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Projet de société: assurer un écodéveloppement

29 mai 2017, 12:07

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Le réchauffement climatique est le défi de la planète en ce 21e siècle. Il est pour beaucoup dans les crises planétaires-énergie, eau, alimentation, migration – et qui sont tous liées. Maurice n’y échappe pas et nous subissons déjà ses effets grandissants !

La nature constitue notre principale richesse et transmettre ce capital naturel aux générations à venir dans le meilleur état possible est une condition sine qua non pour réduire notre empreinte écologique. En 2008, le développement durable a été mis à l’agenda national officiel avec le projet Maurice île durable (MID) qui reposait sur ses cinq «E» : Énergie, Éducation, Emploi, Équité et Environnement. Le MID, qui a été un moment fort dans la prise de conscience nationale, n’a pas réalisé son potentiel car officiellement abandonné. Au moment où le MID se mettait en place, le secteur foncier - immobilier est devenu l’axe privilégié de notre stratégie de développement de l’après-sucre, posant ainsi la problématique de l’aménagement du territoire de manière plus aigüe. Aujourd’hui, il y a un urgent besoin de clarification d’une politique de développement durable pour gagner en cohérence.

Les chantiers prioritaires

Notre territoire est exigu et notre littoral n’est pas extensible. Un plan d’aménagement du territoire (qui comprend le littoral) pour prévenir un développement porteur de dynamiques dangereuses pour la vie quotidienne de dizaines de milliers de Mauriciens devrait s’imposer. Les outils pour un tel aménagement reposant sur les principes modernes d’occupation du sol intégrant intelligemment décentralisation, zoning et qualité de l’habitat urbain et rural sont disponibles. Encore faut-il les appliquer ! La problématique de l’aménagement, incluant le transport, constitue une des 20 qui seront analysées dans le «Projet de société» en cours d’élaboration.

L’autre volet prioritaire et vital est l’eau. Il y a, d’un côté, tout ce qui relève de la quantité d’eau disponible. Reconnaissons d’emblée les initiatives en cours pour le captage et le stockage de l’eau, soit la construction de nouveaux réservoirs et barrages et la réparation du réseau pour réduire les pertes (fuites et prises illégales), estimées à 50 %, de l’eau traitée. Toutefois, il faut surveiller les risques d’une réduction du captage des eaux de pluie et encourager un bien meilleur recyclage des eaux usées venant du secteur domestique, de l’agriculture et de l’industrie car le potentiel serait énorme.

La question énergétique se pose en termes de transition avec l’objectif déclaré de 35 % de notre consommation d’énergie venant des énergies renouvelables d’ici 2025. Dans une transition où il faut trouver le «right mix» pour à la fois privilégier les énergies renouvelables et pénaliser (ou faire payer à leur prix réel) celles qui sont polluantes, les progrès ne semblent pas assez conséquents pour atteindre l’objectif fixé pour 2025. Ce qui fait cruellement défaut c’est une «road map» qui intègre dans un plan global des aspects qui sont liés, dont une meilleure utilisation de l’espace disponible - y compris les toits de bâtiments - ainsi que l’amélioration du réseau pour une meilleure intégration de l’électricité intermittente (solaire et éolienne) pour ne mentionner que ces deux exemples.

Si les énergies fossiles constituent un mal nécessaire dans la transition, avec le transport et le secteur manufacturier qui roulent au diesel, il ne faudrait pas augmenter notre dépendance de façon conséquente avec de gros projets qui reposent sur ces énergies, tel le Metro Express.

La dégradation de la biodiversité, qui recouvre les écosystèmes (forêts et autres couvertures végétales, cours d’eau, lagon et mer, zones humides, littoral, récifs, etc) est inquiétante. Les menaces sur la biodiversité sont connues : perte, destruction, dégradation de l’habitat, la pollution sous ses différentes formes, invasion des espèces exotiques, surexploitation. Nous subissons déjà les conséquences de ces menaces, qui dans certains cas sont aggravées par le changement climatique. Il y a notamment des inondations récurrentes, l’érosion du littoral où on estime que près de 25 % des plages vont disparaître d’ici 2050. Il y a donc urgent besoin de cesser avec l’approche piecemeal en faveur d’une qui soit holistique.

Des progrès sont à noter pour ce qui est de la gestion des déchets, qui englobe le solide, le liquide et l’atmosphérique. Bien que la production des déchets solides augmente d’année en année, celle-ci est moins rapide que les projections de 2005. Les initiatives découlant d’une politique basée sur les 3R (Réduire, Réutiliser, Recycler) se multiplient et, globalement, nous sommes dans la bonne direction. Une stratégie nationale donnerait cependant une véritable impulsion à une gestion des plus saines des déchets sous toutes ses formes. Il faudrait amplifier et approfondir sur plusieurs fronts : contrôle et «neutralisation» des effluents des usines et des centrales thermiques, ainsi que des émissions venant des véhicules qui affectent la qualité de l’air et donc la santé publique ; les déchets qui finissent dans la mer, le «phasing out» du plastique jetable. Partant de l’idée qu’il y a de l’or dans les déchets, il y a un réel potentiel de développer des petites et moyennes entreprises créatrices d’emplois et de richesses à plus ou moins forte valeur ajoutée

Le développement du secteur agroalimentaire pouvant assurer un degré de sécurité alimentaire de manière efficace n’arrive pas à donner les résultats escomptés. Un audit des politiques menées jusqu’ici s’impose pour en identifier les causes et proposer un plan pour mobiliser toutes les intelligences, compétences et ressources nécessaires. Les projets annoncés – la reforestation, 50 % d’agriculture bio – sont en soi bien, mais veillons à ce qu’ils ne soient pas uniquement des effets d’annonce. Ceci dit, il y a une multitude d’initiatives individuelles dans des formes diverses – bio, permaculture, jardin communautaire – ainsi que de la part d’organismes nationaux comme le FAREI et la Chambre d’agriculture qui méritent d’être saluées. Dans toute la stratégie de l’agroalimentaire, les bases du concept de «produire et consommer autrement», animée par la philosophie de l’économie solidaire de proximité, sont à consolider. Et bien sûr, pour un État océanique, la nécessité d’une bonne gestion des ressources halieutiques est une évidence.

La transition

La transition est un paramètre central pour réaliser le développement durable. Il s’agit au final d’un changement qui exige un effort et un engagement de tous les acteurs. Débarrassons-nous d’abord de certaines idées préconçues, comme celle de confondre embellissement et protection de l’environnement, et celle de penser que l’intégration du facteur environnemental rend un projet de facto plus coûteux.

Assurer le développement durable est l’affaire de tous les «stakeholders» de la société. Il convient de prendre conscience et d’apprécier les initiatives concrètes en cours pour voir comment les améliorer, les consolider et les rendre plus performantes. L’État est engagé dans la mise en place institutionnelle – ministères et institutions associées - et des cadres législatif, juridique et réglementaire pour mieux asseoir la politique de l’environnement. Il a un rôle central pour mener une politique et dispose d’outils fiscaux, entre autres, pour pénaliser, dissuader ou inciter. Il doit doter ce secteur de ressources (humaines, expertise et logistique). Tout n’est et ne sera que rhétorique s’il n’y a pas un «enforcement mechanism» efficace au niveau de l’État.

Les entreprises sont directement concernées par le développement durable. Nombreuses sont celles qui en ont pris conscience et commencent à intégrer la dimension environnementale dans leur gestion. On y trouve un mix de «genuineness» conforme au «triple bottom-line reporting» et encore trop de «lip-service» pour uniquement être «politically correct». Il reste donc beaucoup à faire pour que toutes les entreprises arrivent à assumer leur responsabilité citoyenne.

La société civile, ou plus précisément des ONG, ont à leur actif de belles initiatives. Il s’agit de les reconnaître et de soutenir leur contribution tant au niveau national que local. Nous notons avec beaucoup d’intérêt l’engagement des jeunes. Un des défis c’est d’imaginer les moyens pour être plus percutants dans leurs démarches, approches et initiatives. Aux ONG d’être toujours, avec toute la responsabilité nécessaire, des chiens de garde pour dénoncer, éclairer, conscientiser et venir avec des propositions concrètes. Qu’elles soient considérées et traitées comme de vrais partenaires.

Quand il est question de survie et de l’état de la planète ainsi que de notre pays que nous laisserons en héritage aux générations futures, la vigilance est cruciale et la mobilisation de tous dans la durée est une nécessité absolue. D’où l’importance stratégique d’investir sur les jeunes et les enfants, à commencer par un programme national d’éducation civique comprenant des activités pratiques et concrètes à imaginer et à développer dans le cadre d’un plan d’envergure. Pour faire de la génération montante le vecteur du changement dans un projet de société fondé sur le fait de produire, de consommer et de vivre autrement, le front du développement durable a besoin d’être alimenté par la révolution culturelle.

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