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Le climat, les aléas et nous

24 mars 2019, 07:18

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Des corps sans vie, qui flottent dans une eau boueuse, des débris partout, des cris, l’obscurité, le dénuement, l’inondation, le deuil, les scènes de désolation, de dégâts et de SOS au Mozambique nous touchent particulièrement. Le bilan humain du cyclone Idai pourrait bien dépasser le millier de victimes. C’est la preuve brutale, s’il en fallait, que le continent africain subit de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique. Pourtant, de par son relativement faible taux d’industrialisation, l’Afrique ne doit pas être mis au banc des accusés des pollueurs, contrairement aux États-Unis et à la Chine. Car l’Afrique n’est responsable que de 4 % des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble planète… d’où cette injustice naturelle.

Mais le débat n’est pas là, du moins pas pour le moment, alors qu’il y a encore des milliers de vies à sauver. Après avoir enterré leurs morts, le Mozambique et le Zimbabwe font encore face à l’épineux problème des déplacés à cause de ce cyclone, qui serait le plus puissant que l’Afrique australe ait connu ces dix dernières années. Idai fait partie de ces catastrophes dites naturelles, mais qui portent de plus en plus la griffe humaine.

Plus loin, en page 12, notre compatriote Philippe Boullé, expert en développement durable et en réduction de risques liés aux catastrophes naturelles, nous explique que la catastrophe qui a traversé le Mozambique et le Zimbabwe est due à la conjonction de trois facteurs: 1) le phénomène naturel lui-même, c’est-à-dire le cyclone; 2) la vulnérabilité «physique», c’est-à-dire les lieux traversés par le cyclone; 3) l’état de résistance, la très faible résilience («susceptible vulnerability») de ces lieux vulnérables : le port de Beira, les infrastructures, par exemple.

Fait notable: les pays touchés par Idai avaient déjà été visités par d’autres cyclones – qu’on appelle dépressions tropicales quand elles pénètrent à l’intérieur des terres. Mais, cette fois-ci, la trajectoire du cyclone, la pluviométrie exceptionnelle, les vagues de plus de trois mètres de haut et la constance de la force (pourtant relativement faible) du vent sur des structures physiques peu résistantes et sur des terres (généralement plus habituées à la sécheresse) ont donc résulté en un bilan humain et matériel très lourd.

Alors que le cyclone est un phénomène naturel, et que l’on sait comment il se forme au sein des océans, en revanche, la main de l’Homme y est aussi pour quelque chose. D’abord il y va de notre responsabilité, avec les émissions de CO2 , dans l’augmentation de la température des océans, ce qui provoque l’apparition de cyclones d’une plus grande intensité; ensuite en développant des structures d’urbanisation et des bâtiments très vulnérables ou en facilitant l’installation de peuplement dans des zones reconnues à risque. L’Homme a de surcroît le pouvoir non pas d’arrêter un phénomène naturel, mais d’agir pour réduire le risque de dégâts importants que celui-ci pourrait causer. À méditer par nos autorités et concitoyens confondus.

Face au statu quo de nos décideurs politiques, il est salutaire de voir cette poignée de jeunes qui, marchant sur les pas de la Suédoise Greta Thunberg, sacrifient leurs vendredis pour descendre dans la rue afin de réclamer des lendemains meilleurs. Au moins, ils ont compris l’importance de sensibiliser tout un chacun.

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 Face aux catastrophes naturelles et aux dégâts financiers et économiques qui y sont associés, nos îles du sud-ouest de l’océan Indien sont livrées à elles-mêmes. Elles s’immobilisent — et leur économie se contracte — à chaque passage d’un cyclone, à chaque sécheresse, à chaque inondation ou à chaque alerte au tsunami. En raison du changement climatique, ces aléas tendent à s’intensifier, rendant donc nos pays et nos sociétés encore plus vulnérables.

Toutefois, la fatalité de ce sentiment d’impuissance humaine face aux forces de la nature peut être conjurée à bien des égards. Ainsi, une nouvelle approche s’est développée ces dernières années: les instruments et stratégies de transfert des risques financiers. En raison des incertitudes entourant l’impact des catastrophes naturelles, il faut s’assurer contre les risques existants et non pas contre les catastrophes qui peuvent ou non survenir. Cette approche implique que les pertes économiques dues à la concrétisation d’un risque prévu ou imprévu doivent être «assurées», afin de ne pas affecter indûment les ressources de l’État et du secteur productif, et, partant, ne pas freiner la stratégie de développement en cours.