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49 ANS INDEPENDANTS, 25 ANS REPUBLICAINS, LES YEUX OUVERTS !

12 mars 2017, 07:36

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Bien sûr que nous sommes fiers de notre pays. Mais être fier de manière intègre implique surement, vous en conviendrez, ne  pas  être, au départ, aveugle !

Si nous sommes fiers de notre sens de l’accueil, comment ne pas remarquer que le pays s’éloigne tout doucement  de son dépôt de bonnes manières, de politesse, de retenue, dérivant lentement vers du plus grossier, du plus cynique, et du plus tapageur.

Si nous pouvons être fiers de nous être affranchis de la somnolence économique du « King Sugar « des siècles passés pour installer , contre toute  l’attente  des bien-pensants de l’époque de l’indépendance , une industrie touristique de qualité, un tissu industriel non négligeable ( de la zone franche aux industries de substitution ), un secteur financier efficace, et même quelques beaux bourgeons sur la plateforme digitale d’ Ebène ; comment rester aveugle devant la faible efficacité d’un  port encore bloqué a 21-22 « mouvements de containers «  par heure ,  une bien, bien pale progression de la productivité nationale , une connectivité digitale encore problématique, des secteurs entiers ou il faut importer de la main d’œuvre pour avancer – la main d’œuvre locale étant, selon le cas, inadéquatement formée ou pas prête a travailler .

 Si nous pourrions être fiers du fait que nous avons 100 % de scolarisation au primaire et au pré-primaire, ne devons-nous pas nous inquiéter que 49 ans après l’indépendance , le taux de scolarisation est à 72 % seulement dans le secondaire , que les taux d’échecs scolaires, officiels et officieux, soient encore bien trop élevés, que le cursus style encyclopédique-Cambridge ait très peu évolué , que nous refusions toujours de nous soumettre à la lorgnette PISA pour évaluer la qualité mondiale ( ou pas !) de notre éducation ? En passant , avez-vous écouté les mini –interviews de quelques enfants mauriciens sur les qualités  que devraient posséder un « bon «  premier ministre ? Ces anges, formés par l’éducation nationale disent, a une exception près, qu’il faut que le PM « donne «. Du linge a la nourriture, d’une maison au travail, le PM (et son gouvernement) doit « donner «. Tant mieux pour l’avènement de l’esprit d’assistanat engendré par trop de welfare state et tant pis pour le « déboute lor ou dé lipié «  et les valeurs républicaines si chères a Cassam Uteem.

 Si nous avons raison d’être fiers d’être un pays indépendant depuis 1968 et une république depuis 1992, comment ne pas couiner face à la domination, 47 ans sur 49, de seulement deux familles biologiques sur la scène politique du pays , a une reforme électorale qui se fait attendre, au financement des partis politiques qui reste obscène puisqu’autant pléthorique que secret, aux institutions dont l’indépendance n’est plus( ou pas !) assurée , a l’absence criante de la méritocratie, a la deuxième «disparition » du projet d’un Freedom of Information Act,  a l’interventionnisme politique partout , y compris dans le choix de plantons divers, fussent- ils de la bonne couleur* ….

Si nous nous nous devons d’être fiers d’avoir tous les outils nécessaires pour combattre la corruption et assurer plus de  bonne gouvernance, nous ne sommes pas aveugles au fait que la tentation de noyauter les institutions anti-corruption est bien réelle et que cela ne peut servir qu’un but…..

         

Si nous sommes fiers d’avoir déjoué les prédictions de Titmuss-Meade (Sel solition, l’émigration !)et de Naipaul ( The overcrowded baracoon )  et d’avoir vu notre PNB/ tête , en dollars , être multiplié par un facteur de 4, entre 1980 et 2015 alors même que le coefficient GINI baissait de 45.7 à 41.3 sur essentiellement la même période( on en était, cependant, à mieux, avec 38.9 en 2006) ; il est de notre devoir de nous inquiéter de nos vulnérabilités économiques et de notre incapacité grandissante a concrétiser de l’investissement productif . Un déficit commercial persistant de plus de Rs 80 milliards, une dette publique qui est toujours bien au-delà de 60% du PIB, un problème de pauvreté qui se détériore ( Statistics Mauritius suggère qu’il y a 30,000 personnes de plus en pauvreté « relative «  entre 1996 et 2012), une balance des comptes courants déficitaire d’environ 5 % du PIB depuis des années nous rappelant notre dépendance de ( et donc l’importance de notre image a) l’étranger sont parmi les paramètres principaux nous rappelant les vertus du travail, de la productivité, de l’égalité des chances, de la réduction des gaspillages , de l’élimination des corps paraétatiques boiteux , de la folie d’être continuellement éloignés des défis qui nous confrontent , souvent par des considérations périphériques . 

          
 

Si nous avons moult raisons d’être fiers de notre architecture hôtelière, de quelques shopping malls réussis , du Caudan Waterfront, et de quelques initiatives de préservation de patrimoine national( ile aux Aigrettes, le sauvetage de la crécerelle et du pink pigeon, l’aménagement au moins partiel de quelques plages publiques), que n’a-t-on de raisons d’avoir honte de voir l’état de ces mêmes plages à la fin d’une journée de congé a la mer, que n’a-t-on pas au moins mauvaise conscience d’avoir , en 50 ans à peine , détruit notre lagon de sa richesse d’origine , que ne sommes-nous pas, au minimum, embarrassé de voir nos rivières être utilisées comme convoyeurs d’ordures et nos champs de cannes  comme dépotoirs d’occasion, au point ou le nouveau PM déclarait, dimanche , après une opération de nettoyage a Floréal ou il s’était ( c’est tout à son honneur !) investi personnellement :«  franssement , li sokant ! »  

Si nous sommes fiers d’être des mauriciens , tous métissés par le langage parlé, par la nourriture consommée, par les gènes mêlés, nous ne sommes pas aveugles au point de ne pas entendre le rap effréné de ceux qui ne cessent de souligner les parenthèses qui nous séparent plutôt que les trait d’union qui nous rassemblent , de ceux dont la raison d’être , l’existence même , dépend de division plutôt que d’unité, de ceux qui se mettent systématiquement en travers des forces centripètes du mauricianisme vécu, assumé , consommé .


 

Nous sommes fiers de notre Cyber Cité, de l’aéroport moderne de Plaisance, de nos élections obligatoires chaque 5 ans, de notre presse libre …d’autant que cette dernière nous empêche d’être aveugle, en étant aux aguets, en posant - de bonne foi - des questions légitimes, en relevant les incongruités et les coïncidences et, ainsi, protégeant l’intérêt public en aidant les autorités( parfois contre leur gré !) à mieux sauvegarder l’avenir de ce pays.

Et vous savez quoi ? Comme vous, je suis fier, mais je ne suis pas aveugle. C’est donc les yeux ouverts qu’il faut juger les promesses électorales non tenues, les nominations incestueuses, la politique du moindre effort, les contrats douteux, les politiques qui excluent et qui mènent a de la déviance sociale, les conférences de presse qui ostracisent plutôt qu’éclairer, les accointances suspectes entre « élites «confortablement installées, les per diem consommés avec trop d’avidité, les motards et les flonflons….

 *orange, rouge, bleu, mauve ou blanc