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Nos lauréats iront grossir la diaspora

10 février 2018, 07:52

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Cette année encore on n’a pas failli à la tradition. Celle de célébrer nos champions académiques, juchés sur les épaules de leurs pairs. On les érige en modèles, au sens propre comme au figuré, comme figures de proue. Les collèges d’élite continuent à faire le plein de lauréats, mais, de plus en plus, ils laissent quelques bourses aux autres. C’est signe, se console-t-on, que l’éducation demeure par essence démocratique, qu’elle permet une ascension sociale basée, non pas sur le pistonnage, mais sur le mérite de l’individu. Le sacre, tant médiatisé, du jeune Luciano Azor de la SSS Triolet, s’inscrit dans cette logique : si on travaille dur, d’arrache-pied, avec la rage de réussir au ventre, on peut toucher le graal. Mais nous rendons-nous suffisamment compte que tous ces lauréats représentent une minorité d’un système éducatif qui s’essouffle ? Que ceux que nous honorons en long et en large sont, peut-être, davantage un non-sens économique pour Maurice et pour Rodrigues…

Quand on voit le craze autour de la réussite de Sharmeen Choomka, qui a réussi son HSC à 13 ans, il importe qu’on s’interroge sur la définition mauricienne de ce qu’est la réussite scolaire. Ce concept est-il suffisamment compris pour le placer comme un objectif prioritaire à atteindre par nos enfants ?

Après un parcours scolaire, somme toute banal et sans grand éclat, d’abord dans une Star School portlouisienne (Raoul Rivet) et un collège confessionnel dit d’«élite» (le collège du Saint-Esprit), et ayant subi le CPE, et les examens du secondaire de Cambridge comme des centaines de milliers d’autres Mauriciens, je pense que, davantage que les Result Slips, la réussite scolaire devrait se mesurer aux simples plaisirs d’aller à l’école pour discuter avec les enseignants, à l’acceptation de l’appartenance à un groupe de contemporains ayant des objectifs communs. Et non pas se mesurer aux compétitions pour les meilleurs livres dans la bibliothèque, les meilleures places aux leçons particulières de ces profs qui sortent de leur léthargie après les heures normales de classe et quand on leur remet une enveloppe «tax free»…). Au-delà des Exam Papers, il est primordial, dans la vie, d’acquérir les enseignements de base permettant de solutionner un problème qui surgit n’importe quand dans la vie, de trouver son autonomie et son épanouissement dans la collectivité, de redonner à la communauté ce qu’on a reçu… Il semblerait que pas tous les lauréats auront compris cela. Malgré tout l’espoir – et l’argent – qu’on place en eux.

Le phénomène de la fuite des cerveaux a des effets négatifs – insoupçonnés et incalculés – sur notre croissance et notre développement économique. L’émigration mauricienne s’accélère aujourd’hui en raison de la mondialisation qui pousse nos meilleurs diplômés ou travailleurs à l’exil, loin des leurs. On compterait au moins 400 000 membres de la diaspora mauricienne.

Plusieurs études démontrent que tant que les facteurs conduisant à l’émigration (crises économiques, taux de chômage élevé, manque de services sociaux adaptés comme la santé et l’éducation, communalisme, népotisme et absence d’égalité des chances et de justice sociale, etc.) persisteront, il serait quasi impossible de faire revenir les lauréats et les expatriés. Ce n’est, en effet, pas facile de rentrer au pays et retrouver certaines mentalités étriquées (proportionnelles à la superficie du territoire ?) et des passe-droits dignes, ainsi que la nomination de petits copains, d’une république bananière…

Le gouvernement, si la volonté politique était là, pourrait changer la donne. Dans le cadre des 50 ans de l’Indépendance, on pourrait recenser les membres de la diaspora grâce aux réseaux sociaux. Il faudrait écouter leurs doléances et leur donner le droit de voter et d’avoir voix au chapitre. Il y a tout lieu de tendre la main, par exemple, à tous ceux qui en ont marre de l’Europe, noyée dans ses difficultés économiques et identitaires.

On l’a déjà proposé : une ONG comme Nou Diaspora pourrait apporter son aide en menant une campagne de communication offensive sur les offres d’emploi et les initiatives dont les Mauriciens peuvent bénéficier. Pour cela, les sites des diverses agences publiques doivent être réactualisés. Avec une stratégie bien ficelée, notre émigration pourrait évoluer progressivement en notre faveur. Avatar de la colonisation, elle pourrait potentiellement se muer en la diaspora de l’intelligence, grâce à Internet qui nous rapproche de ceux qui ont pris leurs distances du pays et de ses dirigeants.