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La proportionnelle et le first past the post - la réforme éléctorale : Entre prétexte et piège pour Maurice

3 mars 2017, 10:49

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La proportionnelle  et le first past the post - la réforme éléctorale : Entre prétexte et piège pour Maurice
Le Chef commissaire de Rodrigues, Serge Clair, en compagnie de son épouse le jour des élections régionales, le 12 février. Il s’était montré très critique de la représentation proportionnelle, après les résultats.

Attention au piège ! Évitons de trouver dans ce qui s’est passé à Rodrigues quelque prétexte pour évincer la réforme électorale à Maurice. Au lieu de tirer sur la proportionnelle, voyons plutôt si les frustrations suivant les résultats des élections à Rodrigues ne découleraient pas du maintien comme cadre de référence du système du «First Past the Post», malgré ses imperfections et injustices.

Il ne faudra pas tomber dans le piège et laisser aux éventuels rusés et profiteurs du système de First Past the Post (FPTP) y trouver une justification pour faire machine arrière sur la réforme électorale. Au contraire, ceux qui veulent un renversement de l’injuste et antidémocratique FPTP doivent se liguer pour contrer les absurdes critiques contre la proportionnelle.

Au fait, ceux qui veulent se débarrasser du FPTP doivent faire comprendre que c’est ce système pourri, qui, mélangé avec un système plus juste, a créé la confusion que l’on a connue à Rodrigues. Une frustration inévitable parce que certains se disent que si nous avions misé sur le cheval du FPTP, nous aurions été beaucoup plus dan bien. Quitte à ce que ce système favorise la déchéance politique que traverse le pays depuis des décennies.

C’est une logique simple de politicien : lorsqu’un système électoral profite à un groupe, celui-ci n’aura jamais intérêt à s’en défaire. Mais si le groupe sent que dans des élections générales à venir karay so, alors il cherchera le secours d’un système plus juste, en l’occurrence la proportionnelle. Ce sera peut-être la stratégie qu’emploiera le présent gouvernement, qui attendra l’approche des élections générales de 2019 pour mesurer ses chances de victoire, avant de se prononcer pour ou contre la réforme.

Mindset

Si certains sont frustrés aujourd’hui c’est parce qu’ils sont en train de prendre pour cadre de référence le FPTP. Et ils se disent que s’il n’y avait qu’un seul système (le FPTP), ils auraient eu une plus grande majorité ; un plus grand écart dans le nombre de sièges entre eux et leurs adversaires. Mais il y a eu un mélange de deux systèmes qui, malheureusement, une fois adopté, ne leur permet plus de choisir, de couper trancher, et prendre seulement le système qui leur serait plus rentable.

Mélange de genres

La cause de la frustration : la cohabitation de deux systèmes totalement opposés dans leurs effets sur la représentativité. C’est un mélange de genres inapproprié dont l’on se rend compte que maintenant. Les vices du FPTP mêlés aux vertus de la proportionnelle.

Si on n’avait adopté qu’un seul système, disons le FPTP, il y aurait eu injustice à l’égard de ceux qui, avec 42 % de voix, se retrouvaient avec moins de 20 % de sièges. Et il y aurait eu de la jubilation de la part de ceux qui, avec seulement 55 % de voix, aurait récolté 80 % des sièges. L’injustice alors aurait été du côté du Mouvement rodriguais. Si on avait que la proportionnelle dans le système, tout le monde aurait su à quoi il fallait s’y attendre. Chaque parti aurait eu un nombre de sièges qui correspondrait à son poids électoral.

La leçon à tirer de cette situation est simple. Il faut que les protagonistes sachent clairement ce qu’ils veulent : un système inique du FPTP qui a largement fait ses preuves comme source vilipendée d’injustice, ou la proportionnelle qui fait que chaque voix compte, qu’il n’y ait pas de voix perdues, que l’importance de chaque électeur est reconnue.

Plus important encore, elle donne un peu plus de crédibilité à la démocratie représentative, en rendant le pouvoir législatif plus légitime. Un parlement élu selon ce système peut fièrement se dire représentatif : un système qui nous épargne la dictature d’un parti qui peut ne pas avoir récolté la majorité des voix des électeurs, mais qui pourtant règne au Parlement. Une forme d’escroquerie politique.

Démocratie en crise

Nous sommes dans un moment critique lorsque sont émis des doutes sur la proportionnelle. Certains en profiteront pour maintenir le FPTP inique en brandissant ce qui s’est passé à Rodrigues. La réticence à une réforme électorale, donc à l’introduction de la proportionnelle, viendra surtout de ceux qui pensent pouvoir diviser l’électorat de telle manière qu’ils raflent sans partage un maximum de sièges avec seulement quelques maigres voix en plus dans chaque circonscription. L’argument de la stabilité que confère le FPTP est faux tandis que la frustration des perdants avec ce système est une réalité : avec 36 % de voix, comme en 82, ils peuvent n’avoir aucun siège au Parlement.

La démocratie est en crise aujourd’hui, là où elle a été érigée en meilleur système de gouvernement. La démocratie représentative, tout comme sa variante dite participative, comporte des failles. Dans sa pratique, c’est loin d’être «le pouvoir au peuple», ce slogan creux vendu à une population qui, dans sa naïveté, y croit fermement. C’est presque un leurre pour berner la population pour lui faire accroire que c’est elle qui décide de son destin, alors qu’il s’agit simplement d’octroyer à un groupe de malins l’exclusivité de pouvoir gouverner à leur guise, sans avoir à rendre compte pendant cinq ans, souvent avec excès et abus.

Si la démocratie représentative n’est qu’une usurpation déguisée du pouvoir du peuple par un groupe, il ne faudrait pas en plus la couler davantage en la choisissant par un mode d’élection qui renferme dans son essence de profondes injustices.