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Les rails et le bitume

18 avril 2018, 07:27

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La modernisation du pays à travers de méga projets d’infrastructures routières passe visiblement à une nouvelle étape : leur exécution. Le coup d’envoi de ces projets, s’inscrivant dans le cadre de l’agenda du «Road Decongestion Programme» au coût de Rs 15 milliards, s’est accéléré ces dernières semaines.

L’échangeur Jumbo-Phoenix, l’autopont reliant la route A1 au niveau de Chebel à l’autoroute M1 à Sorèze ou encore l’Ebène Car Park, une tour de six étages pouvant accommoder 934 véhicules, sont autant d’infrastructures qui vont modifier le paysage routier du pays. Et ce, en décongestionnant l’autoroute et en évitant dans la foulée que la cybercité d’Ébène ne soit asphyxiée sous le poids des véhicules garés sur les routes, scène d’horreur quotidienne sous les yeux effarés des touristes et des automobilistes se rendant dans la capitale.

Il ne fait pas de doute que le timing du démarrage de ces projets, qui vont s’achever vers la fin de 2019, coïncidant donc avec l’échéance électorale, ne peut être occulté. Même si, au bout du compte, ce sont les progrès du pays qui comptent, soutenus ici par la volonté et l’engagement des dirigeants du jour à léguer un héritage qui profitera certainement aux générations futures. Loin des «cheap politics» des uns et des autres.

Tel est le cas du Metro Express, qui sera sur les rails en septembre 2019, tout au moins dans sa première phase reliant Port-Louis à Rose-Hill. Il est réconfortant que cet ambitieux projet attire graduellement le consensus de la population, sachant qu’il n’y a pas mille solutions pour régler la problématique de congestion routière. Et que ce ne sont pas quelques passéistes aux desseins sombres de la promenade Roland Armand qui vont bloquer un projet d’envergure nationale.

Chaque jour, 100 000 véhicules entrent dans la capitale et l’année dernière, la barre de 10 000 véhicules vendus a été franchie. Un record, dit-on, pour les concessionnaires mais un véritable cassetête chinois pour le parc automobile largement saturé. Pire, quelques chiffres donnent froid dans le dos : le nombre de voitures par kilomètre dans les années 70 était de 20, dans les années 90 il est passé à 50, en 2003 il a augmenté à 60 et, en 2020, il est prévu qu’il sera de 160. Soixante voitures par kilomètre c’est déjà critique, mais 160 ce sera intenable, préviennent les experts.

D’où l’option du Metro Express qui aura le mérite, entendons-le, de limiter dans une certaine mesure les goulots d’étranglement des principales artères menant à Port-Louis tout en procurant un système de transport de masse qui cadre avec l’ambition de Maurice de devenir un pays à revenus élevés.

Il va de soi que l’avènement du Metro Express – financé à hauteur de 50 %, soit à Rs 9,9 milliards, par une donation du gouvernement indien et la différence par un prêt de l’Exim Bank de l’Inde – ne viendra pas résoudre seul la congestion routière et toutes les implications liées à la baisse de productivité dans les entreprises en raison des retards accumulés sur les routes. Comme il ne va pas réduire la vente de voitures chez les concessionnaires et freiner l’engouement de jeunes professionnels à devenir propriétaires. C’est leur priorité aujourd’hui. Il n’y a rien de mal, direzvous. Mais attention… il y a un prix à payer !

Les spécialistes diront que le Metro Express sera un succès commercial si le gouvernement décide d’introduire le droit de péage à l’entrée de Port-Louis. La réponse est oui. Aujourd’hui, les automobilistes n’ont pas de choix mais demain, quand le Metro Express sera une réalité, ils en auront un : soit garer leur voiture dans des aires de stationnement aménagées spécialement à Rose-Hill soit prendre ce mode de transport pour entrer dans la capitale et vice versa pour ceux quittant Port-Louis.

En revanche, ceux souhaitant utiliser leur voiture pour entrer à Port-Louis – et c’est leur droit légitime – auront à mettre la main à la poche. Car on imagine mal des automobilistes, ceux qui ont investi des millions de roupies dans des voitures de luxe, entendons par là une Porsche, une BMW, une Audi, une Range Rover ou une Jaguar, quittant leurs grosses cylindrées chez eux pour voyager à bord du Metro Express. Par ailleurs, ils peuvent facilement débourser quelques dizaines de roupies comme droit de péage pour rallier le centre-ville de la capitale. C’est une question de choix… et de classe.

Sans doute, la concrétisation de l’ensemble de ces projets fournira-t-elle un bilan sur lequel pourra surfer le gouvernement du jour. Preuve qu’il mise sur le bitume – et les rails – pour se faire réélire en 2019.