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Verdir l’économie et la croissance mauriciennes

9 juin 2020, 10:26

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Depuis le début probable de la crise sanitaire vers fin 2019 jusqu’aux tentatives actuelles de redémarrage de l’économie, il s’en est passé des choses.Bien trop de choses pour tout saisir. S’il n’y a, heureusement, aucun signe d’une possible 2e vague de contamination, l’optimisme, à travers le monde, où les mesures de déconfinement se multiplient, reste bien dissimulé derrière les masques. Avec seulement trois actifs de Covid-19, tous importés, de plus en plus de personnes, redoutant les effets de la crise économique que nous traversons, poussent pour la réouverture des frontières et un deconfinement total, et la réouverture des écoles et autres lieux d’apprentissage et d’interactions sociales. Si en fin de semaine, l’OMS a diffusé de nouvelles directives concernant le port du masque, qu’elle recommande désormais en cas de «transmission généralisée» et lorsqu’il est difficile de maintenir une distance physique, la polémique enfle toujours par rapport à l’efficacité de l’hydroxychloroquine. À Maurice, nous n’avons pas su trancher la question. Le ministère de la Santé a demandé aux patients mauriciens de décider euxmêmes sur la base des informations contradictoires sur le traitement. L’hydroxycloroquine ne montre «pas d’effet bénéfique» pour les malades du Covid-19, avancent, pour leur part, les responsables de l’essai clinique britannique Recovery.

Si, après plus de deux mois de confinement, nous avons repris la main sur le plan sanitaire, nous sommes qu’au tout début de la guerre économique mondiale. Comme notre économie est intégrée dans le système mondial, nous ne pouvons pas nous permettre de rester insulaires dans nos calculs et stratégies – notre présence sur les listes grise et noire des instances internationales prouve que nos faits et gestes sont de plus en plus surveillés par la communauté internationale. Justement, sur le plan macro-économique en termes de stratégie et de réorientation, nous sommes restés sur notre faim. On ne sent rien qui pourrait donner un coup de fouet pour faire émerger une nouvelle économie post-lockdown innovante et en rupture avec les ruines, sur lesquelles on devrait pas tout miser. Les milliards de roupies accordées par la Banque centrale risquent de nous coûter cher – non seulement en inflation ou en dépréciation de la roupie. Le manuel du FMI est explicite par rapport aux transferts et «grants» des institutions publiques au gouvernement central : «5.5 Grants are transfers receivable by government units from other resident or nonresident government units or international organizations, and that do not meet the definition of a tax, subsidy or social contribution. When statistics are compiled for the general government sector, grants from other domestic government units would be eliminated in consolidation so that only grants from foreign governments and international organizations would remain in the general government accounts. Grants may be classified as capital or current and can be receivable in cash or in kind (see paragraphs 5.103–5.105).»

À bien lire la phrase : «grant from other domestic government units». Notre tragédie locale, c’est que les Rs 60 Mds (Rs 33 Mds + Rs 27 Mds) ne proviennent pas des profits, économies ou bien encore du Special Reserve Fund de la Banque centrale, comme auparavant. Les Rs 60 milliards, nous dit-on, seront prélevés du marché local. C’est donc une dette encourue par la BoM alors que le gouvernement empoche la cagnotte. Quand il faudra consolider les comptes du gouvernement, les Rs 60 milliards ne peuvent pas se transformer en un coup de baguette magique en revenus, mais resteront comme un emprunt. Qui aura à être remboursé, qu’on le veuille ou non. Le bluff du ministère des Finances sera démasqué. L’équilibre sera rompu et la dure réalité nous sera rappelée. Nous connaissons sans doute le plus grand déficit budgétaire dans l’histoire du pays.

Reste le FMI, Moody’s, OCDE qui nous diront nos quatre vérités tout en restant diplomatiques et en respectant la souveraineté du pays par rapport à l’utilisation de ses réserves. Les agences internationales prévoient que plus de 170 pays enregistreront une croissance négative du revenu par habitant cette année. Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, dit ceci : «Notre Moniteur des finances publiques montrera que les mesures budgétaires prises par les pays du monde entier se chiffrent à environ 8 000 milliards de dollars. En outre, les pays du G-20 et d’autres ont adopté des mesures massives sur le plan monétaire. Nombre de pays plus pauvres prennent également des mesures budgétaires et monétaires énergiques, bien qu’étant en proie à un choc brutal et malgré une force de frappe de loin inférieure à celle de leurs homologues riches…» Une fois n’est pas coutume, le FMI cite Victor Hugo, pour faire revenir l’optimisme dans les yeux des misérables : «Les grands périls ont cela de beau qu’ils mettent en lumière la fraternité des inconnus.»

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Everything happens for a reason! Je demeure convaincu, pour ma part et comme beaucoup d’autres, que les efforts de relance pour se relever de la pandémie ne peuvent que créer des opportunités sans précédent. Au lieu de nous tirer entre les pattes pour marquer des points insulaires, l’on pourrait en profiter pour verdir l’économie mauricienne en adaptant nos entreprises et stratégies dans un contexte de crise climatique, que nous avons tendance à minimiser parce qu’elle ne tue pas comme le coronavirus. Mais contrairement au Covid-19, personne d’entre nous ne pourra s’enfermer et s’isoler pour éviter la menace commune du changement climatique. Le gouverneur de la Banque d’Angleterre (BoE), Andrew Bailey, celui de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, un membre de la Banque centrale néerlandaise, Frank Elderson, et l’envoyé spécial de l’ONU pour le climat Mark Carney (et prédécesseur de M. Bailey) ont signé une remarquable tribune qui va dans ce sens. «La crise du coronavirus offre la chance d’une vie pour rebâtir l’économie de manière à lutter contre le changement climatique.» Ils plaident pour des plans de relance dont l’argent irait surtout à la transition énergétique, à l’investissement dans les renouvelables ou encore dans les bâtiments plus «propres». Cela permettrait de commencer notre marche, sur des bases nouvelles, vers une transition ordonnée. Cela permettrait aussi de créer des emplois pour accompagner la reprise… post-lockdown.