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Le père Noël-Paul de Gayan

15 décembre 2018, 07:49

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Le subit constat, par Anil Gayan, de l’injustice accablant le dirigeant du MMM en raison de la couleur de sa peau, n’est nullement étranger aux grands développements politiques qui vont déboucher sur une nouvelle alliance MSM-MMM. Le sort du parti croupion qu’est le Muvman liberater dont se réclame Gayan reste problématique. Donc, pour se mettre en bonne position sur la ligne du départ, Gayan choisit le couloir tellement politiquement correct qu’est la profession de foi dans le vrai mauricianisme et la condamnation de toute forme de racisme.

Si Gayan réussit son coup, la question reste posée sur le sort d’autres éléments du ML mais aussi du MSM qui risquent de passer sous le rouleau compresseur de Paul Bérenger. Si Gayan survit, Kalyan Tarolah, pour ne prendre qu’un cas, subirait une grave injustice s’il est laissé sur le carreau. Que reproche-t-on à Tarolah ? Un échange de messages et d’images pendant qu’il siégeait au Parlement. Question de goût et de décence publique. Par contre, Gayan à lui seul a cassé tous les records de népotisme. Il a placé, tour à tour, dans des positions de responsabilité, son amie, sa femme, son fils, son gendre et le mari de sa cousine. Il ne serait nullement surprenant que Tarolah qui a jusqu’ici échappé à des sanctions, finira par se faire pardonner pour se retrouver gagnant dans le cadre du package deal (aucun jeu de mots suspect derrière ce terme anglais) à être conclu dans le contexte de l’alliance entre le MMM et le MSM.

Le cas Gayan mérite une dissertation de maîtrise ou même une thèse de doctorat en sciences politiques. Cadre du parquet après ses études à l’étranger, il bénéficia de toutes les faveurs qui revenaient de droit au neveu d’un puissant oncle maternel (mamou) appelé sir Satcam Boolell. Il se retrouva vite comme le fonctionnaire qui voyage le plus. Mais instinct de survie inégalable, alors que le régal mamou est balayé par l’ouragan 60-0 de 1982, Gayan subitement devenu MMM et candidat aux élections est, lui, élu en tête de liste à Curepipe-Midlands, récoltant davantage de votes que ses colistiers, le militant pur et dur Percy Lafrance et le boodhooiste qui deviendra président un jour, Karl Offman.

Neuf mois après le 60-0, après des soubresauts que vit le MMM, le survivor Gayan et son mamou se retrouvent dans le même camp. Gayan, maintenant passé au MSM, est élu à Quatre-Bornes, battant Paul Bérenger qui fit l’objet d’une répréhensible campagne de haine raciste particulièrement dans cette circonscription. Le mamou, lui, est élu dans le n°10. Mamou et bhagina (neveu) sont ministres en même temps dans le gouvernement Jugnauth. Mais au début de 1986, craignant la chute post-Amsterdam de Jugnauth et afin de se protéger du déluge, Gayan et d’autres éléments démissionnent et ce sera une longue traversée du désert pour l’opportuniste. Qui se verra repêché par le MSM en 1995 mais ce sera un lift dans un corbillard car le candidat Gayan dans le no 12 sera battu, de même que les 59 autres candidats de sir Anerood Jugnauth. Gayan reste fidèle au Sun Trust et il sera récompensé en 2000, se faisant élire en tête de liste dans le no 10. Il sera nommé ministre des Affaires étrangères. Il est muté au Tourisme en 2003 quand Bérenger devient Premier ministre. En 2005, il est battu dans le no 12, sortant en 6e position.

Malgré Vijaya Sumputh devenue sa muse, ce sera des années politiquement maigres pour Gayan. La population mauricienne aura l’occasion de mesurer son poids politique et électoral personnel réel quand il se portera candidat indépendant lors de l’élection partielle au no 8 en 2009. Sur 30 341 votants, Gayan récoltera… 202 votes, soit 0,67 % des suffrages.

Gayan se fera tout petit par la suite, émergeant subitement en 2014 comme l’un des dirigeants de la nouvelle alliance Lepep. Aux élections de 2014, dans le no 20, l’homme aux 202 votes du no 8 en 2009 a failli ravir la première place au bulldozer Rajesh Bhagwan. Et aussitôt installé comme ministre, il a vite prouvé qu’il s’occupe de ses siens avec un amour débordant. Il se prouvera fidèle mari, exceptionnel petit copain, prévenant père, généreux beau-père et solidaire beau-frère. Pour protéger ses acquis, pourquoi ne pas prendre une police d’assurance du côté de Paul Bérenger ?

Great survivor, «tireur-plan» de première classe, Gayan sait aussi comment «trasé» pour se faire pardonner. Ainsi, bien qu’il ait été poursuivi et condamné pour avoir fait des insinuations sur des bijoux de lady Sarojni Jugnauth et le fait que l’entrepreneur britannique Plessey avait obtenu un contrat pour la modernisation de l’aéroport de Plaisance, Gayan obtint quand même un ticket suivi d’un ministère du MSM. Avait-il su jouer avec dextérité la carte «moralité pa rampli vant» ? Aborde-t-il avec la même finesse d’esprit le leader du MMM ? Paul Bérenger est réputé être plus généreux du cœur que les Jugnauth. Donc, en cette fin d’année 2018, pourquoi nier à Gayan et à Tarolah le droit de croire au père Noël-Paul ?