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Coronavirus: Bons prétextes pour se remettre en question

7 mars 2020, 07:42

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À quelque chose malheur est bon! Définitivement le coronavirus – véritable Black Swan pour l’économie mondialisée – peut paradoxalement se révéler positif à bien des égards, surtout pour nous. Bien au-delà de notre extrême vulnérabilité, il y a des opportunités pour nous réinventer. En mieux. Prenons, par exemple, la PNQ d’hier sur le Covid-19. Elle démontre que les échanges au Parlement peuvent être civilisés, courtois, voire teintés d’humour (quand Pravind Jugnauth a répondu, avec le sourire, qu’il ne sait pas s’il faudrait ou pas interdire les bisous à ce stade, même s’il semble être en faveur du Namasté). L’attitude empathique d’Arvin Boolell, qui a assuré le gouvernement du plein soutien de l’opposition dans la lutte pour contrer le virus, est aussi salutaire. Les rancœurs, sentiments personnels, invectives puériles, par exemple, vis-à-vis du speaker, ou entre les deux côtés de l’Hémicycle, ont cédé leur place à un échange constructif, sérieux, presque solennel. En bonne intelligence. Dommage que la délégation népalaise n’était pas, cette fois-ci, dans la galerie des invités pour voir cette démocratie parlementaire à l’œuvre, sans que Sooroojdev Phokeer ne hausse le ton de sa voix de stentor...

L’autre Silver Lining concerne cette volonté du gouvernement mauricien de «se serrer la ceinture» et de couper les voyages et per diem superflus. Voilà un discours qui nous change de la dernière campagne électorale et qui va refroidir les mandarins du pouvoir qui veulent récolter leur «bout».

Souvent dénoncés (en vain) dans les rapports de l’Audit, les gaspillages gouvernementaux ont toujours survécu les différents gouvernements qui se succèdent. Le coronavirus vient aujourd’hui freiner quelque peu les pigeons voyageurs (à défaut de leur couper les ailes) qui profitent de notre argent pour aller faire leur shopping aux quatre coins du monde. Qui ne connaît pas ces hauts fonctionnaires ou ces ministres qui prennent le per diem mais qui vont dormir sur un canapé chez un cousin lointain ? Et puis l’on s’étonne que Dev Manraj ait été incapable jusqu’ici d’imposer une carte de crédit – au lieu de verser du liquide – à ceux qui abusent des voyages dits officiels. C’est connu : les profiteurs n’aiment pas la traçabilité.

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Le coronavirus a bon dos. Alors autant en profiter pour restructurer l’économie mauricienne qui est en décroissance depuis une quinzaine d’années (de 4,4 % à 3,7 %). Aujourd’hui, avec la chute d’au moins 0,5 % de la croissance mondiale, nous serons à peine à plus de 3 %, bien loin des 4 %.

Ce gouvernement a un prétexte tout trouvé, mais il ne faudrait pas qu’il masque (sans jeu de mots) le fait que l’économie mauricienne et ses principaux piliers (sucre, textile, tourisme et services financiers) sont à bout de souffle bien avant l’apparition du coronavirus. Avec une économie forcément en décroissance, les revenus seront moindres et la pression de la dette sera plus forte. C’est le moment idéal pour opérer la transformation et ajouter de nouveaux pôles de développement économique (économie bleue, énergie verte, production agroalimentaire, services financiers plus pointus, tourisme culturel, etc.). Le public, gavé de cadeaux électoraux, est aujourd’hui conditionné par les télévisions du monde entier pour accepter les réformes nécessaires afin de repartir sur de nouvelles bases. Il a peur d’une éventuelle récession.

Sans affoler le public, Pravind Jugnauth a tenu un discours réaliste lors de sa conférence de presse. L’impact de l’épidémie sur l’économie sera plus important qu’estimé au départ. Même le FMI et l’OCDE ont revu leurs chiffres : le coût attendu est passé de 0,1 point de PIB à 0,5 point. Si le nombre de morts n’augmente pas de manière exponentielle, l’épidémie, qui s’étend, provoque l’arrêt d’autres liaisons aériennes, des voyages touristiques, des fermetures d’usines, et l’annulation de grands événements ou compétitions sportives. En fait, l’économie mondiale subit un double choc : celui de la baisse de la production et de la consommation. Et pour que l’économie reparte, il faudrait que la peur recule, et pour cela, il nous faudrait non seulement qu’un vaccin anti-Covid-19 voie le jour, mais qu’il soit disponible à tout un chacun. Ces masques qu’on s’arrache, loin de rassurer, confirment la psychose.

 

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Beaucoup de personnes qui raisonnent apportent çà et là des nuances importantes par rapport à la létalité ou à la propagation du virus, par rapport à la grippe par exemple. Mais ce relativisme prudent ne tient pas vraiment la route en termes absolus. Le coronavirus, à voir la panique mondiale sur les principales places boursières, se révèle définitivement plus dangereux pour l’économie que pour les humains ! Et c’est pour cela que sans vouloir assombrir le tableau, nous estimons qu’il vaut mieux être prêt à faire face au Worst Case Scenario que de subir l’épidémie ou la pandémie.

L’onde de choc corovavirus vient, en fait, remettre en question la nature même de la mondialisation – qui avait tendance à s’intensifier depuis les années 90. Aujourd’hui le peuple travailleur et discipliné de la République populaire de Chine – qui est impliqué, à un point ou à un autre de la chaîne de valeur, à la fabrication d’un nombre grandissant de produits – se retrouve en congé forcé. Mais les Chinois vont à nouveau se remettre au travail. À charge pour nous de comprendre qu’on n’arrête pas le virus avec la peur. Au contraire, c’est le moment de diminuer notre dépendance sur la Chine, et de s’ouvrir aux autres, à tous les autres, y compris à nous-mêmes...