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Résistons !

4 octobre 2017, 07:29

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Il y a parfois des projets auxquels il est tentant de donner un air de noblesse en les présentant sous des allures de combat chevaleresque.

Tel est le cas de la proposition de Navin Ramgoolam de «résister» à ce que l’article 5 de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act s’applique aux donations politiques. Ce qui permettrait aux partis politiques d’éviter de rendre des comptes sur l’argent liquide qui passe entre leurs mains. Puisque, justement, cet argent est liquide.

Comprenons-nous. Que les accusations portées contre Navin Ramgoolam aient été motivées par des intentions bassement politiques, les Mauriciens sont prêts à le croire et même à lui accorder une certaine sympathie. Que ce capital de sympathie soit propice à un appel à la mobilisation contre les excès du régime est aussi une opportunité qu’on veut bien le laisser prendre. Mais pour en faire quoi ?

Ce que propose Navin Ramgoolam, c’est de mener une bataille pour accorder aux partis politiques une dérogation qui leur permettrait de détenir des liquidités de plus de Rs 500 000. Or, à chaque fois qu’on introduit une dérogation, une exception, on ouvre une brèche dans le système. Une brèche à travers laquelle tout peut passer, affaiblissant tout le système dans son ensemble.

À quoi servirait cette brèche ? À financer les campagnes qui ne seraient finançables qu’en liquide. Telle est la belle tradition politique du pays, un héritage auquel on ne saurait toucher.

Or, si héritage il y a de la rencontre entre la démocratie et la finance dans l’histoire de Maurice postindépendance, il se décline en une longue liste de scandales émanant de ceux qui voulaient que des règles applicables à tous ne le soient pas à leur cas particulier, intérêt supérieur de la nation oblige.

Souvenez-vous : qu’avait en toile de fond le scandale de la caisse noire de Rogers-Air Mauritius ? Le financement des partis politiques. Le scandale BAI est plus complexe. Le financement des partis politiques n’est pas directement prouvé mais l’influence ayant mené à la démission des instances régulatrices qui ont laissé passer des dérogations sont bien de sources politiques.

La force d’une chaîne étant égale à celle de son maillon le plus faible, ce que propose Navin Ramgoolam est de doter le pays d’une faiblesse structurelle permanente. Une faille susceptible d’ouvrir la porte à toutes les dérives tant décriées : blanchiment du trafic de drogue, blanchiment d’argent, possibilité de corruption…

Entre-temps, en Inde, les transactions en liquide sont éliminées. Et à Maurice les applications bancaires mobiles ont mis la banque au bout des doigts de tous. Tous, sauf ceux qui ont tout intérêt à ne pas s’en servir. Et, à en croire Navin Ramgoolam, il ne serait pas possible de faire campagne sans faire appel à ces Mauriciens qui ont choisi de ne pas s’en servir. Il ne serait pas possible de faire campagne sans faire appel à des personnes qui ne veulent rendre de comptes ni à la MRA ni aux électeurs.

Proposer un tel projet, c’est insulter la population mauricienne qui crie à la mise en oeuvre de mesures de transparence financière et de gouvernance. C’est insulter une jeunesse désabusée de ces gouvernements qui, mandat après mandat, demandent de résister à tout ce qui pourrait ébranler l’usage excessif de leur pouvoir, au bénéfice d’intérêt qui n’est que personnels, sans comptes à rendre à leurs électeurs. C’est confirmer le constat que la classe politique dans son ensemble n’a d’énergie à placer et de combats à mener que lorsque ces combats visent à protéger le système qui nourrit les élites politiques aux dépens des électeurs.

Les électeurs comprendront-ils un jour que les véritables politiciens engagés seront ceux qui sauront s’émanciper du désir de passer les comptes sous la table pour proposer un vrai projet de loi pour la transparence des comptes des partis politiques ?

Tel est actuellement le projet véritablement ambitieux et démocrate qui n’a pas trouvé de chevalier digne de le porter. Ni dans l’opposition. Ni au gouvernement.