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EDB: convergence rimera-t-elle avec cohérence et compétence ?

15 janvier 2018, 07:40

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À partir d’aujourd’hui, la fusion annoncée du Board of Investment, d’Enterprise Mauritius et de la Financial Services Promotion Authority se matérialise. D’après la loi constituante (The Economic Development Board Act), votée en juillet 2017, la transformation de ces trois agences gouvernementales en un unique Bureau de développement économique (EDB) a pour objectif de mieux soutenir le développement économique à long terme de notre pays.

Mais, pour cela, disons-le d’emblée, il ne faudrait pas que la nouvelle structure soit peuplée par des gens trop proches du pouvoir (qui seraient virés avec un changement de régime), encore moins par des personnes qui placeraient leurs intérêts personnels ou familiaux avant ceux de l’ensemble de la population (ce que Rama Sithanen appelle «policy capture» – voir son interview en page 6).

D’où l’importance pour l’EDB d’avoir un conseil d’administration et un CEO qui seront apolitiques, patriotiques, et en phase avec les nouveaux enjeux de développement (au-delà de l’immobilier qui semble avoir monopolisé toutes les énergies du BoI) et des nouvelles réalités mondiales (Fintech/bitcoin, intelligence artificielle, robotique, big data, tous ces nouveaux types de global business).

L’économie, pour se développer, a besoin de nos meilleures compétences, non d’agents politiques comme on en voit à la Banque centrale, dans plusieurs corps parapublics et ambassades. Depuis la disparition du ministère du Plan durant les années Sithanen, afin de faciliter une politique que d’aucuns qualifient d’ultra-libérale, la grande stratégie économique de Maurice a été quelque peu négligée par les locataires de l’hôtel du gouvernement (dont l’horizon dépasse rarement les cinq ans) qui s’en remettent alors (un peu trop ?) au secteur privé.

La Vision 2030 de sir Anerood Jugnauth, énoncée en 2015, après le départ d’un Vishnu Lutchmeenaraidoo incapable de réaliser ce deuxième miracle économique tant promis, nous a prouvé que si le privé ne bouge pas, rien ne bouge, en fait : le pays reste en pilotage automatique et de nouveaux sommets ne sont pas atteints.

Mais cette année de nos 50 ans promet d’être différente – avec l’économie mondiale qui se porte mieux et les grands chantiers qui s’ouvrent (Metro Express, Smart Cities), un accès aérien qui cherche à s’améliorer pour soutenir la croissance continue du secteur touristique, des taux d’intérêts qui sont suffisamment bas pour inciter l’investissement privé (après ces deuxtrois ans d’attentisme).

Si Singapour a réussi son décollage économique, dans les années 90, c’est précisément en raison de la synergie de ses programmes multisectoriels et, ce, après avoir jeté les bases infrastructurelles. Cependant, les stratégies économiques singapouriennes ont surtout réussi parce qu’elles ont été appliquées avec une rigueur exemplaire et un leadership qui place des personnes compétentes aux postes clés – et non pas des socioculturels comme Bissoon Mungroo ou des éternels Dev Manraj. C’est en favorisant des entrepreneurs jeunes et créatifs, disons comme Azim Currimjee et Cédric de Spéville (si tant qu’ils arrivent à faire le distinguo entre leurs entreprises et le développement intégral et intégré du pays) et en les associant avec les meilleurs économistes (de la nouvelle école) du gouvernement qu’on pourrait tenter de lancer un éventail de chantiers économiques et créer de nouveaux piliers/emplois (économie bleue, énergies vertes, recherches et développement sur l’Afrique, etc.). C’est ainsi qu’on pourrait aspirer à sortir du «middle income trap» pour devenir cette économie à revenus élevés.

«Outre de prendre en charge les missions et attributions des organismes qu’il absorbe, l’EDB sera en mesure de mettre en oeuvre des initiatives inédites et innovantes. En effet, la législation instituant le Bureau lui accorde le pouvoir de “do such things as are incidental or conducive to the attainment of any of its objects under this Act”, ce qui laisse amplement d’espace à un conseil d’administration et à un Chief Executive Officer imaginatifs et novateurs», relevait Gérard Sanspeur, le président du défunt Board of Investment, qui serait parmi les postulants au poste, pas encore attribué, de CEO de l’EDB.

* * *

La complexité du développement est telle que l’on doit pouvoir se hisser au-dessus des considérations partisanes ou claniques – si on veut vraiment sortir la tête de l’eau agitée de la mondialisation – pour être davantage compétitif.

Une économie comme celle de Maurice ne peut fonctionner sans une stratégie nationale pour faire émerger un réservoir de personnel hautement qualifié dans divers domaines, une dose d’innovation technologique et, partant, une productivité améliorée. Mais on ne va jamais y arriver si le milieu culturel n’y est pas préparé comme il se doit.

Ignacy Sachs, directeur d’études honoraire à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris, explique que l’idée de développement s’est peu à peu complexifiée pour se transformer en un concept pluridimensionnel grâce à l’importance grandissante des dimensions sociale, politique, culturelle et environnementale face à la dimension purement économique.

Ce n’est que sur le tard que les Nations unies ont commencé à travailler avec le concept d’«écodéveloppement », rebaptisé par la suite «développement durable» – un mot galvaudé et rabâché par nos politiques. De nos jours, il n’est pas légitime de parler de développement si la croissance économique est accompagnée de détériorations au niveau de l’emploi, de la pauvreté et des inégalités sociales…