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La FSC bien plus dangereuse qu’Álvaro Sobrinho !

4 mars 2017, 07:20

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Outre d’avoir été une vendetta politique, à quoi aura servi l’affaire BAI si l’on n’a pas retenu les leçons ?

On pensait, à tort, que le pays avait compris que le mariage entre la haute finance et la politique était incestueux, voire dangereux. On espérait, eu égard à la panique créée parmi les détenteurs de polices d’assurance et des fonds d’investissement de la BAI, que la Financial Services Commission (FSC) avait appris sa leçon : rester loin des politiciens et fermer la porte à leurs ingérences qui pervertissent les règlements financiers pour assouvir leurs intérêts pouvoiristes. Mais il semblerait que non. Pas grand-chose n’a changé.

L’éclatement, dans la presse, de la sordide affaire Álvaro Sobrinho éclabousse, outre la présidence de la République, tous ceux qui tiraient, jusqu’à tout récemment, les ficelles au sein de la FSC et au ministère des Services financiers et de la bonne gouvernance.

Comme dans le cadre de l’affaire BAI, nous ne pouvons que constater les divergences, sur le même dossier Sobrinho, entre deux organismes régulateurs – la Banque centrale qui dit non et la FSC qui ferme ses yeux déjà myopes. Dans l’affaire BAI, Roshi Bhadain, après sa démission, veut faire porter le chapeau à Vishnu Lutchmeenaraidoo. Dans l’affaire Sobrinho, qui dépasse de loin les biscuits des Hanoomanjee, le volubile reste silencieux sur le fond… Tout comme le leader de l’opposition, qui est, lui aussi, toujours prêt à dégainer un paquet de biscuits, à défaut de nous donner sa perspective sur la BAI – maintenant qu’il n’est plus sous le joug d’un Ramgoolam ou d’un Jugnauth. Même si les deux ont fait des conférences de presse – un pur exercice de com – sur le fâcheux sujet.

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Le communiqué émis le 2 mars 2017 par la FSC est un cas d’école. Il contient exactement ce que la FSC devait ne pas dire en ces temps de «crisis management». Censé mettre les points sur les «i», ce communiqué «hara-kiri» de la FSC – consultable sur lexpress. mu (https://www.scribd.com/document/340706753/ Communique-de-Presse-de-La-FSC#from_embed) - est, par rapport à l’image du pays, plus dangereux que l’Angolais Sobrinho lui-même !

Ce communiqué, en dix points, frise l’absurdité quand il admet : 1) Que la FSC a remis plusieurs licences – dont une «Investment Banking Licence» le 29 septembre 2016 – aux sociétés de Sobrinho, mais que ces «licencees have been requested NOT to start opérations (…)». Simplifions : c’était comme si les Casernes centrales octroyaient des permis de conduire à des chauffeurs, puis leur disaient : vous avez vos licences, mais vous n’avez pas le droit de conduire pour le moment ! 2) La deuxième absurdité du communiqué de la FSC : pour réfuter les informations qui circulaient sur Álvaro Sobrinho, la FSC lui demande d’enquêter sur... lui-même : «The Commission requested the Management Company for an enhanced due diligence to be conducted on Mr. Sobrinho, and requested the applicants to provide their comments with respect to the adverse opinion.» Décodons une fois de plus : des policiers reçoivent des informations sur le conducteur X qui est imprudent, disons, sur l’autoroute, en direction de Sorèze. Ils l’arrêtent et puis le laissent partir en lui disant : allez faire une enquête sur vous-même pour savoir si vous avez consommé de l’alcool et revenez nous voir avec des preuves de votre innocence. C’est le monde à l’envers ! On ne comprend pas comment la FSC, qui a un rôle important, puisse continuer à se tirer des balles successives dans le pied.

Peut-être qu’il est temps que la FSC soit absorbée, comme préconisé il y a plusieurs années par le FMI, par la Banque centrale. Puisqu’en matière de «due diligence», la FSC semble être plus proche de Sobrinho que de la Banque centrale-qui pourtant a choisi de claquer la porte au visage de l’Angolais, malgré ses puissants leviers politiques… Imaginez-vous le scénario catastrophe si l’ami d’Ameenah Gurib-Fakim avait eu sa licence bancaire !

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 Dans une situation de crise de l’ampleur de celle provoquée par la chute de l’empire BAI et dans le sillage des secousses Sobrinho, il importe de mettre fin au désarroi populaire – comme celui de tous ces retraités angoissés du Super Cash Back Gold qui ont cru en la fiabilité de nos institutions régulatrices comme la FSC – et de veiller à ce que l’image du pays comme centre financier ne soit pas ternie. On le répète : ces scandales politico-financiers constituent un frein à la reprise de la croissance économique.

C’est vérifié : l’économie ne s’embellit que dans «une société de confiance». Actuellement, à entendre le cri de la rue, le peuple mauricien donne l’impression d’être devenu suspicieux à l’égard de ses élites, de leur mode régulatoire à géométrie variable quand ce n’est pas tout bonnement de leur gestion de crise. Quand on voit Ameenah Gurib-Fakim, que beaucoup ont érigée en modèle, se sauver face à la presse indépendante, ou qui demande l’ouverture des enquêtes face aux caméras de la MBC sans envoyer des correspondances officielles aux institutions concernées, on ne peut que frémir.

On aurait dû utiliser l’affaire BAI et l’affaire Sobrinho pour moraliser la vie publique en réglant, enfin, le problème de financement politique, ses corollaires et autres ramifications tentaculaires. Il faut aussi que ceux qui peuplent les institutions censées offrir une vue indépendante ou offrir des «checks and balances» nécessaires puissent s’assurer et assumer leurs responsabilités. Au lieu de montrer leur réflexe sauve-qui-peut dans un communiqué qui fera tache dans l’histoire de la haute finance.

Terminons sur ce conseil donné par le gouverneur Basant Roi, dans une interview consacrée, le 28 janvier 2016, à l’express : «The lesson to draw is that politicians must NOT have a say on matters relating to the issue of licenses to financial institutions; they should trust the regulators and stay out of the regulatory perimeters. Regulators of financial systems are generally perceived to be cruel creatures. They are cruel only to be kind to the financial system. It is not fun to be cruel.»