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Et à la fin, qui paie ?

12 août 2018, 08:33

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Et à la fin, qui paie ?

Mardi, dans l’express, un compte rendu plutôt surprenant d’un accord entre le syndicat des Casinos et les propriétaires de ses opérations, la State Investment Corporation (SIC).

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J’ai commencé par chercher le rapport annuel des Casinos de Maurice sur Internet, évidemment, mais je n’ai rien trouvé. J’avais cru y être pourtant à un moment, mais il s’agissait, en fait, du rapport annuel du groupe de supermarchés Casino… Ce qui est différent, tout de même, puisqu’on gagne parfois de la galette dans le premier casino, alors que dans le deuxième, on en vend. Je me suis donc tourné vers le rapport annuel de la SIC, mais je n’ai rien trouvé non plus sur son site, si ce n’est une utilisation surprenante du mot eden et paradise pour décrire certains investissements. Ça doit être moi l’incapable qui ne peut trouver un rapport annuel sur Internet… ou Google ! Car j’imagine toujours mal des sociétés d’État, qui sont donc la propriété de la population et en particulier des contribuables, qui ne publient pas leurs comptes et qui ne rendent pas compte de ce qu’ils font de l’argent public. On a téléphoné, jeudi, à la SIC pour demander une copie des comptes. On l’a reçue depuis, merci ! Cependant, rien de bien utile sur la performance des Casinos…

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Les «effets d’annonce» sur leurs résultats par contre, il y en a eu quelques-uns, épisodiquement, au cours de ces dernières années. De manière prévisible, ces informations ont varié en fonction de QUI les donne et À QUEL MOMENT. Quand c’était le General Manager sud-africain démissionnaire, Kurt Peter, en octobre 2016, il soulignait que depuis son arrivée, des profits de Rs 26 M avaient été concrétisés. Dans le même souffle, M. Raja Pillay disait que c’était lui qui en était largement responsable, ayant négocié une baisse temporaire de loyer de Rs 1 million par mois avec Caudan Development Ltd. Mme Banoomantee Veerasamy, l’ancienne directrice de la SIC, soulignait ce qui se passait de bien quand elle a repris les choses en main de Peter. On a alors parlé d’un retour à profit de Rs 10 millions, pendant que ses détracteurs préféraient se référer aux locations impayées encore dues à Caudan, aux taxes de plus de Rs 10 millions qu’il a fallu payer à la MRA pour l’organisation d’un tournoi de poker indien Teen Patti, ou encore aux Rs 1,7 million payées par erreur à 17 pensionnés des Casinos. C’est bizarre, non, comment les mêmes faits peuvent être appréciés différemment selon le positionnement de celui qui les analyse ! Mais qu’en est-il, en vérité, on ne sait pas pour le moment, même si les Casinos de Maurice ont surtout la réputation d’être un fourre-tout de nominés politiques, ce qui plombe inévitablement les comptes de salaires inutiles, ce qui avait mené au commentaire cinglant de sir Anerood : «Nek dan Moris ki kasino perdi larzan !» Ce commentaire autorisé, même si pas tout à fait juste (Trump a bien perdu des milliards avec ses trois casinos d’Atlantic City !) date, évidemment d’avant les élections de 2014…

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ET ce n’est pas fini ! Fraîchement arrivé au gouvernement, le nouveau ministre des Finances d’alors, Lutchmeenaraidoo, déclarait en septembre 2015 qu’il y avait 550 employés de trop aux Casinos et que la SIC avait injecté jusque-là plus de Rs 700 millions pour «préserver les emplois» ! C’était l’époque où le syndicat, s’agrippant à la tétine jusque-là aussi pulpeuse que généreuse de la SIC, réclamait un 14e mois «mérité», représentant Rs 22 millions. Un plan de licenciement, quelques mois plus tard, fut suspendu par le ministre du Travail Callichurn, parce qu’«inhumain», devant avoir lieu juste avant les fêtes de Noël…

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Retour à l’accord salarial surprenant. Enfin, du moins à mes yeux ! Les discussions démarraient apparemment sur 12 % de demande des syndicats et 5 % pour le management. L’accord «backdated» à juillet 2017, a été conclu à 10 %, alors que la SIC va, en parallèle, augmenter sa contribution au fonds de pension des employés de 6,8 % à 11,8 %. Cela fait donc 15 % d’augmentation en tout ? De plus, l’indemnité repas passe de Rs 55 à Rs 80 et les employés qui travaillent directement avec le public verront leur «allocation soins» au quotidien passer à Rs 300 pour les dames et Rs 200 pour les hommes, ce qui devrait, gageons-le, adéquatement couvrir les parfums, le rouge, le rose, les lames de rasoir et le dentifrice ? Finalement, les congés payés qui étaient déjà à 60 par an (selon quelle logique ?), passeront désormais à 75, ce qui, à cette cadence, pourrait mener, dans quelques années, à plus de congés payés que de jours travaillés par an et donc aider à créer quelques emplois de plus ! Cet accord, un véritable triomphe pour les syndiqués, coûtera Rs 33 millions de plus à la SIC et suggère donc que les Casinos sont déjà (ou seront très bientôt) assez profitables pour tout payer. Même si la SIC (dont le dernier retour sur portefeuille d’investissement se situe, au 31.12.2017, à un 2,57 % maigrichon. On compatit !) devra probablement attendre avant de voir des dividendes !

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Que des employés améliorent leurs conditions de travail, c’est bien ! Surtout si les résultats suivent, mais mon inquiétude de contribuable se situe à deux niveaux : peut-on, d’abord (doit-on ?) améliorer les conditions de travail quand l’opération de base ne génère pas la couverture financière nécessaire ? Imagine-t-on, ensuite, les conséquences qu’un tel «précédent» peut déclencher dans tous le tissu économique du pays, à commencer, bien sûr par les services publics et les corps parapublics, d’autant que ces opérations sont souvent des monopoles ?

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Il y a deux ans, le ministre des Finances avait annoncé un plan d’envergure pour rentabiliser ou au moins rendre plus productives certaines des plus grosses corporations de l’État, qui ne semblaient d’aucune manière émuler la gestion relativement meilleure et donc la rentabilité de base de la STC, de la SBM ou de MT, par exemple. En point de mire, la MaBC, la CHC, la CWA, les Casinos… Le ministre avait alors exigé un rapport de situation ainsi qu’un Blue Print des mesures prises ou à prendre pour rectifier le tir. On n’en a pas beaucoup entendu parler depuis, mais quand des décisions ont été prises, par exemple pour l’accord salarial aux Casinos ou pour garantir que le prix de l’eau n’augmentera pas, parole de Premier ministre, on ne peut pas dire que cela rassure sur le plan de la rentabilité !

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Et c’est pourtant important ! Parce qu’il faudra bien, faute de décisions courageuses au bon moment, que quelqu’un paie pour les «trous», en fin de compte. Et ce «quelqu’un» ce sera bien… nous ! À tous les coups !

Soyez-en certains !