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Cuttaree, militant-travailliste

22 décembre 2018, 07:26

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Les louanges ne cessent de pleuvoir sur Jayen Cuttaree, homme de conviction au parcours politique remarquable : fils d’un tailleur modeste, il devient conseiller municipal aux villes soeurs bien avant de se porter candidat au poste de DG de l’OMC. Entre les deux postes, un long parcours, ponctué de défaites et de victoires, d’alliances et de mésalliances, de joies, de colères et de peines. Mais jamais de défaitisme. Ce midi, la circonscription numéro 19, où il est né, et où il a été élu à sept reprises, trois decennies durant, lui fera ses adieux. Ses anciens mandants se souviendront du politicien, mais derrière l’homme public, qui est connu et exposé, dans les cercles politiques, pour être le plus militant des travaillistes, ou plutôt le plus travailliste des militants, et qui ne portait pas trop Jugnauth dans son coeur, surtout après la cassure de 1982, il y a l’époux et le père de famille attentionné, le patriote qui aime échanger (il est tolérant, et accepte la pensée contradictoire, contrairement à l’autre), le compatriote qui voulait, avant tout, voir progresser son pays afin que les enfants mauriciens n’aient plus besoin d’émigrer pour trouver un travail stimulant. 

C’est grâce à son fils Vickram, à Washington, DC, et ensuite, à Maurice, par l’intermédiaire de sa fille Lillka, que j’ai eu la chance de connaître davantage l’homme derrière le personnage public, le père derrière le Purple Curtain, un homme posé, à l’esprit vif, à la mémoire vivace, qui était en retrait de la chose politique, mais qui manifestement ne pouvait pas en faire abstraction. C’était légitime car il avait tant de choses à partager : du laborieux passage de Maurice d’une colonie britannique à un pays indépendant, à une République qui aspire ces jours-ci à devenir un pays à hauts revenus; sur le PTr d’antan (celui de SSR, Jagatsingh, Boolell et Walter) et celui de Navin Ramgoolam; ainsi que sur le MMM, son commencé et son devenir incertain «à cause de la flamme du militantisme qui s’est éteinte.» Il aimait aussi parler de l’agriculture, de la nature et de l’environnement, ayant été au coeur des débats sur la déforestation, soit pour faire place à la culture du thé ou au développement. 

Cuttaree avait une perspective sur la vie qui forçait l’admiration de tous ceux à qui il se confiait. Son enfance, modeste mais heureuse, venait souvent remettre son discours en perspective, comme lors de la grande victoire de 1982 à l’école Notre-Dame-des-Victoires : «(...)Suddenly, an image came to my mind, of me as a college student helping a lady «caretaker» to clean the classrooms every afternoon, against the monthly payment of a kilo of powdered milk and a pound of chocolate powder.» D’aide-cleaner dans les salles de classe, à force de persévérance, le jeune Jayen deviendra Premier ministre par intérim plus d’une fois ! Faut le faire. Certes, dans une telle carrière, il y a forcément des hauts et des bas, des compromis et des compromissions, mais Cuttaree, dans son auto-biographie, nous a ouvert son coeur. Avec la sincérité qui le caractérisait, il nous a donnés à voir ce que normalement des élites gardent secrètement entre elles, dans des endroits feutrés, à l’abri des regards du public, entre privilégiés quoi...

La dernière fois que Jayen Cuttaree a pris la parole, c’était le 27 octobre, à la mairie de Port-Louis, entouré de ses anciens camarades du MMM, comme au temps jadis. Il était avec Swatee. C’était son come-back. Et il était visiblement heureux. Au micro, il a lâché, comme une prophétie : «Le militantisme, c’est un long engagement. Il faut savoir mobiliser la jeunesse. Et discuter des enjeux comme le changement climatique.» Au revoir, Mamé Jayen, vos propos ne s’effaceront pas. Vous avez su laisser une trace dans la mémoire collective.