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Cessez d’utiliser des fonds publics à des fins partisanes

14 octobre 2018, 07:55

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Cessez d’utiliser des fonds publics à des fins partisanes

Bribe électoral ou mesure budgétaire ? Pravind Jugnauth a promis, cette semaine, aux personnes du 3e âge une révision (bien évidemment à la hausse) de leur pension de vieillesse. Mais il a aussi profité de cette fonction officielle, tenue pour marquer la Journée internationale des personnes âgées, pour intensifier sa propre campagne électorale en scandant : «Mo pa kit mo responsabilité pou al amizé, pou al tap djembé dan kanpman 3 er di matin ou fer madam tous sali…»

Si on a récemment relevé le rôle infect des «conseillers-fossoyeurs» du Premier ministre entre, d’une part, les lobbies sectaires et de l’autre, la MBC, l’on ne s’est pas suffisamment appesanti sur le détournement quasi-permanent des ressources du gouvernement pour se livrer à des manoeuvres politiciennes. Le Premier ministre n’a pas le droit d’utiliser le staff de l’hôtel du gouvernement, les fonds publics pour organiser de tels rassemblements, les personnes invitées par les ministères, les autobus mis à la disposition des invités, pour faire passer, devant les caméras complices de la MBC, des messages relevant de la politique partisane. Tout le monde le sait mais pratiquement personne n’ose le lui dire !

Pourtant, il existe pas moins de TROIS institutions qui auraient pu rappeler à l’ordre le Premier ministre. 

1) D’abord, l’ICAC de Navin Beekarry, si elle était vraiment indépendante, aurait pu, sous la PoCA – un texte de loi que Pravind Jugnauth connaît fort bien désormais – tirer la sonnette d’alarme sur l’utilisation des fonds publics pour promouvoir le MSM-ML et pour couler les partis de l’opposition et les journaux indépendants. Rappelons que Ramgoolam avait également confondu son rôle de chef d’État et de chef de parti quand il boycottait les journaux indépendants en détournant l’argent public vers des titres plus complaisants.

2) Le directeur de l’Audit, au lieu de se faire entendre une fois par an, le temps d’un rapport sur les gaspillages, aurait pu aussi interpeller le chef de gouvernement. Il est fort probable qu’il aurait pu être mis de côté, comme Sridhar Nagarajan ou Said Lauloo à la MauBank, mais au moins il aurait été dans son rôle au service du pays, et non au service d’un Premier ministre ou d’une dynastie.

3) Finalement, le moins connu Public Accounts Committee (présidé actuellement par Aurore Perraud) aurait pu, aussi, condamner l’utilisation abusive des fonds gouvernementaux à des fins partisanes. À moins que le «zoli mamzel» qu’est le PMSD (dixit Adrien Duval) ne veuille plus minimiser ses chances de fiançailles ?

Alors que les travaux parlementaires reprennent ce mardi, il est grand temps de tirer la sonnette d’alarme et de demander officiellement à Pravind Jugnauth de faire le distinguo entre son rôle de chef de gouvernement et celui de chef du bloc MSM-ML. Ce sont deux casquettes distinctes. Il ne peut pas porter les deux en même temps.

C’est, d’ailleurs, cette confusion de rôles qui a tué dans l’oeuf sa proposition de réforme électorale. Quel parti politique partagerait avec lui sa réflexion sur le mode de scrutin à environ une année des prochaines élections générales ? Lequel de ses adversaires consentirait à lui donner sa perspective et ses chiffres sur le financement politique ? À la place, on aurait pu avoir nommé un vrai arbitre, soit une commission mixte indépendante.

* * *

Nous avons découpé cette présente législature de Lepep en TROIS périodes distinctes. Rappel.

1) D’abord, il y a eu l’euphorie du Viré Mam, tel un clip devenu viral, pour chasser Navin Ramgoolam et sa bande du pouvoir. Fort de sa majorité écrasante et de sa victoire inespérée (d’où son impréparation), le gouvernement Lepep a mis son slogan en action. Avec beaucoup de précipitation, il a tout renversé, en commençant par l’empire BAI, que ses membres ont dépecé comme des vautours. Certes, la bulle BAI allait exploser tôt ou tard, mais la manière de faire des Lutchmeenaraidoo- Bhadain-Collendavelloo-Duval a été brutale, revancharde, sans réflexion ni transparence. La commission d’enquête sur Britam, mise sur pied pour pourrir Roshi Bhadain, et, plus récemment, celle sur Ameenah Gurib-Fakim illustrent la volonté de Lepep de montrer sa puissance. Il y a aussi eu l’abus des provisonal charges.

S’en est suivie la période Manzé Mam. À partir d’avril 2016, nous avons commencé à vivre la période de transition. Le peuple a compris qu’il a été berné en voyant l’appétit du pouvoir. Un extrait de la terriblement longue liste de mangeurs professionnels : nomination du fils de Raj Dayal à la tête du Conciliation Service de la fonction publique; nomination controversée de Vijaya Sumputh à la tête du Trust Fund for Specialised Medical Care (avec des revenus allant jusqu’à Rs 323 200 par mois); recrutement de la fille de la speaker comme CEO de la SLDC; démission de Pravind Jugnauth après avoir été reconnu coupable dans l’affaire MedPoint; confusion des rôles des ministres (dont Roshi Bhadain) dans l’enquête sur Dufry-Frydu à la résidence de l’Attorney General à Belle-Rose; factures impayées de Showkutally Soodhun; implication du ministre Gungah dans l’affaire NTA; comparutions régulières de Prakash Maunthrooa, Senior Adviser au PMO, dans le cadre de l’affaire Boskalis; emprunt en euros du ministre des Finances auprès de la State Bank pour spéculer sur l’or; commande de Raj Dayal pour des bals kouler dans le cadre de la fête Holi; auto-recrutement de Youshreen Choomka à l’Independent Broadcasting Authority; nomination de Christelle Sohun à l’Independent Review Panel puis comme ambassadrice de Maurice en Australie; bras de fer entre le DPP et le gouvernement avec pour toile de fond des procès à la fois contre Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth...

3) Et désormais la période Bouré Mam (qui a un double sens : manger encore plus ou se sauver face à la colère populaire). Quoi qu’en disent les conseillers en communication et la MBC, l’alliance Lepep a aujourd’hui atteint un niveau d’insatisfaction record. Les stratèges misent sur deux tableaux désormais. D’abord, passer sans trop de casse l’épreuve du Privy Council dans le cadre du procès MedPoint, et récolter les dividendes (y en aura-t-il ?) du Metro Express. On a dépensé gros en termes de communication – n’est-ce pas Ken Arian ? – pour que le Metro Express ne bute plus contre des citoyens qui sont devenus allergiques aux discours des Sinatambou, Collendavelloo, Koonjoo… Tout est fait pour que le métro fonctionne sans que l’on sache vraiment s’il sera rentable ou non...