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Pour une économie du bien commun

6 janvier 2019, 07:21

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Pour une économie du bien commun

L’économiste Ramesh Basant Roi brise le silence et reprend du service. Face aux débats, souvent stériles et superficiels, sur le taux de croissance, et dans le sillage des résultats financiers et des mauvais signaux de la Banque centrale, l’ancien gouverneur souhaite offrir un «Unsolicited Advice to Leaders of Political Parties».

Dans une note qu’il nous a adressée cette semaine, Basant Roi souligne «I thought that it’s part of my duty, even after retirement, to make an intellectual contribution. Hope readers will learn quite a few things from the article and prevent bluffers from taking the uninitiated for a ride.» Tout est ainsi dit sur la démarche intellectuelle.

En attendant la publication dans notre édition de demain de l’analyse complète, qui est en soi un véritable cour en économie - qu’on recommande fortement aux politiciens, syndicats, journalistes et autres commentateurs des réseaux sociaux, qui sont, des fois, si coupés du réel et de la réalité, en voici quelques extraits, en guise d’intro.

«Dyed-in-the-wool opinions have been subtly expressed about the economy having attained a 4 per cent growth rate in 2018. Having entertained a contrary viewpoint regarding the recent GDP forecasts for 2018 by Statistics Mauritius and the MCB Focus team, the contenders seem to be taking a risk in seeking to improve, if at all there is a compelling need, the coverage of data compilation by Statistics Mauritius. While seeking to justify their stand, they could possibly end up showing that the 2018 GDP grew by far less than 3.8 per cent, if not less than 3 per cent», assène, d’emblée, Ramesh Basant Roi.

Il explique : «High growth rates do not happen in a vacuum. While foreign direct investment is important, the key to higher growth rates of any economy is sustained private sector investment. An economy that already meets the basic infrastructural pre-requisites for purposes of economic development, further public sector investment on infrastructure generally brings in only marginal benefits. Until the early years of the new millennium, we had been attempting to solve real problems. For quite some years now, we have kept ourselves busy solving imaginary problems, leaving real problems undermining the viability our economy on the sideline. Insouciance has been at its best. Our economic well-being has rested overwhelmingly on the comfortably warm glow of capital inflows from anywhere. It’s almost an iron rule that, whenever countries run large and sustained current account deficit - usually 5 per cent of GDP and over - they end up in financial crisis. Ours has been far above 5 per cent of GDP for many years.»

Basant Roi se livre aussi à quelques confidences sur les liens liant la politique (ou plutôt les politiciens) et l’économie. «In my first one-to-one meeting with the then Prime Minister, Sir Anerood Jugnauth, in January 2015, I vividly recall having sounded a view that if the Government could successfully break all the major barriers to sustainable growth, a 4 per cent growth rate and over would be within easy reach. After years of dull economic performance in the wake of the 2008 financial crisis, a 4 per cent growth in the very first year of the Government’s mandate would have triggered forces favouring self-sustainable growth...»

«The breakthrough did not happen. The 4 per cent growth rate has remained an obsession and an elusive goal. As opposed to the trend growth rates of 5 per cent or more of yesteryears, a growth rate oscillating in the region of 3.6 per cent is arguably said to be the ‘new normal’ for Mauritius. In the stickiness of the growth rates to around 3.6 per cent, there reside important hidden messages for policy makers to decrypt...» À lire l’analyse demain.

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Enseignement supérieur public gratuit, Negative Income Tax, salaire minimum, hausse universelle des pensions, taux de croissance, déficit commercial, Repo Rate, réserves en devises, rôle de l’État, des syndicats, du secteur privé, climat des affaires, etc. Il est indéniable que le public aurait mieux apprécié l’économie si celle-ci était mieux comprise.

Mais pour que l’économie soit mieux comprise, il faudrait que cette science sociale, qui nous impacte tous, soit mieux expliquée - un peu comme le fait Basant Roi plus haut. Il y a donc lieu que les partenaires sociaux définissent une sorte de théorie générale qui pourrait être fondée, par exemple, sur l’asymétrie entre entreprises et salariés, investisseurs et épargnants, esprit d’entreprise et spéculation, à ce moment précis de notre histoire. Un genre de grille de lecture commune - avec un lexique qui parlerait à tout un chacun. L’économiste Jean Tirole demeure, pour nous, l’un de ces prix Nobel en économie (avec Piketty, Krugman, Sen et Stiglitz surtout) qui oeuvre, avec la clarté des mots et des idées, pour une meilleure compréhension, voire acceptation, de l’économie au sein de l’agora public. Dans son livre fondateur, Économie du bien commun, il relève le défi de vulgariser le rôle de l’économiste - et surtout en comment celui-ci pourrait rendre la société meilleure.

L’économiste, selon Tirole, devrait définir les incitations qui vont pousser les individus, comme vous et moi, à opter pour le bien commun. Pour atteindre ce but, il faut en parallèle décrypter ces grandes questions de l’économie contemporaine : comme les limites du marché mondial, les pistes pour vaincre le chômage national, le défi climatique, la crise financière ou encore l’irruption du numérique. Mais cela ne peut être l’apanage de tout un chacun - comme c’est trop souvent le cas à Maurice, surtout depuis que les radios libres ont créé l’illusion du débat en «direct», où tout est balancé à la seconde près, sans réflexion sérieuse. Les arguments pour ou contre la gratuité de l’enseignement supérieur public sont, à cet égard, édifiants. (Un peu comme tous ces avis sur ce que vont ou ne vont pas faire les Law Lords qui vont se pencher, dans une dizaine de jours, sur le dossier MedPoint.)

Mais ce qui est bon pour un acteur économique (ou politique) n’est pas forcément bon pour l’ensemble de la société. Par exemple, sans un système de ciblage, en poussant pour l’université publique «cadeau», ne va-t-on pas baisser la qualité de ces centres d’enseignement dont plusieurs agonisent déjà, faute de moyens ?