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Et soudain, nous nous aimons tous…

7 avril 2020, 15:32

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Les oiseaux n’ont jamais arrêté de chanter ni les rivières de descendre vers la mer. L’angélus carillonne toujours et l’azaan marque avec une régularité de métronome les cinq moments de prière quotidiens. C’est l’Homme plutôt qui ne les entendait plus, absorbé dans une course folle qui ne s’arrêtait jamais, relevant des défis qu’il croyait importants, prisonnier d’un système broyeur d’âme et d’humanité. Et puis il y a eu le coronavirus et une remise en question de tout ce qui constituait le monde de l’humain : l’économie, le travail, l’argent, les voyages, les déplacements, les échanges, la consommation. La Terre est sur pause, entre les guillemets d’un confinement inimaginable encore il y a quelques mois.

Dans «Le règne de la quantité et les signes des temps», René Guénon donne une définition surprenante de la monnaie. Les monnaies anciennes, comme chez les Celtes, dit-il, étaient recouvertes de symboles traditionnels se rapportant aux connaissances doctrinales des Druides. Elles avaient un caractère sacré et étaient chargées d’influence spirituelle. Il y a eu ensuite une altération de la monnaie, une «profanisation», qui a eu pour conséquence sa réduction à la représentation d’une quantité pure et simple. «…la question de la monnaie avait, au moyen âge aussi bien que dans l’antiquité, des aspects tout à fait ignorés des modernes», ajoute-t-il. Symboliquement et temporellement, puisqu’il s’agit aussi de la situation de l’Homme dans le temps, le sacré a été banni et remplacé par le profane. La qualité a cédé sa place à la quantité. Et la monnaie s’est transformée en argent, ce dictateur qui préside désormais en tyran à tous les échanges et dénature tout.

Ce tyran dénature toujours tout… jusqu’à l’apparition du coronavirus qui a redistribué les cartes à ce niveau également, détruisant un modèle devenu tout d’un coup impuissant. La solidarité a pris le relais, l’amour de son prochain a retrouvé de la valeur, une «valeur» que seul l’argent pouvait incarner jusque-là. L’aide des médecins chinois et cubains à l’Italie, l’envoi de matériel médical par le milliardaire Jack Ma, la suppression de la taxe sur certains produits sont quelques exemples de ces possibilités. Ces dernières existaient à l’état potentiel, mais elles étaient tout bonnement ignorées, car reléguées au second plan par une exploitation générale de l’homme par l’homme. Nous avons tous les mêmes besoins, les mêmes rêves, les mêmes envies, les mêmes aspirations. Pourquoi faut-il que l’argent dicte tout, décide de tout, rende tout possible ou impossible ?

Dans «Une économie sans argent», Jean-Michel Servet décrit les «cercles ou systèmes locaux d’échange», apparus et qui se sont développés en Amérique du Nord, puis en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie, depuis le milieu des années 80. Les membres échangent «hors des circuits habituels des transactions privées ‘marchandes’, des services, des savoirs et des biens de nature très diverse». Ils s’inscrivent «dans l’ensemble des expériences alternatives et des expérimentations dites utopiques comme forme nouvelle de citoyenneté et d’apprentissage de la démocratie». Ils sont «pensés comme un outil de développement local ou de lutte contre l’exclusion». Quand on le veut, on peut échanger sans argent.

Si l’humanité parvient à vaincre le COVID-19, comment se comportera-t-elle demain ? Reprendra-t-elle sa course folle pour thésauriser des trésors, engranger des titres de Polichinelle, conquérir, accaparer, en détruisant son prochain et l’environnement dans lequel nous vivons tous ? Continuera-t-elle à mettre un prix sur tout ? Et un prix sur le prix, la taxe, qui affecte tout démesurément ?

Nous feignons de l’ignorer mais tout ce dont l’humanité a besoin pour vivre existe sur Terre. Et gratuitement ! Il suffit de partager, de répartir équitablement. C’est l’Homme qui a choisi d’agir en égoïste, en animal avide et cupide. Le choix est simple : reprendre la destruction de l’humanité là où elle s’est arrêtée avec l’épidémie de coronavirus ou adopter un autre modèle où la solidarité et l’amour remplacent comme valeurs première cette contre-valeur qui s’appelle l’argent.