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Kurmi, Ahir, Blanc, Kurmi, Ahir, re-Ahir…

5 février 2017, 18:06

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Kurmi, Ahir, Blanc, Kurmi, Ahir, re-Ahir…

Il existe une loi non écrite dans les moeurs politiques du pays qui définit les qualifications du Premier ministre. Il est issu d’une communauté spécifique mais aussi d’une caste et d’une souscaste en particulier. Cette loi en vigueur avant même l’Indépendance n’a été assouplie qu’une fois.

Depuis l’Indépendance, Maurice a connu cinq Premiers ministres, sir Seewoosagur Ramgoolam et son fils Navin, sir Anerood Jugnauth et son fils Pravind, et Paul Raymond Bérenger.

Avec le système électoral et le template du découpage des circonscriptions du pays légués par les Britanniques à sir Seewoosagur, un anglophile hors pair, c’est la composante Hindi-speaking de la population mauricienne qui détermine le verdict dans au moins dix circonscriptions rurales, tout en pesant de tout son poids dans au moins quatre circonscriptions urbaines. Cette configuration a influencé toutes les élections depuis 1967, à l’exception de 1976, quand le peuple vota d’après des critères différents, pour avoir été privé du droit de vote pendant longtemps.

La prépondérance des Hindi-speaking finit par avoir un impact sur le reste de la communauté plus large, ce qui fait que toutes les tentatives d’isoler les Hindi-speaking ou de fragmenter cet électorat ont échoué. L’histoire politique et électorale du pays retiendra que les deux seules grandes tentatives de jouer la carte de l’isolement et de la fragmentation se furent soldées par des échecs. En 1967, le PMSD entreprit sérieusement de diviser cet électorat dans les villes comme dans les villages. Résultat : pas un siège remporté en régions rurales. En 1983, en présentant Paul Bérenger comme candidat au poste de Premier ministre, le MMM avait conçu une stratégie de fragmentation des TTM (Tamouls, Telougous, Marathis) et des castes Ravived et Rajput pour isoler le reste. Résultat : aucun siège remporté en régions rurales. Par contre, après avoir abandonné cette stratégie en 1987, le MMM réussit à enlever deux sièges en régions rurales.

Ces élections et les tentatives du PMSD de porter Gaëtan Duval au pouvoir en 1967, de même que la décision du MMM de présenter Paul Bérenger comme Premier ministre en 1983, 2005 et 2010, prouvent que le paradigme ethnocastéiste comme favorisé par le template de 1967 a subi les assauts du temps.

«Pendant plusieurs décennies, ces sous-castes ont pu pratiquer l’endogamie.»

Si le rôle des Hindi-speaking reste déterminant, on se pose toujours la question de la suprématie de la grande caste des Vaish dans cette configuration. Tout comme la communauté des Créoles, la composante Vaish a été fabriquée pièce par pièce en terre mauricienne. L’identité Vaish n’existait pas au temps des coolies. Ces derniers étaient connus comme  membres de différentes sous-castes s’ils n’étaient pas de foi musulmane. Ces sous-castes s’appelaient Ahir, Koyri, Kurmi et Nonya. Pendant plusieurs décennies, ces sous-castes ont pu pratiquer l’endogamie mais au 20e siècle, surtout après la première moitié de ce siècle, il n’était plus possible de pratiquer l’endogamie car on avait atteint, ce qu’on appelle en sociologie, le marriage squeeze. On ne trouvait plus de conjoints dans le réservoir asséché de la sous-caste. On se mit alors à se marier dans les autres sous-castes. Cela créa sa propre dynamique, où il n’était plus possible de revendiquer un label de sous-caste, sans offenser les nouveaux membres de la famille issus d’autres sous-castes. C’est dans ces circonstances que se développa le sens d’appartenance à une grande famille regroupant plusieurs sous-castes. Ceux qui avaient étudié les livres traditionnels savaient comment décrire ceux qui n’étaient pas Brahmines ou Ksatriyas ou encore Sûdras, les trois «varnas» qui, avec les Vaish, constituent les quatre catégories traditionnelles. C’est dans ce contexte que le mot Vaish devint populaire, sans provoquer l’amusement des commerces car Vaish rime avec «bhains», qui veut dire buffles en hindi.

Numériquement, le regroupement de tous ces sous-groupes sous le parasol Vaish constitua une majorité chez les Hindi-speaking, qui constituaient déjà la majorité dans la plus grande communauté qui comprenait aussi les TTM.

«L’influence des Hindi-speaking se traduisit par la montée en puissance de Seewoosagur Ramgoolam dans les rangs travaillistes.»

L’influence des Hindi-speaking se traduisit par la montée en puissance de Seewoosagur Ramgoolam dans les rangs travaillistes. Les intellectuels urbains qui dominaient le Parti travailliste n’auraient pu vaincre les frères Bissoondoyal qui exerçaient une forte influence dans les régions rurales, au grand désarroi des maîtres colons qui craignaient ces nationalistes hindous. C’est dans ces circonstances qu’est né ce concept de leader vaish, quelqu’un au sommet d’une pyramide englobant une majorité castéiste dans une majorité linguistique dans une majorité communale. Le leader vaish était issu de la sous-caste des Kurmis.

Bien des années après, Anerood Jugnauth allait lui aussi  s’asseoir sur la même pyramide que Seewoosagur Ramgoolam, en fait avec la bénédiction de ce dernier. Cela a été un moment crucial. La différence étant que Jugnauth était, lui, issu de la souscaste des Ahir. Donc, il n’y a eu que Bérenger qui a flotté sur le paradigme rien que pendant deux ans, de 2003 et 2005 et cela avec le soutien actif des Jugnauth. Sinon, le paradigme reste inébranlable, sauf un jeu de chaises musicales étant permis au sommet.