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«Démugaber» l’Afrique !

20 mars 2017, 08:08

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Maurice, meilleur élève en Afrique en termes de bonne gouvernance (selon l’indice Mo Ibrahim), déroule le tapis rouge pour plusieurs chefs d’État et de gouvernement, dont l’inamovible Robert Mugabe, au pouvoir depuis... 1980 au Zimbabwe.

Venu discuter des voies et moyens pour accroître l’attractivité africaine avec ses pairs du continent, Mugabe semble ne pas réaliser que la principale crainte des investisseurs réside dans son règne dictatorial, où tout est permis, y compris la dépossession des biens fonciers.

À moins qu’il ne soit venu pour chercher réconfort ou pour donner quelques leçons à ceux qui, comme sir Anerood Jugnauth ou le président angolais Dos Santos, ne peuvent pas se séparer du pouvoir. Mugabe a fêté ses 93 ans le mois dernier, et il compte se présenter, à nouveau, au scrutin présidentiel de 2018 ! «La majorité des gens pensent qu’il n’y a personne pour me remplacer», explique-t-il aux journalistes internationaux qui l’interrogent sur sa longévité politique – qui est l’exemple contraire de ce que nous a démontré le grand Nelson Mandela, qui s’est contenté d’un seul et unique mandat de président. Depuis que ce dernier nous a quittés, l’Afrique du Sud ne cesse de plonger...

Malgré sa santé en déclin et une crise économique durable qui appauvrit le Zimbabwe, Mugabe a soufflé ses bougies avec faste, lors d’une cérémonie très «select», réservée à ses seuls ministres et proches collaborateurs. Dans son pays, les médias d’État, ou semi-privés qui se doivent d’être complaisants ou serviles en raison de leur situation financière précaire, publient des messages de félicitations à n’en plus finir. Le quotidien The Herald avait réservé pas moins de 24 pages remplies de félicitations et de flagorneries de ministres et proches du régime pour marquer le coup : «Nous célébrons aujourd’hui son 93e anniversaire, avec l’assurance que notre pays est entre de très bonnes mains», a du reste écrit le quotidien dans son éditorial.

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Selon le gouvernement mauricien, la Plateforme économique africaine vise à offrir aux dirigeants un espace politique pour explorer des opportunités et options réalistes pour l’intégration et le développement du continent et du monde. Elle s’inscrit dans la mise en oeuvre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Vaste chantier.

Mais ces voeux pieux sont-ils possibles avec des dirigeants qui confondent trop souvent leurs intérêts familiaux ou claniques avec ceux de leur population ? Comme au Togo, Zimbabwe, Gabon, Cameroun, Burkina Faso, Congo-Brazzaville, Angola, Ouganda, Tchad, Soudan, voire Maurice à un degré moindre, vu que nous avons, nous, choisi les élections libres, qui, elles, déterminent qui de Ramgoolam ou Jugnauth va gouverner.

Nous l’avons dit : si les afrooptimistes aiment présenter l’Afrique «comme le réservoir de croissance et de matières premières de l’économie mondiale», tous ceux qui y travaillent savent à quel point le continent est aussi un foyer d’instabilité planétaire, ou encore, «une victime expiatoire de tous les maux de notre humanité», pour reprendre la litanie des afro-pessimistes.

Le désir d’alternance, la soif de la démocratie et d’un État de droit demeurent une aspiration universelle, surtout pour ceux qui ont toujours vécu sous le diktat d’une famille unique… Ce qui plombe l’économie du continent.

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La démonstration a été faite. La croissance vigoureuse, supérieure à 5 pour cent en moyenne, que l’Afrique a enregistrée au cours des 15 dernières années, témoigne d’un potentiel économique impressionnant. Sur le continent, une main-d’oeuvre de plus en plus abondante et l’émergence d’un vaste marché de consommation offrent des opportunités de croissance supplémentaires. Néanmoins, sur le plan politique, l’Afrique devra surmonter ses leaders pour que sa croissance puisse, enfin, être plus équitable. Sur le plan structurel, la dichotomie économique entre, d’une part, une société essentiellement agricole, dont les principaux moteurs de compétitivité ne sont pas performants, et, d’autre part, des ressources minières, un secteur des services en expansion et un environnement des affaires en mutation rapide mais pas toujours transparents, fait douter de la durabilité de la trajectoire de développement de l’Afrique, voire de sa potentialité… Car l’équation n’est pas durable : l’Afrique est riche, mais les Africains (sauf les Mugabe, Dos Santos, et autres Sobrinho par exemple) sont pauvres !