 2017 pour chaque pensionné de 65 ans +, il n’y en aura plus que 3,2 en 2037 et 2,3 en 2057. Il y aura donc TROIS FOIS MOINS de gens qui travailleront alors pour payer AS THEY GO, la pension de «leurs» retraités. Mathématiquement, à moins que le gouvernement ne découvre, jusque-là, le trésor de Rakham le Rouge ou ne sollicite à nouveau, exceptionnellement s’entend (encore une fois), la bonté de la BoM (dont le Special Reserve Fund sera alors sûrement gonflé à bloc, ayant alimenté une inflation importée grandissante), il faudra que nos enfants qui travaillent encore – ainsi que les compagnies qui les emploient – acceptent de payer trois fois la contribution envisagée cette année-ci ?

Est-ce bien crédible ?

AON propose les mesures de la raison que sont la retraite à 65 ans, introduite graduellement ; la pension de vieillesse retardée pour ceux qui continuent à travailler ; un plan actuariellement sain qui ne permet plus de faire des promesses électorales déstabilisantes ; des mesures incitatives pour favoriser les plans de pension privés puisque cela réduit alors le poids des responsabilité de l’État et des générations futures ; un means test, au-delà d’une première tranche universelle, permettant de se focaliser sur les moins bien lotis. C’est logique. Ça tient la route. Faire plus d’enfants, grâce à «l’argent braguette», par exemple, me paraît facile, mais bien moins logique !

Les syndicats vont grincer ? So what ? Ils grincent de toute manière !