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Derrière notre médaille d’or

5 février 2017, 17:27

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Pourquoi sommes-nous perçus comme une «démocratie parfaite» alors que la rue maudit ses politiciens ? Sommes-nous, à ce point, aveugles ou antipatriotes pour ne pas voir ce que des organisations internationales voient de bien chez nous et érigent en modèle ? Ou sommes-nous des éternels insatisfaits à la recherche d’un impossible système de gouvernance qui garantirait une utopique égalité des chances à tout un chacun? Sommes-nous des ingrats qui ne reconnaissent pas la valeur de nos politiciens et/ou de nos partis politiques (37 % d’indécis) ? Doit-on s’enorgueillir d’être le meilleur élève de la classe africaine ? Avons-nous un régime qui favorise les dynasties et les fils à papa ?

Ces questions qui nous taraudent ont donné lieu à ce cahier spécial, une modeste tentative journalistique de faire un état des lieux de notre démocratie, telle qu’elle est en 2017, alors que nous venons d’avoir un nouveau Premier ministre. Nous avons voulu dessiner Maurice, non pas comme le pays est perçu de l’extérieur, mais tel que nous le vivons (et voyons) de l’intérieur, derrière les clichés, les statistiques et les discours officiels. à l’analyse des «experts en démocratie» de Washington DC, Bruxelles, Londres ou Genève, nous avons opposé notre modeste vécu de citoyens mauriciens...

Nous estimons qu’il est de notre devoir de nuancer les indices démocratiques (tels que ceux de Mo Ibrahim, Doing Business de la Banque mondiale, Freedom House, Democracy Index de la Business Intelligence Unit de «The Economist», etc.) qui reposent, essentiellement, sur une analyse quantitative et une appréciation qualitative, avec nos yeux de journalistes. C’est, nous pensons, en croisant des perspectives qu’on dégage des résultats plus justes et proches de la réalité, si tant que celle-ci puisse être «captured» à l’échelle internationale, tellement le monde est complexe...

Effectivement, en testant le questionnaire de la filiale de «The Economist» (qui nous classe parmi les 19 «full démocraties» du monde entier), nous constatons qu’on peut facilement cocher les bonnes cases sans pour autant répondre aux questions soulevées - en d’autres mots, les questions et les (minces) possibilités de réponse sont rédigées de telle sorte qu’on peut facilement passer à côté de la plaque. Par exemple, pour la question 2 de la section «Electoral Process and Pluralism» qui se lit «are elections for the national legislature and head of government fair?», on n’a que trois choix : «no major irregularities» - 1 point, ou «no significant irregularities» - 0.5 point ou, encore, «major irregularities (intimidation, fraud)» - 0 point. Il y a en tout 60 questions - toutes avec des options de réponse limitées et strictement quantitatives. Et c’est là le problème principal.

Les études en sciences sociales le démontrent clairement : la recherche quantitative génère des données numériques ou des informations qui peuvent être converties en chiffres, alors que la recherche  qualitative, de nature plus exploratoire, permet de saisir les nuances entre le bon et le moins bon. Roukaya Kasenally, qui plaide depuis longtemps pour un «parliamentary scorecard» (afin de mesurer la performance ou non-performance de nos élus) va plus loin dans son analyse : «Democracy Scholars are promoting a more qualitative based assessment of democracy - not only the supply side but the demand side. We know that Mauritius has numerous problems with its democratic model. Our country scores high on the civil and political liberties scoreboard but we should ask ourselves why does the average Mauritian shy away from engaging openly in public?»

Dans les indices internationaux, on ne parle pas de la caste nécessaire pour accéder au poste suprême, encore moins des liens de parenté de ceux qui ont investi les partis politiques. On ne parle pas des «papa-piti deals» (au pluriel) et les miettes qu’on jette aux cousins, neveux, tantes, petits mignons et petites mignonnes. On ne parle pas de la MBC qui, bientôt 50 ans après notre indépendance, a le monopole des ondes télé… On ne parle pas de plein de choses qui portent atteinte quotidiennement à notre démocratie (qui se construit de plus en plus difficilement)…

C’est peut-être pourquoi nous sommes là, d’ailleurs, car sans une presse libre et indépendante, et un «Freedom of Information Act», de démocratie, il n’y en a pas. Point à la ligne.