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Fonctionnaires, «marquez, gardez»

2 février 2019, 07:45

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Deux événements rapportés durant la semaine et liés au népotisme et à la corruption mettent en exergue le rôle des fonctionnaires et des membres de boards qui participent à des décisions imposées par des ministres ou nominés politiques. Dans le cas de Vijaya Sumputh, l’amie du ministre Anil Gayan, on devait apprendre que le chairman d’alors du Trust Fund for Specialised Medical Care, Vishwamitra Ramjee, avait pris la responsabilité personnelle d’octroyer une augmentation salariale de Rs 100 000 à Sumputh, ce qui porta son package mensuel à Rs 323 000. Ramjee était un activiste du Muvman Liberater (ML) et n’avait aucune spécialisation en médecine, tout comme dans le cas de Sumputh.

Ce cas mérite d’être étudié en profondeur. À commencer par les pouvoirs du chairman Ramjee. Les membres du board avaient-ils soutenu la démarche du président ? Personne n’a objecté ? Le conseil d’administration ne regroupe pas que des nominés politiques. Sûrement des fonctionnaires y siègent. Ontils donné leur accord à cette démarche scandaleuse ? Ont-ils objecté ? Avaient-ils peur d’élever la voix ? Quelqu’un a-t-il écrit quelque part sa propre réflexion sur cette affaire, juste pour se rafraîchir la mémoire si jamais il est interrogé par une commission anticorruption ou par des éléments de la police ?

Selon une version des faits, un homme politique ne faisant pas partie du board aurait assisté à la réunion qui devait décider de l’augmentation de Sumputh. Les membres du conseil d’administration non-nominés politiques et les fonctionnaires ont-ils noté quelque part ce que le politicien a dit ou même des détails sur le complet qu’il portait, la couleur de sa cravate ou s’il était accompagné d’un(e) attaché(e) de presse ?

L’autre cas qui interpelle sur les responsabilités des fonctionnaires a trait aux révélations d’Akilesh Deerpalsingh, selon lesquelles des hommes politiques s’étaient arrangés pour faire nommer trois personnes dans une entité relevant du ministère de la Bonne gouvernance et des services financiers, du temps où Roshi Bhadain y occupait les fonctions de ministre. Akilesh Deerpalsingh, un ancien adviser de Bhadain, avait été convoqué par l’ICAC, qui enquête sur 25 cas de nominations suspectes à ce ministère, sans doute dans le but de compromettre l’ancien ministre. Deerpalsingh a révélé que le fils du ministre Ashit Gungah, le gendre de l’ambassadeur Shyam Khemloliva et la bru du chef de la fonction publique, Nayen Koomar Ballah, un cousin de Lady Sarojni Jugnauth, avaient été recrutés sans passer par la procédure normale.

Les révélations de Deerpalsingh ont amené l’ICAC à scorer un own goal. On se demande si Deerpalsingh sera convoqué de nouveau au risque qu’il provoque davantage de dégâts dans Lakwizinn.

Si Deerpalsingh n’avait pas été convoqué par l’ICAC, la population n’aurait jamais su que de tels cas de népotisme s’étaient produits, bien que ce phénomène soit bien répandu. La fille de la speaker, Maya Hanoomanjee, n’avaitelle pas révélé qu’elle ne savait pas quel poste lui avait-on réservé à Maurice alors qu’elle était basée à Londres ? On connaît aussi le cas de Youshreen Choomka. Comme chairperson de l’Independent Broadcasting Authority (IBA), elle avait postulé pour le pour le poste de directrice de cet organisme, sans savoir qui était son futur employeur. Des fonctionnaires de grand calibre font partie du board de l’IBA.

Encore une fois, la responsabilité des membres non politiques des boards, de même que des fonctionnaires, est engagée dans tous ces cas de nominations scandaleuses. L’exécution de ces décisions ne pourrait être assurée qu’avec la participation directe des fonctionnaires. À l’exception de quelques fonctionnaires qui n’ont pas froid aux yeux, on accepte généralement les décisions des hommes politiques, bien que sachant que les procédures ne sont pas suivies à la lettre.

Puisque nous entrerons de plain-pied dans une campagne électorale, il est plus que probable que des décisions seront prises pour répondre aux revendications des partisans, la principale étant travay dan gouvernma. L’allocation des contrats générant un très gros business en commissions, certains seront tentés de toucher le jackpot après avoir intériorisé l’idée qu’on se retrouverait dans karo kann éventuellement. Dans la mise en pratique de toutes ces décisions, l’engagement des fonctionnaires sera total. C’est pour cette raison que les fonctionnaires doivent «marquer-garder» tous les faits et gestes des hommes politiques et de leurs nominés sur les boards. Car de telles informations seraient cruciales si jamais il y a un changement de gouvernement.

Pravind Jugnauth et le MSM sont bien partis pour obtenir un nouveau mandat, à en croire la télévision nationale… On voit tous les soirs à la MBC comment les Mauriciens adorent, aiment et affectionnent le Premier ministre. Mais si jamais le MSM et le ML perdent, ils doivent s’attendre à un implacable retour de manivelle. Car le gouvernement MSM-ML a fait fi de toutes les traditions politiques quand il a choisi d’arrêter et d’humilier un ancien Premier ministre.

Pour les fonctionnaires, ce qu’on pourrait prévoir en cas de changement de gouvernement, c’est que leur participation dans l’exécution des décisions illégales ou en violation des règlements ferait l’objet d’interrogations. Les témoignages dans ces cas seront grandement facilités si on a pris le soin – et la police d’assurance – de «marquer-garder».