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Réflexes conditionnés au Parlement

10 mai 2020, 12:22

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Avec Maya Hanoomanjee comme speaker, le déclenchement des réflexes conditionnés avait été activé au Parlement, avec une opposition généralement agressive se heurtant à l’intransigeance et au parti pris à peine caché de la candidate battue du MSM et cousine de lady Sarojini Jugnauth.

Il était dans l’intérêt de la famille Jugnauth, exerçant le pouvoir absolu, de fausser le jeu parlementaire et de ne pas laisser l’opposition l’acculer. Donc, le jeu des réflexes conditionnés assura son lot d’expulsions et de walk-outs. Les intellectuels et les bien-pensants pouvaient se livrer à de grandes réflexions sur les nouvelles moeurs de speakership mais ce qui comptait pour le MSM, c’était l’efficacité dans l’exercice du pouvoir.

Avant Maya Hanoomanjee, le seul autre speaker non issu de la profession juridique fut Iswardeo Seetaram, un enseignant. Afin d’être à la hauteur de ses lourdes responsabilités, Iswardeo Seetaram redoubla d’efforts pour maîtriser Erskine May, la bible des Parlements souscrivant aux traditions de Westminster. Ce speaker installé après le limogeage – un autre événement sans précédent – de son prédécesseur Ajay Daby, se familiarisa aussi avec les pratiques dans les autres pays du Commonwealth.

Le speakership d’Iswardeo Seetaram se déroula sans anicroche excepté l’épisode du Parlement en vacances se réunissant d’urgence à 9 heures, un 26 janvier, pour débattre d’un projet de loi pas vraiment urgent. Mais l’agenda réel derrière cette burlesque convocation en pleines vacances, c’était de s’assurer que Navin Ramgoolam, qui suivait des cours à Londres, ne puisse assister à la séance, se disqualifiant de ce fait comme député en raison d’absences prolongées. Ce fut surtout le coup d’un conseiller de sir Anerood Jugnauth qui s’assura qu’entre la sortie de l’Order Paper la veille et la réunion parlementaire, aucun vol commercial ne pouvait transporter Navin Ramgoolam à Maurice à temps pour marquer sa présence et rendre caduque toute démarche de le disqualifier éventuellement. La Cour suprême devait par la suite annuler cette destitution, établissant qu’il y avait une colourable device derrière cette manoeuvre du gouvernement.

Avec Maya Hanoomanjee, on croyait qu’on avait atteint le sommet. Mais comme le disent les entraîneurs dans les sports physiques, il est toujours possible de battre un record. Et le recordman s’appelle Sooroojdev Phokeer.

Avec Phokeer, il suffit d’une bagatelle pour que les réflexes conditionnés soient activés pour déclencher expulsions et walk-outs. Le fusible est très sensible. Même le leader de l’opposition qui, semble-t-il, se comporte pourtant comme un double disciple du Mahatma Gandhi et de Mère Teresa, n’y échappe pas. Car son expulsion relève d’une considération hautement tactique, celle de le priver de l’occasion d’adresser des PNQ au gouvernement. Pourtant, ses PNQ gentilles et accommodantes ont permis à même un Renganaden Padayachy de ‘kas pake’. Le régime craint qu’une PNQ soit exploitée par d’autres éléments plus pugnaces, comme Paul Bérenger, Xavier-Luc Duval, Shakeel Mohamed, Patrick Assirvaden, Rajesh Bhagwan et Reza Uteem. Pour cette raison, la réponse à la PNQ même de style Boy Scout reste longue, pour épuiser le temps consacré à l’exercice.

Phokeer, enhardi par sa chopine-six d’autorité et de puissance verbale, sait exploiter savamment les réflexes conditionnés. Ainsi, la désarticulation de l’opposition est assurée. Par exemple, avec un vieux guerrier comme Paul Bérenger, doit-on s’attendre qu’il se livre à un numéro de tire-caleçon ? Le leader du MMM court à chaque séance le risque d’être expulsé. Le tout nouveau réflexe automatique, c’est le souci de maintenir la dynamique unitaire des parlementaires de l’opposition, tous les partis politiques confondus. De ce fait, toute l’opposition n’aurait d’autre choix que de se montrer solidaire, en effectuant un walk-out après chaque expulsion. La famille Jugnauth gagne quand l’opposition abandonne le Parlement. La famille va aussi gagner si une expulsion n’est pas suivie par le walk-out des autres. Dans ce cas particulier, le ressort de l’unité de l’opposition se retrouvera cassé.