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Les leçons des Rs 115 millions de «lamoresse» aux Rs 220 millions de Navin

2 septembre 2017, 10:05

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Il s’appelle Bhardoiraj Maunthrooa et il est tailleur de profession. En confectionnant des vêtements dont des «lamoresse» – comme l’a fait remarquer un internaute –il a amassé une fortune de laquelle il a placé une somme de Rs 115 millions dans des plans d’épargne de l’ex-British American Insurance (BAI).

Pour l’édification des jeunes générations, le terme lamoresse désignait le sous-vêtement que portaient dans le passé les Mauriciens mâles avant que le «maillot» et le boxer ne viennent en vogue. Certes, Bhardoiraj Maunthrooa ne se limitait pas à produire des lamoresses. Il obtenait aussi des contrats pour la livraison d’uniformes.

Pour avoir réalisé des revenus d’au moins Rs 115 millions comme un tailleur évoluant dans un petit atelier, Bhardoiraj Maunthrooa doit sûrement être un homme exceptionnel. Même les tailleurs d’élite d’antan comme les Laurent et les Caustat n’ont connu un tel succès en termes d’argent. Mais Bhardoiraj Maunthrooa n’est pas n’importe qui. Il est le frère de Prakash Maunthrooa que des advisers plus jeunes à l’Hôtel du gouvernement appellent affectueusement «Pran-Kash» Maunthrooa. Les deux frères ne sont pas on speaking terms, selon les dires du super-conseiller mais tel n’a pas toujours été le cas. Ils ont dû être «on transaction terms, let alone speaking terms»,à certains moments de leur vie, puisque partageant le même héritage génétique. D’ailleurs, l’utilisation d’un numéro de fax attribué au tailleur fait partie du folklore Boskalis.

Tout en admirant un tailleur ayant réussi un tel exploit, les Mauriciens patriotes ne peuvent s’empêcher d’avoir un regard bien critique envers toutes les institutions qui ont pour tâche de promouvoir nos exportations vers l’étranger. On a vite le sentiment que ces institutions dirigées par des fat cats ont failli dans leur tâche en ne mettant pas en valeur un talent hors pair comme Bhardoiraj Maunthrooa. Si, avec un business de lamoresse et d’uniformes de policiers et de facteurs, l’homme a connu un tel succès sur le plan local, pourrait-on imaginer quelle aurait été sa performance si on l’avait lancé sur le fashion business international ? Après avoir reçu une formation appropriée et bénéficié d’incitations nécessaires, notre Bhardoiraj aux doigts de fée se serait vite découvert l’art de transformer notre lamoresse en sous-vêtement de grande classe et hyper-sexy pour les Justin Bieber de la présente génération. Sur la base de son flair pour le business, Bhardoiraj Maunthrooa aurait sans doute connu un succès foudroyant à l’échelle internationale, pas au point de détrôner Yves Saint Laurent ou Giorgio Armani, mais réussissant à projeter Maurice comme une nation contribuant sa part à la cause du glamour et de l’esthétique. Mais puisque Bhardoiraj Maunthrooa et son frère Prakash ne sont pas on speaking terms, ce gouvernement ne lui ferait aucune faveur. On ne peut qu’espérer qu’un futur gouvernement de Navin Ramgoolam ou de Paul Bérenger place ce tailleur exceptionnellement doué sur l’orbite internationale.

Puisqu’on parle de Navin Ramgoolam, ce dernier ne devrait-il pas lui aussi expliquer la provenance des Rs 220 millions trouvées dans ses coffres-forts ? D’où vient tout cet argent ? Contribution de ses supporters ? Soutien de riches et puissants étrangers ? «Commissions» ? Des per diem récoltés au cours des années ? Contrairement au clan Jugnauth, qui a investi dans le Sun Trust, une clinique, des hôtels cinq- étoiles et des immeubles, Navin Ramgoolam, selon toute évidence un cachottier, a préféré conserver ses contributions et ses allocations dans des coffres-forts. Quand le procès sous l’inculpation de blanchiment d’argent sera pris sur le fond, une fois l’accusation formelle logée, il aura à expliquer la provenance de ces fonds.

L’affaire des coffres-forts qui crée bien des difficultés politiques pour le leader du Parti travailliste ne fait que mettre en exergue, par effet de comparaison, les talents prodigieux du frère du Senior Adviser du Premier ministre. Car malgré la fortune du grand-père Ramjoorawon de Navin Ramgoolam, un grand planteur de canne dans le Sud, malgré l’héritage de son père, malgré sa propre carrière comme médecin et homme politique, malgré les contributions financières reçues par l’ancien Premier ministre, le discret tailleur Bhardoiraj Maunthrooa confiné à son modeste atelier de travail réalise à lui seul 50 % de la performance de Ramgoolam. Et on ose dire que l’industrie du textile est menacée à Maurice ?