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Dans l’esprit du deal Illovo ?

26 octobre 2019, 10:09

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Dans l’esprit du deal Illovo ?

Il est beaucoup question à cette étape de la campagne électorale du facteur MMM dans l’après-scrutin. Dans l’éventualité où ni le MSM-ML, ni le PTr-PMSD, ne remporterait une majorité absolue dans l’île principale de Maurice avec ses 60 sièges, le MMM pourrait jouer le rôle de kingmaker.

Dans tout le débat engagé actuellement sur ce facteur particulier, on tend à ignorer le poids de Rodrigues dans une situation où aucun parti à Maurice ne dépasse le seuil de 30 sièges. Les deux élus de la deuxième île de la République, de même que ses deux potentiels Best Losers pourraient bien peser dans la balance. Cela s’est déjà produit dans l’histoire électorale du pays. En effet, grâce aux deux sièges que le PMSD avait remportés à Rodrigues en 1976, ce parti permit à sir Seewoosagur Ramgoolam de rester au pouvoir, en dirigeant un gouvernement de coalition comprenant aussi le PMSD.

Dans le contexte de 2019, il serait difficile de concevoir Rodrigues s’affirmant comme kingmaker dans l’île principale, ce qui braque les regards sur le MMM. Dans un contexte où le MMM contrôlait entre 40 et 46 % de l’électorat, on aurait donné la victoire à ce parti, un certain électorat étant irrémédiablement divisé en deux camps distincts. L’érosion de la base traditionnelle du MMM laisse penser qu’il ne serait pas facile pour ce parti d’enlever une majorité de sièges. Mais si les deux autres formations ne parviennent pas, elles non plus, à capturer le pouvoir, le MMM entrerait automatiquement dans le processus de constitution d’un nouveau gouvernement. Dans ce cas, on part du postulat que rien au monde ne pourrait amener le MSM et le Parti travailliste à travailler ensemble, à moins qu’on assiste à un hara-kiri de Pravind Jugnauth ou de Navin Ramgoolam.

Si en l’absence de majorité absolue à l’issue du dépouillement des bulletins de vote le MMM s’affirme comme kingmaker, de quel côté le coeur penchera-t-il ? Pour avoir une idée de ce qui pourrait se produire à partir de l’aprèsmidi du vendredi 8 novembre, il est impératif de bien analyser les discours que tiennent les leaders des trois formations principales du pays. Navin Ramgoolam et les autres membres de son parti évitent actuellement toute attaque frontale contre le MMM et son leader. Le MSM réserve, lui, toutes ses attaques contre Navin Ramgoolam, allant jusqu’à exploiter l’appât du gain de la fille de Nandanee Soornack. Le leader du MSM s’est gardé de porter le moindre coup bas à Paul Bérenger. Lorsqu’on analyse les discours de Paul Bérenger, on réalise bien vite qu’il évite des critiques personnelles de la famille Jugnauth tout en assommant le leader des Rouges, même en ayant recours à de méchantes insinuations portant sur l’existence d’autres coffres. Bien sûr, en partant du principe que l’ennemi de mon ennemi est mon ami, on peut facilement déceler des zones de non-agression entre le MSM et le MMM.

Le MSM et le MMM, ont à leur actif, ensemble, le plus grand exploit de stabilité d’une alliance depuis l’indépendance du pays en 1968. Le seul gouvernement de coalition qui est allé au terme de son mandat fut celui qui dirigea le pays de 2000 à 2005.

La parfaite harmonie qui marqua le règne du gouvernement MSM-MMM de 2000 à 2005 est mieux illustrée par la facilité avec laquelle le deal Illovo fut réalisé en 2001. Aux termes de ce deal, les grandes propriétés sucrières réalisèrent d’énormes bénéfices à coups de milliards. En contrepartie, le gouvernement et le Sugar Investment Trust reçurent ensemble quelque 10 000 arpents de terre. Ce deal n’avait pas obtenu l’aval du parquet qui statua qu’on violait la loi en tentant de favoriser les compagnies sucrières. Mais le gouvernement eut recours à l’ancien chef juge Henri Garrioch pour override l’avis du parquet émis par Mes Dhiren Dabee et Ashraf Caunhye. Le «cadeau» de Rs 57 millions à l’industrie sucrière qu’on reprochait à Paul Bérenger n’était que pipi de chat comparé aux milliards obtenus par le biais du deal Illovo.

Ce deal symbolisant l’efficacité dans l’action de l’alliance MSM-MMM fut plus tard froidement analysé par Jean-Mée Desveaux, ancien conseiller de Paul Bérenger. Il révéla que dans un premier temps, quand son ministre s’occupait du dossier, le gouvernement allait récolter les deux tiers des bénéfices du deal contre seulement un tiers aux sucriers. Quand le Premier ministre Anerood Jugnauth reprit les dossiers et que le parquet fut neutralisé, la formule changea radicalement de nature, les usiniers gratifiés de deux tiers du deal, le gouvernement n’obtenant qu’un tiers du gâteau.

La parfaite entente entre le MSM et le MMM se manifesta encore quand les deux partis conjuguèrent leurs efforts pour démanteler l’Economic Crime Office (ECO) le 27 décembre 2001. L’ECO était dirigé par Indira Manrakhan, installée à ces fonctions par le gouvernement Ramgoolam sortant. L’ECO avait initié une enquête pour corruption contre le ministre Jayen Cuttaree et l’avait même convoqué à son bureau. C’est suivant une vigoureuse intervention verbale du tandem Ivan Collendavelloo-Veda Baloomoody que Cuttaree évita une arrestation. MMM et MSM se mirent d’accord pour se débarrasser d’Indira Manrakhan le plus vite possible. L’ECO fut dissous et immédiatement remplacé par une institution devant être dirigée par un élément pro-MSM.

Sur le plan purement personnel, Pravind Jugnauth comme vice-Premier ministre et ministre des Finances s’est bien entendu avec le Premier ministre Bérenger de 2003 à 2005. Nouvel épisode du feuilleton en perspective, avec des rôles redéfinis ?