Publicité

Not my Job?

25 janvier 2017, 07:42

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Qui se souvient encore des négociations pour l’«Africa Growth and Opportunity Act» (AGOA) ? Des négociations initiées sous Clinton, quand le texte passait de lobby en lobby, de chambre en chambre. Des négociations pendant lesquelles Maurice prenait régulièrement le pouls de Washington et recevait au compte-gouttes des informations, des petits bouts de piste menant à cette ouverture tant attendue. Tant négociée.

C’était hier. Un autre monde qui évoluait à un autre rythme. Avec d’autres méthodes. Quatre jours après son investiture, Trump a déjà rayé, en une signature, la participation des États-Unis au traité de libreé change transpacifique. Il s’apprête à renégocier l’accord de libre-échange de l’Amérique du Nord. Pour l’AGOA, il suggère déjà une logique de réciprocité, soit l’introduction de droits de douane dissuasifs pour tout pays qui n’accorderaient par les mêmes privilèges aux produits américains.

Après, ce qui intéresse Trump, ce sont des accords au cas par cas. L’Afrique, pour Trump, ne se dessine pas à ses frontières politiques, mais à la carte de son soussol géologique. Après avoir ratissé large et aplani le terrain, il ira sélectionner au plus près les ressources qui l’intéressent. Et négocier des accords en fonction de ces seules ressources stratégiques. Que nous n’avons pas. Ce qui implique que pour Trump, nous n’existons pas.

Avons-nous une stratégie post-AGOA ? Que ferons-nous si Trump se réveille du pied gauche et raye l’AGOA d’un geste intempestif ? Au-delà de l’AGOA, avons-nous une stratégie pour un monde de guerre commerciale permanente et de chaos incessant ? Non.

Inutile de s’auto-flageller. Le monde est si confus que toute stratégie ne pourrait être qu’un brouillon. À ce stade, nous serions excusables de ne pas savoir exactement quoi faire, tant les repères sont flous. En revanche, ce qui est moins excusable est le fait de savoir le danger embusqué dans les fourrés, prêt à se manifester à toute heure, et de vaquer tranquillement à nos occupations domestiques comme si de rien n’était.

S’il devait exister un brouillon de stratégie, ce serait de se mettre en mode d’alerte et de concentration maximum, et de s’apprêter à changer notre mode de prise de décision. Ce qui nous fragilise le plus en ces temps incertains est notre culture, inspirée davantage de valeurs européennes qu’américaines ou Trumpistes. Nous privilégions un mode de diplomatie internationale lent et feutré, que Jean Marc Sylvestre, éditorialiste d’«Atlantico», qualifie de «bisounours». L’ère Trump, en contraste, est celle de la négociation dure, voire du chantage. Et des décisions très rapides.

Si Maurice devait perdre dans ce chaos mondial dans lequel nous nous trouvons, ce ne serait pas d’être passée à côté de la stratégie commerciale la mieux ficelée, mais d’avoir laissé filer la prise de décision au moment où elle s’imposait.

C’est ce qui malheureusement pend au nez… à en observer nos leaders, plus préoccupés de la prochaine élection partielle que des Rs 9 milliards que pèsent nos exportations vers les États-Unis, constituées à 80 % de produits textiles. Des produits dont l’avantage concurrentiel repose presque exclusivement sur cet AGOA.

C’est la raison pour laquelle, malgré les intentions louables d’inscrire notre système politique dans un cadre de gouvernance équitable, le chahut autour de la transition gouvernementale relève de centres d’intérêts plus insulaires qu’ouverts sur le monde.

Le mouvement du «Not my Vote» mauricien pourrait buter sur la réalité du «Not my Job», venu d’Amérique.