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La réalité vs les discours

9 mars 2019, 07:30

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Au-delà du drame humain entourant la fermeture soudaine de Palmar, il y a la récupération des uns et la démagogie des autres, liées en grande partie à l’échéance électorale. C’est dommage puisque le textile local, qui traverse une crise profonde, a besoin d’une considération bien au-delà de la politique politicienne pour cerner les défis multiples auxquels il est confronté depuis un bon bout de temps déjà. 

À l’ère de la globalisation et de la délocalisation, il faut qu’on soit réaliste : les solutions domestiques, si tant qu’on arrive à tenir des consultations tripartites civilisées, ne suffisent plus. Donc c’est presque puéril que l’Hôtel du gouvernement, Thierry Lagesse et Faisal Ally Beegun se renvoient la bobine de fil ou tentent de tirer, chacun de son côté, leur épingle du jeu sans évoquer, par exemple, le lien entre la productivité qui stagne ou progresse trop mollement par rapport aux salaires qui sont, eux, en évolution, ou la situation sociale du pays. 

Un fait mondial, depuis 2015, c’est que plus de 25 % de la totalité des biens manufacturés produits dans le monde le sont par la Chine, condamnant les autres pays à se partager le reste dans un marché hypercompétitif. L’autre réalité c’est que les entreprises, jadis séduites par une main-d’oeuvre bon marché et malléable, ont déjà commencé à se tourner vers des destinations où elles peuvent tirer un meilleur parti des nouvelles technologies (robotique de pointe, impression 3D, Internet des objets qui révolutionnent les procédés de fabrication et qui réduisent le poids relatif des salaires, fixés ou pas). Eric Ng, dans une analyse succinctement appelée Délocalisation, explique que «les palliatifs traditionnels des autorités ne marchent plus. Juste après l’annonce du patron de la CMT, menaçant de licencier 5 000 employés à moyen terme, la roupie a recommencé à glisser contre le dollar (...) Les propos d’un grand exportateur ont plus d’effets sur la roupie qu’une baisse du taux directeur par le comité de politique monétaire». Selon l’économiste, la délocalisation vise, entre autres, à contrecarrer des prix élevés et inflexibles sur le marché du travail, tel le salaire minimum – terme qui déclenche les passions. 

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La lune de miel de l’alliance Lepep avec le peuple a pris fin depuis 2015 au moins. L’euphorie du départ a laissé la place à la déception. «Sa gouvernma la p laiss nou dan karo kann», disent les ouvriers de Palmar. 

Après le plébiscite du 11 décembre 2014 qui a surpris les dirigeants de la défunte alliance Lepep eux-mêmes, ces derniers se retrouvent, de plus en plus, avec un niveau de défiance assez élevé et un taux de popularité qui chute. Le «Feel Good Factor» du début, stimulé en grande partie par la compensation «across the board» de Rs 600 et la pension de vieillesse universelle à Rs 5 000 en 2015, s’est dissipé. Larmes, colère et déception sont désormais de rigueur parmi les travailleurs, les syndicalistes et le grand public. La double victoire MedPoint-Chagos est déjà oubliée. La réalité économique rattrape les discoureurs au pouvoir. Il s’avère, en fait, difficile de rester populaire s’il faut trancher entre les employeurs et les employés, entre les investissements et les remboursements.

L’express le dit depuis des décennies : le problème avec nos politiciens, c’est que leur vision s’étend sur cinq ans. Elle commence avec des promesses électorales pour finir avec un chapelet de prétextes. Leur raisonnement est simpliste et connu : il faut être au pouvoir pour initier des réformes. Et pour être au pouvoir, il faut être populaire, voire populiste, quitte à plomber les finances publiques. Pareille survie politicienne n’est hélas pas compatible avec le présent contexte économique. Or, là aussi on le répète à l’envi, le discours nécessaire pour un développement durable s’inscrit dans la durée.