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Campagne Électorale: Voter avec ses tripes

23 janvier 2019, 08:21

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Campagne Électorale: Voter avec ses tripes

C’est du jamais-vu. Un tel déluge de «cadeaux» (jargon électoral qui désigne des pots-de-vin distribués par le gouvernement du jour) alors qu’il reste encore au moins une année avant les prochaines échéances électorales. Dire que cette dilapidation irréfléchie de la trésorerie qui hypothèque déjà notre équilibre financier ne fait que commencer.

Cerise sur le gâteau. Les grands intellectuels du MSM, entre autres les Hurreeram et Toussaint, en bons communicants, arrivent à nous convaincre sans peine que ceux qui remettent en question le bien-fondé de ces nouvelles mesures sont d’infects démagogues ! De plus, le «think tank» du MSM semble faire l’impasse sur le fait que les rationalités qui mènent l’électeur à faire un choix sont plus complexes que l’approche purement économique

Les études au niveau universitaire seront désormais gratuites. Tenez, on pense à nous les jeunes ! Or, ni l’augmentation de la pension des seniors, ni la publication anticipée du PRB, censé créer un «feel-good factor», ne parviendront à envoyer au fils Jugnauth la bouée de sauvetage qu’il attend avant de sombrer.

«… l’option Ramgoolam, avec toutes ses imprévisibilités, semble devenue envisageable, sinon vraisemblable.»

Le verdict des urnes dans les démocraties démontre que certains partis majoritaires survivent à une conjoncture défavorable alors que d’autres ne sont pas reconduits malgré une conjoncture favorable. Quelle que soit la tournure des événements, la tête du fils Jugnauth est toujours sur le billot.

Comment en est-il arrivé là ? Pourtant, il en avait été prévenu au tout début de son mandat : sa victoire relevait davantage d’un vote sanction contre Ramgoolam qu’un choix populaire délibéré en faveur du parti Soleil et de son programme électoral. Cependant, grisé par cette victoire à laquelle il n’avait pas été préparé, il s’est laissé happer, aidé par son entourage, à des pulsions incontrôlables.

Son gouvernement a mis plus d’énergie dans l’assouvissement de la vengeance que dans la tâche d’améliorer les conditions de vie des Mauriciens. Puis, à partir de la passation, en catimini, du pouvoir entre le père et le fils, ce notoire deal « papa-piti », au lieu de démontrer qu’il avait des ressources et des vertus pour transcender l’étiquette de petit imposteur qui lui collait à la peau, le fils Jugnauth a tout fait pour démontrer, au contraire, qu’il n’agissait pas en chef de gouvernement, mais en usurpateur opportuniste dont le souci est d’arroser son clan quant au partage de faveurs.

Par ailleurs, il a démontré qu’il était loin d’être un meneur d’hommes, étant incapable de rappeler à l’ordre ses troupes et d’endiguer la succession de scandales durant ces quatre dernières années. L’homme à qui on a reproché un manque de charisme depuis son entrée en politique n’a cessé de décevoir, surtout que son entourage et lui continuent de jeter Ramgoolam en pâture dans un pathétique effort de faire diversion sur la vacuité et l’absence de résultats de son gouvernement.

Gouverner, c’est faire preuve de bon sens. Gouverner, c’est prêter l’oreille à ce que le peuple a à dire. «To pé vinn isi to pé nek kritik Navin, Navin. Vinn get dimounn so problem.» Ce cri du coeur de cette bénéficiaire d’une maison de la NHDC à Cottage résume le ras-le-bol des électeurs, las de voir ce présent gouvernement se cacher derrière Ramgoolam pour fuir ses responsabilités. Le très brillant Jhugroo, présent sur les lieux, devrait s’appliquer plus que d’habitude pour décoder cet incident.

Le peuple a déjà sanctionné Ramgoolam pour ses abus quatre ans de cela. Une grande partie de ces exactions a été dévoilée en plein jour au peuple. Nous rappeler ces abus n’atténuera en rien les nombreux scandales du présent gouvernement. Si Ramgoolam ne mérite toujours pas notre absolution, le fait est qu’étant hors du pouvoir, il n’a pas eu l’opportunité de sévir pendant ces quatre dernières années. En revanche, les Jugnauth et leur gouvernement ont étalé impunément le népotisme. Et c’est surtout cela que les électeurs seront appelés à sanctionner dans quelque temps.

Si lors des élections de 2014, l’épisode Soornack et les autres excès étaient vraiment du pain béni pour les stratèges de ce gouvernement, il est temps de prendre conscience que ces mêmes parodies, quoique rafraîchies grâce à des astuces technologiques, ont désormais un goût de pain rassis ! Surtout que le gouvernement Jugnauth n’a pas le monopole de la dérision et que le camp adverse aurait vraiment l’embarras du choix en ce qu’il s’agit de dénonciations de scandales !

La campagne électorale promet malheureusement d’être âpre. Il s’agit vraiment pour Jugnauth, qui détient l’appareil d’État, de donner le ton en évitant de frapper systématiquement au-dessous de la ceinture. Afin de ne pas avoir à déplorer plus tard qu’on s’attaque à ceux qui lui sont chers. Cependant il est fort à prévoir que Jugnauth ainsi que Ramgoolam vont tous deux se vautrer dans la bassesse, car la soif du pouvoir et la quête immodérée de l’argent ont un prix : la dignité.

Le 1er janvier, le peuple mauricien a appris qu’il allait bénéficier de nombreux cadeaux. Avec recul, beaucoup ont réalisé que trop de conditions étaient attachées dans l’obtention de ces cadeaux, un peu à la manière de publicités mensongères. Le 15 janvier, l’affaire MedPoint est venue rappeler au public la facilité avec laquelle Rs 144,7 millions ont été prises dans les poches des contribuables, pour enrichir un proche du clan. Autre mauvais souvenir, ce sont les millions du Sun Trust, toujours aux frais des contribuables. Ce qui remonte également à la surface, c’est le fait qu’Anerood Jugnauth, père du miracle économique, soit parmi les 10 plus grosses fortunes de Maurice (tout comme Ramgoolam). Et que fait le fils ?

L’avocat David Perry, le représentant du DPP, a bien décrypté cette imposante machinerie destinée à promouvoir de toutes les manières imaginables la situation politico-financière du clan Jugnauth. Si certains s’enrichissent démesurément, c’est incontestablement au détriment des autres. Le peuple l’a compris. Il a compris que pour permettre à Jugnauth de revenir au pouvoir, il a eu droit à des miettes. Il a compris qu’il est en train d’être berné et qu’il sera saigné à blanc à long terme. Que fait alors l’électeur ?

Il vote avec ses tripes. Comme il l’a fait en 2014. La plupart des Mauriciens ont d’ores et déjà compris que la politique représente un raccourci qui permet aux opportunistes de se retrouver au sommet de la société sans efforts. Profitons-en, d’ailleurs, pour souligner le peu de crédibilité de Hurreeram quand il demande aux collégiens de travailler dur afin de mériter leur place en Grade 12.

Pourtant, il demeure difficile de prévoir le choix de l’électeur surtout quand il se retrouve sans projet de société valable. Le fait est que ces quatre années de règne et de pollution visuelle que représente le clan Jugnauth dans toutes les sphères de la vie publique sont en train de suffoquer le peuple au point où l’option Ramgoolam, avec toutes ses imprévisibilités, semble devenue envisageable,  vraisemblable.

Et dire que quand Jugnauth a pris les rênes du pouvoir en décembre 2014, beaucoup s’étaient confortés dans leur choix, se disant qu’il serait difficile, sinon inimaginable, de faire pire que Ramgoolam !