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Le chef et les indésirables

5 mai 2019, 11:00

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Ces meetings du 1er-Mai ? Au-delà des discours où ici, au MSM, l'on tente de jouer sur un bilan tout en promettant d'autres mesures, alors que là, chez les travaillistes, on essaie de faire croire à une future politique de rupture qu'on n'a jamais pratiquée au temps du pouvoir ; au-delà de l'engagement catégorique des Mauves pou al tousel dan prosin eleksion, alors que le PMSD est confiant de faire partie du prochain gouvernement, même s'il n'a aucun allié officiel à ce jour ; au-delà des tons et de certains propos indécents qui témoignent de la petitesse d'esprit de nos leaders politiques ; au-delà de la position incompréhensible de Laina Rawat, s'en allant défendre Roshi Bhadain qui se déresponsabilise honteusement de la chute de la BAI, restent certains messages du Premier Ministre qui devraient nous interpeller, tant ils frisent l'abus de pouvoir.

Ainsi donc, le chef du gouvernement confirme, avec ses propos, que l'une des personnes visées à travers la nouvelle loi sur l'immigration est le pilote Hofman qui, malgré son mariage avec une Mauricienne, est dorénavant considéré comme étant un personnage indésirable, devant obligatoirement avoir les autorisations du bureau du Premier ministre pour séjourner dans l'île. «Ce n'est pas parce que vous êtes un étranger que vous pouvez faire une grève illégale dans les institutions les plus importantes du pays», s'est égosillé Pravind Jugnauth lors de la plateforme du 1er-Mai en évoquant les modifications apportées à la loi sur l'immigration.

Si on avait des doutes sur cette urgence incomprise du gouvernement d'aller de l'avant avec cette Immigration Amendment Act, l'on sait désormais que la préoccupation était, entre autres objectifs, la sanction de l'auteur de certains commentaires qui ont contrarié le Premier ministre et sa garde. «Dir zot respe nou, pa zour Premie minis», a renchéri Collendavelloo en écho à la lettre qu'avait reçue le pilote Hofman, l'informant de son statut de «prohibited immigrant» pour son implication dans la grève des pilotes et pour avoir traité le Premier ministre de «fou», parmi les raisons avancées.

Donc, à présent dans notre pays, un chef du gouvernement a le pouvoir de décider de l'avenir du/de la conjoint(e) d'un(e) Mauricien(ne) – ici, le pilote est le partenaire d'une compatriote depuis 13 ans – en utilisant, comme prétexte, cette loi votée dans l'empressement, malgré les contestations de l'opposition.  Cette affaire est grave parce que, plus loin que le cas du pilote Hofman – dont le pouvoir a voulu la peau dès le début : licenciement du jour au lendemain, permis de résidence résilié, tentative de déportation et aujourd'hui personnage indésirable –, cette Immigration Act nous fait basculer dans un régime autoritaire. Qui donne la liberté à un Premier ministre de sanctionner des étranger(ères), marié(es) à des compatriotes sur la base subjective de l'appréciation d'un chef du gouvernement.

Le leader du MSM aura beau tenter de nous faire croire que cette nouvelle loi vise la protection des citoyens – et l'on peut comprendre que le Passport and Immigration Office devrait être vigilant devant des demandes d'étrangers condamnés pour des délits de trafic de drogue ou coupables de forfaits condamnables voulant ensuite s'installer à Maurice – mais il se trouve que la première victime de cette loi n'est ni un terroriste, ni un criminel. C'est dire à quel point cet outil est une arme dangereuse entre les mains d'un chef qui peut décider, selon son bon vouloir, qui d'entre ceux et celles qui épousent un(e) compatriote a le droit de vivre son histoire sur notre territoire et qui sont les indésirables qui en seront privés.

D'où l'importance de dénoncer la nature de cette loi conçue pour servir les intérêts conjoncturels de ces hommes qui passent, le temps d'un mandat. D'où l'inquiétude que d'autres gouvernements dans le futur se servent de cette législation pour répondre à des motivations revanchardes. Alors qu'une loi est faite pour être pérenne, pour s'inscrire dans le long terme et surtout pour garantir les droits de tout individu. Ici, c'est loin d'être le cas !