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Inopportun

30 mai 2017, 16:56

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Ce n’est pas un don mais un prêt que l’Inde vient d’accorder à Maurice. Cela fait toute une différence en termes d’implications économiques et financières. Il n’y a pas lieu de bomber le torse avec ces 500 millions de dollars que le Premier ministre mauricien a obtenu du gouvernement indien. Car de nos jours, il n’est pas difficile d’emprunter de l’étranger. Or, un emprunt en devises est inopportun pour trois bonnes raisons : l’excès de liquidités sur le marché local, l’appréciation réelle de la roupie et l’accroissement de l’endettement public.

Le prêt indien entraînera une injection de 18 milliards de roupies dans le circuit monétaire. Déjà, la Banque de Maurice a du mal à stériliser les excédents de liquidités par la vente de bons de la Banque centrale, qui accroît ses coûts d’opération. Le procès-verbal du dernier comité de politique monétaire fait ressortir que «excess reserves peaked at Rs 13.6 billion on 25 April 2017 and total outstanding instruments issued for liquidity management purposes stood at Rs 64.5 billion as at 3 May 2017». Le gouvernement aurait bien pu emprunter des banques locales, vu les réserves qu’elles ont auprès de la Banque centrale.

C’est dire que le problème d’excès de liquidités va empirer. Cela affectera l’institut d’émission dans sa tâche de «pursue its efforts to bring down the level of excess liquidity to a tolerable level prior to the implementation of the new monetary policy framework». Le dysfonctionnement du mécanisme de transmission monétaire rend inefficace le marché du crédit.

Un emprunt domestique serait d’autant plus approprié que le gouverneur Basant Roi a indiqué que le taux «repo» resterait inchangé pour encore un bon bout de temps. En revanche, le taux directeur de la FED est à la hausse. Si le prêt indien est assujetti à un taux variable, le service de la dette sera alourdi.

Le resserrement de la politique monétaire des États-Unis ne fera pas apprécier nécessairement le dollar, ce dernier étant atteint par les déboires politiques du président américain. Quoi qu’il en soit, l’évolution du «Mauritius Exchange Rate Index» démontre une légère appréciation continue de la roupie depuis juillet 2016, et même «on a real effective basis, the rupee was somewhat on an appreciating path» durant le premier trimestre de 2017, selon la Banque de Maurice. Une entrée de 500 millions de dollars accentuera le raffermissement de la roupie, ce qui pénalisera durement les exportateurs mauriciens.

Que la Banque centrale ne s’avise pas de faire déprécier la roupie ! Si elle le fait, l’État encaissera des gains exceptionnels sur le prêt indien au détriment des consommateurs, mais il remboursera davantage sur le dos des contribuables. La dette du secteur public, qui a atteint 65,6 % du produit intérieur brut (PIB) en mars dernier, s’approchera des 70 %. Les entreprises et les ménages devront s’attendre à payer plus d’impôts.

Le ministre des Services financiers a tenté de relativiser le niveau d’endettement public en déclarant à la télévision nationale que celui-ci était auparavant à 80 % du PIB. Si c’est ce taux qui est la référence du gouvernement, on mesure avec effroi l’esprit d’irresponsabilité fiscale qui l’anime. Et au cas où il utiliserait une partie du prêt indien pour rembourser des souscripteurs de l’ex-BAI, le secteur financier serait teinté du plus scandaleux aléa moral qu’il n’ait jamais connu.

Ignorance du principe de «high risk, high return» dans les placements financiers, gestion calamiteuse de la vente des actifs de BAI, dérapage des finances publiques, incohérence entre politiques fiscale et monétaire : il faut vraiment faire preuve d’inconscience pour ne pas y voir de l’incompétence.