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Le cocu, c’est qui ?

16 juillet 2017, 08:46

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Vous avez sûrement dû lire la nouvelle stupéfiante de la semaine dernière qui annonçait la visite d’huissiers pour saisir les biens du District Council de Rivière-du-Rempart ?

Si vous avez raté cela, rappelons que ce conseil de district établissait un contrat pour des travaux divers à la foire de Rivière-du-Rempart avec une compagnie de construction, Alphamix Ltd, en 2013. Tous les frais réclamés par Alphamix n’ont pas été payés. L’affaire est donc allée devant un arbitre où Alphamix acceptait une contre-offre du conseil de district de Rs 72,9 M. L’exequatur (l’ordre d’exécution) fut signé en chambre le 19 décembre 2016 et le 18 janvier 2017, un huissier débarquait une première fois pour la saisie des biens ! Dans un affidavit juré par le ministère des Administrations régionales, le 8 mars 2017, celui-ci affirmait qu’il ne débourserait pas la somme due, entre autres, parce que le conseil de district était un «separate and distinct legal entity» qui avait pris ses décisions indépendamment. Vous voilà prévenu ! Le 27 juin, la juge Narain rejette la demande d’injonction du conseil contre la saisie, qualifiée de «at best… a delaying tactic». Les huissiers débarquent et commencent par la saisie de la voiture du maire, qui vaut Rs 4,5 M. C’est sans doute bien avisé, puisque c’est invariablement l’actif le plus neuf dans les conseils de district ou autres corps parapublics ! Deux autres voitures suivent. On ne sait pas encore ce qui sera saisi par la suite. Le ministre Mahen Jhugroo a jugé, dans une déclaration à «l’express» du 8 juillet, que «c’est grave ce qui s’est passé… C’est du jamais vu» et il a sans doute raison, ajoutant que «ces conseillers auraient dû assumer leurs responsabilités. Il y a des procédures qui n’ont pas été respectées», ce qui interpelle au plus haut point.

En effet, le conseil devait bien à Alphamix, ayant lui-même fait la contre-offre de Rs 72,9 M ! Est-ce possible que cette proposition ait été faite sans avoir aligné les fonds ? Voit-on, ici, des esprits déformés par la suffisance qui enrobe conseils de district ou municipalités de la même couleur politique que le gouvernement et qui estiment, donc, qu’on n’osera jamais saisir leurs biens ? On peut bien changer d’avocats, de conseillers ou de gouvernement – mais une question demeure : où va sortir l’argent ?

Ce qui me choque, c’est que ce cas illustre l’inconséquence et la légèreté avec lesquelles on semble avoir géré ce dossier au conseil et, en parallèle, le fait qu’un tel comportement ne lésera probablement aucun officier. Personne ne sera «accountable», contrairement à ce qui se serait passé dans le privé.

Le cocu, c’est qui ?

Comme toujours, le contribuable ! C’est-à-dire l’actionnairepropriétaire de l’État, dont les élus sont des préposés temporaires qui se comportent pourtant comme des petits rois ! Car c’est le contribuable qui est passé à la caisse pour la voiture du maire qui a été saisie, qui passera à la caisse pour sa voiture de remplacement (ou de location), qui paiera les honoraires des avocats qui feront appel tardif du jugement, ou qui paiera les pots cassés des immondices qui s’entasseront, des fois qu’Alphamix saisirait aussi les camions «saletés» ! Dans l’affaire Betamax, ce n’est pas trop différent. Malgré les conseils avisés du State Law Office, on déchire unilatéralement un contrat signé par la STC et avalisé par l’État. Résultat ? Le tribunal d’arbitrage de Singapour ordonne une amende de Rs 5 milliards ! On aurait peut-être des choses à reprocher (et on aurait pu tenter de poursuivre) sur la manière de faire l’appel d’offres à travers la CCI ou les «pressions» pour signer, mais un contrat est un contrat et, aujourd’hui, quand on l’annule, le cocu, c’est qui ? Le contribuable, bien sûr ! Qui, en plus, va devoir payer les avocats qui vont, apparemment, faire appel de cet arbitrage, alors que ceux qui ont décidé d’annuler le contrat n’écoperont, eux, d’aucun blâme et d’aucune pénalité, continuant à toucher leurs gras salaires et les per diem jamais assez fréquents, payés par vous savez qui…

Capture d'écran du site msmparty.com/manifeste-electoral où nous n'avons pas pu ouvrir le «downloadable PDF» de leur manifeste électoral.

Quand la dette nationale grossit au-delà du raisonnable (contrairement aux promesses – voir le 8e des 12 commandements du Manifeste Lepep de novembre 2014) et qu’on nous annonce de plus que, contrairement aux engagements, la dette publique ne sera pas réduite comme prévu, le cocu, c’est qui ? En effet, le Budget Lutchmeenaraidoo de mars 2015 promettait, sur la base d’une croissance de 5,3 % en 2015-2016, une réduction de la dette publique/ GDP de 56,2 % à 54,2 %. De mars 2016 à mars 2017, la dette totale du pays (intérieure et extérieure, selon le Quarterly Bulletin de la BoM) a progressé de Rs 267 milliards à Rs 289 milliards. Le MCB Focus N° 69 de juin 2017, pas rassurant du tout, estime que le ratio de la dette au GDP (décembre) est passé de 60,7 % en 2014 à 64,5 % en 2016 avec une estimation de 65,1 % à fin 2017 ! Sous le «Finance Bill» de 2017, l’objectif de ramener le ratio dette/GDP à 60 % à décembre 2018 est étendu de trois ans de plus à… décembre 2021. Le cocu, c’est encore qui ?

Le Budget fraîchement présenté par Pravind Jugnauth ne faisait aucune place ni pour payer Betamax ni pour payer le SCBG. De grands pavés publicitaires affirment depuis peu que le gouvernement paiera, à travers le National Property Fund (NPF), un remboursement en une seule tranche avec divers taux de décote (par exemple, 40 % pour des investissements SCBG de plus de Rs 2 M), mais on ne dit pas combien sera ainsi décaissé, ni quelle sera la source des fonds. Nos renseignements suggèrent que le décaissement total, à partir de septembre, sera de l’ordre de Rs 5,6 milliards et que cela proviendra de prêts faits au NPF par un consortium de banques, sous une garantie du gouvernement. Si vrai, à la sortie de ce paiement, le gouvernement pourrait donc avoir à endosser Rs 5,6 milliards de dettes de plus, ainsi que la recapitalisation apparemment nécessaire de la MauBank et de la National Insurance Company (NIC) (estimée à Rs 1 milliard chacun pour des sommes dues, sur papier, par la BAI et qui ne se… paieront pas). Il est vrai que le gouvernement aura augmenté ses avoirs de trois actifs : ceux de la MauBank, ceux de la NIC et ceux du NPF – dont les terres et bâtiments d’Apollo Bramwell sont toujours surévalués et toujours non vendus. Si les opérations de base de la NIC, avec 30 % du marché «life», sont sans aucun doute valables et donc vendables – même si peut-être pas au prix proposé à la SICOM par Bhadain –, celles de la MauBank (seulement Rs 65,6 M de profits au 31.12.16) restent à démontrer plus tangiblement. Sinon, le cocu sera, une fois encore, qui ?

Quand des compagnies citoyennes paient la taxe, mais ne peuvent obtenir drains ou routes pour les desservir, le cocu c’est qui ? Quand le gouvernement dépense moins pour un enfant à besoins spéciaux qu’un enfant normal à l’école, le cocu c’est qui ? Quand l’on dépense Rs 2,6 milliards à l’Agriculture et que l’on ne peut pas garantir des légumes sans pesticides, le cocu c’est qui ? Quand on construit de belles routes, qu’elles s’écroulent et qu’il faut dépenser à nouveau, le cocu c’est qui ? Quand on distribue les terres publiques aux copains pandit, le cocu c’est qui ? Quand on nous promet la méritocratie et que l’on coupe la tête à Megh Pillay, tout en nous servant Choomka, Sumputh, Mungroo… le cocu c’est qui ?

Il ne nous est permis plus qu'une certitude : c'est bien celle du cocu ?!

Extraits du manifeste electoral de l'alliance Lepep datant de novembre 2014.