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Education : questions d’avenir

4 juin 2017, 09:13

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   On a beaucoup évoqué les problèmes de l’éducation cette semaine. En particulier, les questions  de paiement des redevances d’examen et du nombre requis de SC pour suivre le cours de HSC. Mais en vérité, ces questions ne sont-elles pas totalement périphériques aux grandes questions de l’éducation ?

    Nous dépensons Rs 17.5 milliards pour l’éducation chaque année. Avec cela on peut, théoriquement, construire un Metro Express entre Curepipe et Port Louis, tous les ans. Pour cette somme, en sus de l’administration en ministère, nous opérons 911 écoles pré-primaires, 318 écoles primaires, 173 écoles secondaires et 114 écoles pré-voc (voir tableau)

 

Un fait frappe. Le pupil /teacher ratio n’est pas au-dessus de 13:1 sauf au primaire ou il est de 24:1 ! Ce ratio est-il précisé, est le ratio élèves/general purpose teachers . Si on inclut les oriental language teachers** qui représentent pas moins que… 25.3% du total des professeurs, le ratio s’améliore à 18 :1 seulement. Pédagogiquement, si l’on croit que la meilleure manière de valoriser le développement scolaire d’un enfant aux 3 « R » c’est l’attention particulière, ce ratio interpelle : pourquoi pense-t-on que le système « sardine »  est plus approprié pour le primaire ?

Ce qui ne semble pas manquer a l’éducation dans ce pays, ce sont des statistiques. Le  «Digest» (disons, avec Maalox …) des statistiques de l’éducation de 2016 (publié promptement en Février 2017 ! Félicitations !) fait 184 pages, par exemple et est bardé de graphiques et de Tableaux intéressants qui sont certes utiles, mais l’essentiel ne serait-il pas ailleurs ? L’éducation, est-ce toujours l’industrie du savoir ou devrait-ce être plutôt celui de la curiosité et de la créativité? Ne devrait-on pas mesurer la capacité du système a « ajouter de la valeur «, plutôt que de se focaliser sur les seuls taux de réussite ?

    

Sir Ken Robinson, qui n’est pas «Sir» pour rien, lui,  et dont vous pouvez écouter les propos admirables de bon sens dans ses TED Talks, nous fait bien sentir qu’une révolution est absolument nécessaire pour que l’éducation s’adapte au siècle présent, alors que nous sommes encore prisonniers de schémas venant de notre lointain passé …de la révolution industrielle ! Nous sommes, en effet, encore englué dans un système éducatif linéaire, favorisant la conformité et le «batching», alors que le monde moderne et globalisé n’est plus mécanique, mais organique , favorisant non pas le moule unique , mais les personnalités multiples, le talent et les rêves uniques de chaque élève .

   

   On le sait depuis quelque temps déjà : vouloir forcer les enfants à travers un moule unique augmente le taux de déchet et la qualité de l’éducation se mesure à sa capacité de développer les talents propres de chacun- qui ne sont pas forcement de la seule nature académique. Encore heureux, puisque les communautés humaines ont autant besoin de bons plombiers, de pâtissiers et de policiers que de bureaucrates de talent avec 5 SC credits «in one and the same sitting» ! Or, tout notre système d’éducation, au lieu d’être fondé sur le besoin d’une diversité de talents, se focalise essentiellement sur une seule conception de l’habilite : l’académisme et les examens. Il est aussi super centralisé. Et Sir Ken de souligner combien les aptitudes des enfants sont différents pour les uns et les autres et  combien il est impérieux d’identifier ce qui fait la passion de chaque élève, parce que quand l’on force un enfant, pour se conformer, à faire ce qu’il n’aime pas, 5 minutes prennent alors des airs d’heure alors que le contraire est vrai quand on vit sa passion !

     

  Je n’ai pas de réponses toutes faites, mais je crois important d’inviter à réfléchir ! Le 9 year schooling est un leurre dans le sens qu’ayant évité une «rat race» de quelques années ne change absolument rien de fondamental à notre ordinaire scolaire. On enseigne mais tous n’apprennent pas ! Il faut comprendre pourquoi ! Nos examens sont toujours de nature encyclopédiques et développent la mémoire a un moment ou les mémoires digitales dans le «cloud» renferment des banques de données  importantes qui dépassent l’entendement ! La somme totale de la connaissance humaine ne double-t-elle pas déjà chaque 3 an. Même si on ne le croirait pas a voir Trump quitter la Cop 21 ! Le système encyclopédique n’est-il pas enraciné dans le 18/ 19eme siècle ou la somme totale de la connaissance humaine pouvait encore se rassembler dans quelques centaines de livres ? Notre devoir, au-delà de la mémorisation et de la régurgitation, n’est-il pas plutôt d’enseigner à nos enfants comment accéder a l’information et une fois ce fait, de lui expliquer comment bien l’utiliser ? A l’ère du post-Truth, au lieu de montrer de la révérence sans retenue pour ce qui est «dans les livres» ou à la télé ou dans un manifeste, n’est-il pas plus important d’enseigner l’esprit critique ( ce qui n’est PAS l’esprit «narnienpabon»), le scepticisme , la remise en question ?  J’essaie depuis quelques temps de comprendre pourquoi tout le cursus scolaire est articulé autour de trois trimestres et donc de 200 jours de contact direct entre élève et profs. Même si vous avez la réponse, pourquoi est-ce que d’autres modèles ne seraient pas plus efficaces ? Les MOOCS (Massive Open Online Courses)  desquels l’on peut puiser à sa convenance, ne sont-ils pas parfois plus adaptés ? La Khan Academy a ceci de particulier que l’élève est invite à comprendre des concepts et doit le démontrer pour avancer module par module, à sa cadence. On ne peut PAS alors, comme avec la promotion automatique, finir 6 années de CPE  avec 4 « fusils « ou 5ans de secondaire  sans un seul SC, puisque pour avancer, il FAUT démontrer que chaque pièce constituante a été dument maitrisée. L’enfant est respecté. Chez Khan Academy, il est deux autres idées lumineuses. La première consiste en ce que l’élève qui bute sur un module peut aussi bénéficier, via l’internet, de l’aide d’autres élèves qui ayant maitrisé l’idée sont peut-être plus à même d’expliquer ce qu’ils viennent eux même de découvrir, plutôt qu’un prof dont la chimie interpersonnelle avec cet élève est peut être …moins que bonne. La seconde remet en question le modèle de l’école pour l’apprentissage et la maison pour le «homework» et remarque , a juste titre qu’il y a du mérite a écouter un cours magistral sur internet a la maison ( cours que l’on peut d’ailleurs rewind et replay a volonté ) et de faire le «homework» a l’école  sous la supervision et avec l’aide du prof !

  Entre le «magnet» ou le «charter school» ou les «school vouchers» ou le modèle scandinave ou la méthode de validation internationale PISA, ce ne sont pas les idées révolutionnaires qui manquent et qu’il faudra savoir ici adapter pour répondre aux besoins de l’avenir. Nous, notre système, qu’il soit 9- year ou pas est résolument tourné vers le passé. Au point ou si vous allez sur le site de Cambridge lui-même vous retrouverez l'IGCSE’ les O, A et AS Levels ainsi que le Pre-U (ce que l’IB fait déjà à merveille) mais…. ni la SC, ni la HSC qui semblent donc plutôt « passé » 

 

Sans remise en question, nous desservons l’avenir de notre pays ! Et de nos enfants !

 

** A la page 52 du « Digest », au Tableau 3.12 , vous verrez que le «Kreol Morisien» est catalogué comme « oriental language» ! Surprenant ! Inquiétant ?