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Maurice peut-elle condamner l’Arabie saoudite ?

18 octobre 2018, 07:15

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Maurice peut-elle condamner l’Arabie saoudite ?

«L’Arabie saoudite, qui abrite des lieux saints, n’en est plus à une contradiction près...»

<p style="text-align: center;">Saphia Azzeddine, écrivain et cinéaste</p>

 

Quelle est la position du gouvernement mauricien par rapport au choquant sort de notre confrère saoudien Jamal Khashoggi, 59 ans, qui aurait bel et bien été torturé, tué, puis dépecé comme une bête, dans son consulat à Istanbul ? Peut-on s’attendre à un communiqué du PMO ou une déclaration sans équivoque de Showkutally Soodhun, grand défenseur du royaume saoudien, pour condamner cette atteinte contre les droits humains et la liberté de la presse ? Nos dirigeants politiques, qui ont mangé de la soupe saoudienne, vont-ils faire preuve de cécité à l’égard de la politique assassine du prince héritier Mohammed ben Salman ? Ou est-ce que les pétrodollars ont acheté notre conscience ?

De par les relations ambiguës tissées par l’ancien ministre Showkutally Soodhun et le royaume d’Arabie, relations couronnées par l’ouverture d’une ambassade à Riyad l’an dernier, l’on a comme l’impression que notre pays s’est livré les mains et les pieds liés au prince héritier et, du coup, ne peut plus se faire entendre par rapport aux abus saoudiens et au délitement des normes internationales.

À un moment, où Riyad négocie désormais avec Ankara et Washington, DC, pour une sortie de crise qui minimiserait sa responsabilité, les réactions et condamnations, de par le monde, relatives à la barbarie avec laquelle Jamal Khashoggi a été liquidé, ne se font pas attendre. Surtout après des informations, révélées par CNN, selon lesquelles Riyad, acculée, envisageait (à hier après-midi) de reconnaître la mort du journaliste à la suite d’un interrogatoire musclé qui aurait mal tourné.

Face aux informations qui font surface, l’Europe songe déjà à réévaluer ses relations avec l’Arabie saoudite, estime la chancelière allemande, Angela Merkel. «Nous avons une perception ambivalente de l’Arabie saoudite, en particulier avec ce qui s’est produit ces derniers jours dans l’affaire Khashoggi, et ce qui va intervenir dans les prochains jours viendra compléter cette perception», a fait clairement ressortir Angela Merkel.

Même Donald Trump, malgré les deals autour de l’or noir et des armes avec le royaume, a critiqué les Saoudiens. Mais il a soufflé le chaud et le froid, de manière diplomatique, précisant qu’il préfère, pour l’heure, leur accorder le bénéfice du doute. Mais d’autres parlementaires américains ont, eux, accusé, sans détour, les dirigeants du royaume. Cette ambivalence est décriée en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique : «L’élément clé est désormais l’attitude du président américain qui concrètement dit au prince héritier, nous vous laissons les mains libres tant que vous nous achetez assez d’armes et d’autres choses, alors que d’autres condamnent pour la forme.»

Des dirigeants de banques et de grandes entreprises (Uber, JP Morgan, Viacom, Ford, AOL…) ont décidé de ne pas participer au «Davos du désert», une conférence internationale sur l’investissement qui aura lieu du 23 au 25 octobre, à Riyad. La directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, a, elle, reporté son déplacement prévu au Moyen-Orient dans le cadre duquel elle devait participer à cette conférence…

L’affaire Khashoggi a commencé comme une simple énigme criminelle. Aujourd’hui, elle est devenue une affaire internationale. Sur quel versant de l’histoire Soodhun et ses amis vont-ils finir par nous ranger ? À un moment où l’un de nos confrères de Sunday Times a été contraint, par la police, à effacer ses photos qui auraient pu embarrasser un ministre de la République, il est opportun de connaître les vraies valeurs qui animent nos dirigeants politiques.