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L’absence de communication tuera davantage !

21 mars 2020, 16:26

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L’absence de communication tuera davantage !

 

C’est un virus, de mul-tiples fois plus contagieux que le SARS et le H1N1: pas de remède à ce jour, sauf le comportement de la population. Mais pour que la population puisse se comporter, il faut qu’elle sache ce qui est attendu d’elle, le rôle qu’elle doit jouer, il faut qu’elle connaisse la réponse éventuelle du gouvernement. Même si les Mauriciens sont informés, après coup, des mesures prises dans le sillage du COVID-19, cela ne suffit pas. Ils doivent être au courant de ce qui sera mis en place lorsque le virus sera à Maurice. L’État doit dévoiler son plan, avec diffé-rents scénarios, avec 1, 10, 100 et 1 000 cas, des mesures prévues pour gérer les situations à venir. Au-delà du discours sur l’urgence de la communication, l’État est désormais lié à une obligation de communication. Pour de multiples raisons.

Jusqu’à présent, la communication des autorités a été réactive, se contentant d’informer des mesures déjà entreprises: quarantaine, contrôles à l’aéroport, etc. Or, ce dont on a besoin, c’est la communication en période de crise, proactive, sur les stratégies à venir, lorsque la situa-tion va s’envenimer, dans les différentes étapes de l’évolution de la pandémie chez nous. Cette communication, avant même que le pays ne soit atteint de plein fouet, est vitale afin d’impliquer la population, et qu’elle participe effectivement dans la mise en œuvre de toute stratégie pour contrer les dégâts que causera le virus à Maurice.

L’idée clé: la bataille contre le COVID-19 est celle de tout un pays, et pas seulement du système de santé: la gagner, suppose un pays solidaire, une population qui participe, qui assume ses responsabilités comme un soldat dans une lutte. Mais pour pouvoir jouer leur rôle convenablement, efficacement, tous les Mauriciens doivent être au courant de ce qui est attendu d’eux. D’où ce plaidoyer, afin que les autorités dépassent le cadre de l’information sur les mesures prises déjà, et commencent à communiquer, afin de préparer la population aux changements de comportement qui leur seront proposés dans les dures situations à venir.

Si le pays est bien rodé en matière de cyclones, avec 60 ans d’expérience post-Carol, dont on maîtrise presque toutes les dimensions, de la classification des alertes aux repas dans des centres de refuge, tel n’est pas le cas avec le COVID-19. Nous n’avons pas de leçons passées à tirer, pas d’approche basée sur l’expérience, sur le vécu des situations similaires. C’est la rai-son qui justifie un état de «preparedness» particulier, avec des scénarios élaborés à partir de ce que nous pouvons apprendre des 157 pays déjà affectés. Et ces scé-narios-là, il faut les partager avec la population dès maintenant afin de gagner sa confiance et qu’elle ne se laisse pas emporter par des faussetés, ni ne se laisse ga-gner par la panique, le moment venu.

En évoquant la néces-sité d’avoir des scénarios élaborés, et de les communiquer, on peut nous accuser de «overreact», mais nous pensons que c’est mieux de «overreact» que d’attendre et réagir subséquemment: nous sommes en guerre.

Et cela relèverait d’une absurdité pour les autorités de se cacher derrière un bu-reaucratique prétexte de confidentialité ou de nous lancer une laconique: le protocole sera suivi... D’ailleurs, de ce protocole, outil technique, de procédure médicale, en réponse à un problème de santé, la population ne sait pas grand-chose. Il y a nécessité de prendre conscience que le COVID-19 n’est pas l’affaire du seul système de santé, toute une société est concernée, et doit être impliquée. D’où l’obligation de communication.

On nous arrose abondamment de nou-velles sur le COVID-19 pour répondre à notre curiosité, le nombre de pays affectés, la situation à Paris, en Italie ou encore de la dernière inquiétude d’Angela Merkel. C’est bien, mais ce n’est pas assez. Il y a lieu que les autorités comprennent que la population mauricienne doit être consciente de son rôle précis dans les jours à venir, qu’il y aura des changements dans son quotidien, des mesures auxquelles elle va devoir adhérer, et qu’on attend d’elle un énorme élan de solidarité.

Et il n’y a pas que le peuple qui ga-gnerait dans cette communication, mais toutes les institutions susceptibles d’être affectées. Les écoles doivent savoir à quelle étape il faut passer aux «distant learning platforms», les centres de santé ou cliniques, à quel moment ils auront des rôles accrus, ou seront transformés; à quel instant le transport public sera réduit, les églises et restos fermés, la suspension des travaux parlementaires, la fermeture de certains bureaux et le redéploiement du staff, le contrôle d’accès aux hôpitaux, à la «casualty», la fermeture des librairies et des commerces non prioritaires, etc.

Négligence, incompétence et absence de communicationsont les complicesmeurtrières de ce fléau qui touche toute l’humanité. Tout gouvernementaura besoin de son peuple dans ces moments de crise exceptionnelle. Mais pour que l’en-gagement soit une réalité, les dirigeants doivent remplir leur obligation de communiquer. Maintenant. Et surtout, qu’ils évitent de dire: «Nou va gété...» lorsque le COVID-19 arrivera à Maurice !