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Terrorisme et élections : quels liens ?

22 avril 2017, 08:38

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La question est suffisamment brûlante pour nous interpeller tous – même si on réside à une dizaine de milliers de kilomètres de Paris, de Damas ou encore d’Istanbul.

L’attaque terroriste perpétrée, jeudi, sur les Champs- Élysées, à 48 heures du premier tour de la présidentielle française, et revendiquée par une branche de l’État islamique, soulève la question de l’influence de la menace sécuritaire sur le comportement des électeurs ? Est-ce que le terrorisme s’est invité à la campagne pour bénéficier d’un maximum de visibilité, ou est-ce pour semer la peur et, partant, influer sur le vote ? Électoralement, qui peuvent tirer profit de la menace terroriste qui n’a pas baissé depuis ces deux dernières années ?

S’il est impossible de répondre de manière catégorique, l’histoire peut, néanmoins, nous renseigner, dans une certaine mesure, sur l’influence de l’irruption du terrorisme et de la violence dans un contexte électoral. Les références historiques ne manquent pas. Et si elles démontrent que l’intervention brutale de la peur terroriste peut affecter, de façon plus ou moins déterminante, le cours d’un processus électoral, il s’avère quasi impossible d’anticiper dans quel sens et au profit de qui.

«Nous disposons en réalité de trop peu d’exemples pour édicter des règles précises. Une chose est sûre : plus le choc dans l’opinion est fort, plus il est proche du jour de l’élection, plus fort sera l’impact», énonce l’historien et politologue Arnaud Blin, auteur d’une Histoire du terrorisme (Bayard Culture) et qui a supervisé l’édition du Manuel pratique du terroriste (André Versaille). Selon lui, cet impact est «d’autant plus prégnant lorsque les questions de sécurité font partie intégrante des thématiques de la campagne».

Davantage que l’événement en lui-même, c’est son exploitation politique et la gestion de la crise qui en découle qui commande son influence sur l’élection. Pour François Heisbourg, grand spécialiste des questions stratégiques et auteur, entre autres, d’Espionnage et renseignement : Le vrai dossier (Odile Jacob), la violence terroriste place les responsables politiques dans une position sensible. «Dans les périodes de crise aiguës, les gens écoutent, ils retiennent, en général longtemps, et ils sanctionnent.»

À en juger par les analyses d’experts en contre-terrorisme en France et en Europe, il était attendu que «les mouvements islamistes savaient qu’outre son retentissement mondial, une attaque de grande ampleur leur offrirait une occasion unique de peser sur la vie politique française en influant directement sur l’organisation même du scrutin». Effectivement, le dernier grand rendez-vous télévisuel des 11 candidats sur France 2, un rendez-vous très attendu, surtout des indécis, n’a pas pu se tenir comme initialement prévu.

Les indécis, qui sont dans les alentours de 30 %, sont appelés à départager, demain, Marine Le Pen (Front national : FN), Emmanuel Macron (En marche !), Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) ou encore François Fillon (Républicain). Seuls deux d’entre eux seront qualifiés pour le second tour qui aura lieu le dimanche 7 mai. Pour y accéder, il leur faut grappiller le moindre vote en essayant de répondre aux attentes des Français. Et parmi celles-ci, la sécurité est sur une courbe ascendante.

Après l’attaque sur les Champs-Élysées, l’avis des quatre candidats a été recueilli et rapidement disséminé. Macron, héraut des réseaux sociaux, a été le premier à réagir : «Cette menace terroriste, cet impondérable, fait partie du quotidien des prochaines années. Je veux témoigner toute ma solidarité à l’égard de nos forces de police et plus largement nos forces de l’ordre.» Fillon a aussi compris qu’il lui fallait trouver les mots justes après l’attaque : «Il y a un sujet laissé de côté pendant cette campagne, même s’il vient spectaculairement de se rappeler à nous : c’est le terrorisme. On multiplie les démonstrations de force en plein air, configuration dans laquelle il est quasiment impossible de sécuriser les lieux à 100 %.»

Avec un ton des plus sérieux, Jean-Luc Mélenchon a, lui, proposé une refonte totale de la police et du renseignement : «J’ai trop souffert qu’on laisse croire que nous serions ceux qui sont les désinvoltes sur ces questions, ce n’est pas vrai, c’est le contraire, c’est nous les plus sérieux (…) On peut choisir de voter pour la solution d’extrême droite dans la police et dans l’armée, comme on le fait dans toute la société, mais je veux qu’on sache qu’on peut aussi choisir l’extrême République que j’incarne.»

Et, bien sûr, c’est Marine Le Pen qui a tenu le discours le plus musclé en la circonstance. Soignant son script, elle a choisi d’intervenir non loin des Champs- Élysées : «Depuis dix ans, dans les gouvernements de droite et de gauche, tout a été fait pour que nous la perdions (…) La guerre qui nous est menée est asymétrique, révolutionnaire, elle a pour objectif notre soumission à une idéologie meurtrière (…) Cette guerre nous est menée sans pitié et sans répit. Chacun comprendra que nous ne pouvons pas la perdre», a assené la candidate du FN, qui avance que Hollande et Sarkozy «sont coupables de dix ans d’aveuglement au travers notamment des lois pénales ultra-laxistes Dati et Taubira». «Nous ne pourrons gagner cette guerre si nous ne mettons pas fin immédiatement au laxisme pénal inouï qui a permis à ce terroriste de réussir sa quatrième tentative d’assassinat contre les policiers.»

Ces propos de Marine Le Pen nous rappellent, à bien des égards, ceux de George Bush, juste après les attentats de New York, un 11 septembre 2001. Revendiqués par Al-Qaida, ces attentats ont, pour rappel, fait plus de 3 000 victimes. Le Pen semble prête à tout dire pour rassurer ceux qui ont peur et grappiller des votes. En France, comme aux États-Unis hier, l’irruption du terrorisme dans la campagne pourrait s’avérer déterminante dans la dernière ligne droite électorale.

Flashback en 2001. Quelques heures après les attentats de New York, George Bush a prononcé ces mots devant le monde entier : «Toutes nos ressources sont dirigées pour que nos services de renseignement et d’application de la loi trouvent ces responsables et les mettent à la disposition de la justice. Nous ne ferons aucune distinction entre les terroristes qui ont commis ces actes et ceux qui les hébergent (…) Ce soir, je vous demande de prier pour toutes les personnes affligées, pour les enfants dont le monde est brisé, pour tous ceux dont le sentiment de sûreté et de sécurité a été menacé. Et je prie pour qu’ils soient soulagés par une puissance plus grande que nous, dont nous parle le psaume 23 : ‘Bien que je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal car tu es avec moi’.»

En Espagne, en 2004, à trois jours des élections géné- rales espagnoles, plusieurs bombes posées par des islamistes du Maroc explosent aux heures de pointe. Les attentats font 200 victimes et plus d’un millier de blessés.

Bien que survenus à l’étranger, dans des contextes et des systèmes politiques très différents, les attentats du 11 septembre 2001, et ceux de Madrid, le 11 mars 2004, constituent deux références de poids lorsqu’il s’agit de mesurer l’impact d’un attentat sur un processus électoral.

En Espagne, c’est à trois jours des élections générales que les explosions se font entendre. Quelques heures plus tard, Al-Qaida revendique les attentats. Dès lors, ceux-ci vont modifier les résultats électoraux. «Dans n’importe quel autre pays démocratique, les dirigeants qui auraient manipulé une tuerie terroriste comme celle du 11 mars à des fins électorales auraient dû abandonner la politique. En Espagne, ces dirigeants et ce parti (le Parti populaire) affichent, dix ans après l’attentat le plus sanglant de l’histoire d’Europe, un pouvoir parlementaire absolu qu’ils utilisent une fois de plus pour gouverner contre les intérêts et les désirs des citoyens», écrit le journal El País.

On saura bientôt si les Français succombent aux dernières sirènes de Marine Le Pen ? Dont les alliés stratégiques sont… les terroristes.

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Depuis la transition au sommet, Pravind Jugnauth et le MSM nous fatiguent les oreilles avec le modèle de Westminster et Theresa May. Comme si cette dernière avait hérité du poste suprême de son père. Maintenant que la chef du gouvernement britannique a convoqué les élections législatives pour le 8 juin, est-ce que son homologue mauricien fera pareil ? Comme en Grande-Bretagne, de nouvelles élections pourraient apporter «la stabilité et la certitude» dont le pays a besoin pour se pencher, sereinement, sur nos questions de développement économique ? À moins que les Jugnauth ne penchent désormais du côté de la Turquie ou de la Corée du Nord…