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Ce sentiment d’injustice…

28 avril 2019, 11:31

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Pendant que l’indignation cède place à la colère populaire, devant ce qui est perçu comme une impunité d’un pédocriminel, le DPP envoie un signal fort tant attendu. En faisant appel du jugement prononcé par la magistrate Ramsoondar, dans le cas Michel de Ravel, qui bénéficie d’une caution de bonne conduite lui permettant d’éviter la prison, alors qu’il a été reconnu coupable d’attentat à la pudeur sous 21 chefs d’accusation, le DPP laisse penser qu’il ne faut pas désespérer du judiciaire.

Cette réaction rapide de Satyajit Boolell mérite d’être saluée, car elle vient corriger une perception d’injustice, ressentie par une grande majorité de Mauriciens qui ont spontanément exprimé, avec raison, leur incompréhension et révolte sur diverses plateformes depuis l’énoncé de la sentence envers Michel de Ravel. Mais cet appel du DPP, dont on retient l’esprit clairvoyant, était surtout nécessaire pour le message envoyé à notre société : qu’une justice qui semble «trop indulgente» peut être contestée ! S’il est important de le souligner, c’est parce que le choc qu’a suivi le verdict donne une représentation négative de notre judiciaire qui a pourtant bonne réputation en demeurant le dernier rempart contre toutes les dérives et dysfonctionnements notés.

Sauf que depuis mercredi dernier, c’est un sentiment de malaise qui règne à la suite du verdict dans le cas de de Ravel dont une considération humaine a primé, mais pas là où on l’attendait. Et c’est ainsi que quand on invoque la santé de l’accusé, la réaction spontanée est de se demander: qu’en est-il de celle des victimes qui sont huit au total, qu’en est-il des dégâts psychologiques et physiques endurés par ces jeunes femmes ? Tout comme  quand on invoque le laps de temps entre le moment des actes commis, les plaintes et le début du procès, l’on se demande si on a bien saisi qu’il s’agissait là d’enfants, et qu’il est ici question d’agressions sexuelles commises sur des petites filles innocentes, sans défense, placées sous la responsabilité d’un adulte, qui a abusé de leur confiance.

Pourtant, le signe que l’opinion espérait était là : qu’il y ait une reconnaissance des victimes qui entament le tortueux chemin de la reconstruction, que la justice réagisse fermement et entende ces jeunes personnes qui, encore aujourd’hui, portent les stigmates de cette souffrance, que l’État mauricien protège ses enfants, et que les pédophiles qui sont des agresseurs, payent pour leurs actes. D’autant que dans l’affaire qui nous concerne, l’accusé avait reconnu certains faits, ayant présenté des excuses à quelques parents des victimes, avant de confier à la police suivre un traitement pour combattre cette attirance malsaine. 

D’où l’inévitable réflexion : si dans un tel cas où, pour la première fois, huit victimes sont impliquées, si dans une affaire où un pédophile reconnaît des faits, est jugé coupable sous 21 chefs d’accusation, mais finit par échapper à la prison, comment ne pas se demander à qui on s’adresse : à ces prédateurs dans l’ombre, ces pervers et manipulateurs qui font parfois partie de notre famille, notre entourage et qui, après ce procès, peuvent avoir l’impression d’un certain règne de l’impunité ? Ou bien à ces victimes qui ont l’amer sentiment d’une justice qui n’a que faire de leur longue souffrance ?

C’est dire à quel point la perception autour de ce verdict ressemble à un rendez-vous manqué. Alors qu’on s’attendait à un avertissement fort à l’adresse des agresseurs d’enfants, alors qu’il y avait une occasion à saisir pour rendre légitime la parole des victimes qui ont fait preuve d’une force de l’âme en dénonçant ces actes répréhensibles sur leur personne avec toutes les répercussions qui s’en sont suivies : déposition à la police, reconstitution des faits, procès en faisant face à l’accusé, contrecoups personnels et traumatisme, entre autres.

C’est pour toutes ces raisons que nous devons rendre hommage aux victimes, qui courageusement, malgré toutes les épreuves endurées, ont dénoncé ces actes condamnables. Pour elles, pour tous les enfants et les personnes qui portent en eux des douleurs insoupçonnées, après avoir croisé le chemin d’un prédateur sexuel, il est important qu’elles sachent que leur pays ne cautionne pas la pédophilie, qui est un délit grave. En attendant l’appel du DPP, toutes les initiatives citoyennes, à l’exemple de la marche de Pédostop, prévue le 8 mai, sont à encourager. Pour que notre société soit meilleure, pour qu’il n’y ait pas une perception de banalisation des actes pédocriminels, et pour que nos enfants soient protégés…