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#J-6 Quand la rue est bizarrement calme…

1 novembre 2019, 07:37

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C’est à se demander si les élections se tiennent vraiment dans six jours. Car nous sommes assez loin de cette ambiance survoltée qu’on attendait. Les «bases» et les haut-parleurs qui hurlent sur les toits des voitures sont moins visibles ou criards. La campagne électorale qu’on croyait courte et intense s’avère surtout courte et bizarrement tranquille.

Mais rassurez-vous, il n’y a pas que des politiciens et des journalistes qui s’excitent 24h/24. Si le citoyen affiche moins ses couleurs dans la rue, c’est parce qu’il préfère une autre façon de s’exprimer et d’interagir : sur son portable, par le biais des réseaux sociaux. D’ailleurs, les clips, manifestes électoraux, statistiques, pronostics, articles, opinions s’échangent à un rythme infernal. Des groupes de discussion virtuels se sont constitués ; ils comprennent des éléments issus de divers partis qui émulent les politiciens. Si le transfugisme (qui n’est pas interdit) est monnaie courante parmi les politiciens, il a gagné les agents et ceux qui oeuvrent dans l’ombre des politiques, dans les coulisses, sur la Toile, ou dans des regroupements divers (groupes de prière, Rotary ou Lions, loges maçonniques, associations de taxis, clubs de 3e âge, etc.)

Plus les enjeux sont énormes, plus les sommes en jeu sont colossales. Les Gooljaury, Lee Shim, l’ex- BAI, parmi les donateurs les plus notoires, ont compris le principe de «met for, gagn for». Après avoir lancé ou facilité le lancement des journaux de campagne, ils achètent désormais des pages entières de pub dans la presse nationale, dans une tentative de se crédibiliser, ou plutôt de se décrétiniser.

Tant mieux si tout est calme, mais méfions-nous quand même du calme avant la tempête, ou de l’issue des urnes, vendredi prochain. Si, en 1976, une solution après le Hung Parliament a pu être trouvée après neuf jours de tractations et de compromissions entre le cercle de sir Seewoosagur Ramgoolam et la garde rapprochée du PMSD, rien ne nous dit qu’il en sera de même cette fois-ci. Entre 1976 et 2019, Maurice a beaucoup changé. L’argent sale, dont celui provenant du trafic de drogue dure et la corruption, a infiltré de manière pernicieuse les institutions et le pays.

***

Le MSM-ML pensait prendre tout le monde de court en annonçant les élections générales dans un délai minimal d’un mois. Le Sun Trust pensait prendre avantage des oppositions divisées et du fait que le gouvernement de Pravind Jugnauth enchaînait, coup sur coup, les JIOI, la visite papale et le lancement du Metro Express. Mais aujourd’hui, l’on réalise qu’ils ont, peut-être, confondu vitesse et précipitation. Sinon, pourquoi remettre sur le devant de la scène un SAJ qu’on avait poussé vers la sortie ? Sinon, pourquoi se lancer dans une inflation démagogique sur la pension de vieillesse, alors qu’on avait promis seulement Rs 500 de plus lors du dernier Budget ?

En faisant une sortie en règle contre l’express mercredi à St-Pierre, Pravind Jugnauth renoue avec une vieille pratique : monter l’électorat rural qui ne consomme que la MBC contre la presse libre qui n’a pas peur d’être irrévérencieuse et indépendante – car, précisément, nous n’avons rien attendu et n’attendrons rien des gouvernements qui se succèdent, sauf, peut-être, une bonne et saine gestion des affaires du pays et, accessoirement, ce qui devrait, légalement, normalement, nous revenir en tant que journal le plus lu. Maurice, à l’image de l’électeur, a changé : la presse «créole» qu’on vilipendait hier dans les villages, a changé de visage et est devenue plus métissée et colorée, comme la société plurielle qu’on emprisonne dans quatre cellules constitutionnelles.

Ceux qui veulent maintenir un regard manichéen dans un monde où les tons sont multiples et denses ratent, en fait, les nuances de la vie et celles du pays…