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30 décembre 2017, 14:04

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Suivant la partielle du no 18 (Belle-Rose–Quatre-Bornes), on doit maintenant s’attendre à une mise en place de deux blocs politiques. L’un mené par le Mouvement socialiste militant (MSM), l’autre par le Parti travailliste (PTr), et cela, dans le contexte des prochaines élections générales. La bipolarisation, lors des élections générales, est bien entrée dans les mœurs politiques mauriciennes, nonobstant la rare expérience de joute multipolaire de 1976.

En 1976, le Parti de l’Indépendance, comprenant le PTr et son allié, le Comité d’action musulman (CAM), fit face à une myriade de partis dont le Parti mauricien social-démocrate (PMSD), le Mouvement militant mauricien (MMM), l’Independent Forward Bloc (IFB) de Sookdeo Bissoondoyal, l’Union démocratique mauricienne (UDM) de Maurice Lesage, le Mouvement militant mauricien socialiste progressiste (MMMSP) de Dev Virahsawmy, le Parti socialiste progressiste d’Oumashunker Hawoldar et le Parti du Centre Républicain de France Vallet. C’est le MMM qui profita de cette dispersion de votes dans toutes les directions en 1976. Ainsi, dans le no 18, Paul Bérenger se fit élire avec 36 % des votes, alors que son compagnon d’armes, Jean Claude de l’Estrac, se hissait en tête de liste dans le no 19 avec 8 000 votes, soit 40 % du total. Toujours dans le no 19, le PMSD et le PTr obtinrent chacun 6 000 votes. Donc, si on avait additionné les votes de ces deux partis (12 000), le MMM aurait été largement battu. Dans le no 9, le MMM fit élire deux candidats, quelques centaines de votes les démarquant de leurs adversaires travaillistes. Mais, dans la même circonscription, le dissident travailliste Hawoldar recueillit 3 000 votes, ce qui faussa les élections en faveur du MMM. On se faisait élire en 1976 même avec moins de 40 % des votes exprimés. Seuls sept élus sur les 60 parvinrent à recueillir plus de 50 % des votes. Il s’agit des élus suivants : Bashir Khodabux (59 %), Cassam Uteem (56 %) et Osman Gendoo (55 %) dans le no 3, sir Seewoosagur Ramgoolam (58 %) dans le no 5, sir Veerasamy Ringadoo (52 %) dans le no 8 et Ramdath Jaddoo et Satcam Boolell (51 % chacun) dans le no 10. Le MMM fit élire 30 députés dans le pays, mais seuls les trois élus du no 3 et Jaddoo dans le no 10 scorèrent plus de 50 % des votes.

En l’absence d’un système de représentation proportionnelle, cette dispersion de voix entre plusieurs formations donna des résultats surprenants. Il ne manquait au MMM, avec ses 35 %-40 % des voix, que deux sièges encore pour remporter une majorité sur tout le territoire, y compris Rodrigues. C’était le système first past the post à son expression la plus insidieuse, sinon antidémocratique.

Aucun grand parti ne manqua de retenir la leçon de 1976, à savoir qu’il valait mieux fédérer des votes et des tendances que de s’engager dans une lutte multipolaire. Quand le MMM réalisa, après la construction d’une alliance post-électorale entre le PTr et le PMSD, en décembre 1976, qu’il ne lui serait plus possible à l’avenir de profiter d’une fragmentation de votes non-MMM, Paul Bérenger changea de stratégie et finit par conclure une alliance avec des dissidents travaillistes menés par Harish Boodhoo. Cette alliance fut victorieuse en 1982 avec le résultat foudroyant du tout premier 60-0. Les adversaires du MMM prirent la mesure du potentiel des alliances et, en 1983, le MMM en fit les frais. Ce fut d’ailleurs la dernière performance en solo du MMM. Après 1983, ce fut toujours en alliance, même avec des groupuscules, que le MMM a affronté l’électorat.

Malgré tous les vœux exprimés par les Mauriciens d’ici et d’ailleurs, pour qu’il n’y ait pas d’alliance avant les élections mais qu’on parvienne à des arrangements post-électoraux, les principaux partis, conscients des distorsions possibles causées par le système first past the post, finiront toujours par s’allier en deux blocs. Des groupuscules idéologiques ou sectaires tenteront de mettre fin à la bipolarisation. Mais on est encore loin d’une alliance Bizlall-Parapen-Subron capable d’ébranler deux blocs de partis traditionnels même si, en attendant, Jeremy Corbyn a pris le pouvoir en Grande-Bretagne et aboli la royauté. L’inertie politique des Mauriciens reste insurmontable.

Les deux blocs sont en train de se constituer. Un arrangement entre le MSM et le MMM pourrait être conclu avant la rentrée parlementaire, à la faveur des grands moments d’exaltation patriotique qu’on va vivre à l’occasion des 50 ans de l’Indépendance. L’avenir de la nation – et des enfants mauriciens – faciliterait la réunification de la grande famille militante. Le MSM et le MMM ont d’ailleurs déjà commencé à conditionner l’opinion publique en vue d’une alliance. Aux mesures jugées «correctes» de Pravind Jugnauth (salaire minimum, Negative Income Tax et vote sur la Palestine) viennent se greffer des réactions positives des mauves sur certains aspects de la politique du gouvernement. Au prochain round, on verrait quelques fruits pourris jetés avec force dans la poubelle de la cuisine.

Enhardis par la victoire d’Arvin Boolell, les Travaillistes, à moins d’être dépourvus de réalisme politique, réagiront en montant à leur tour une sainte alliance pour combattre la grande famille militante. Ainsi, Xavier-Luc Duval sera invité à contribuer cinq sous aux 93 sous que les Travaillistes croient déjà détenir. Pour compléter la roupie des rouges, Alan Ganoo viendrait avec sa quote-part de deux sous «cassés».