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La belle arnaque

22 janvier 2017, 11:08

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Et notre pays franchit une nouvelle page de son histoire avec une situation inédite où un fils succédera bientôt à son père dans le fauteuil de Premier ministre. Ainsi va la vie démocratique à Maurice, avec des leaders qui se succèdent de père en fils à la tête des partis tout comme à la tête du pays. S’il est vrai que les dirigeants de ce gouvernement, que ce soit SAJ lui-même (qui avait annoncé qu’il ne pourra tenir les cinq ans) ou les ministres, n’ont pas manqué une occasion de préparer l’opinion publique à la nomination de Pravind Jugnauth comme chef du gouvernement, aujourd’hui, une grande partie de la population se sent dupée par ce changement de rôle. Désormais, l’annonce officielle du retrait de SAJ, qui passe le flambeau à Pravind, incarnant un «leadership jeune» selon lui, donne raison au terme «deal papa-piti» dénoncé depuis quelque temps par l’opposition. 
 
Maintenant qu’il n’y a aucun doute qu’un Jugnauth prendra la place d’un autre, l’on est en droit de crier à l’arnaque, de dénoncer cette erreur sur la marchandise. Car si le grand soir mauricien du 10 décembre 2014 a eu lieu, c’est parce que la personnalité de SAJ a joué un rôle primordial ; c’est parce que toute la campagne de l’Alliance Lepep de 2014 était faite autour de lui, dont on annonçait le retour comme celui de Rambo ; et c’est parce que son expérience en tant que Premier ministre doublé d’un leadership naguère de fer a joué en sa faveur, face à un tandem Ramgoolam/Bérenger totalement décrédibilisé de par les épisodes on/off et le rejet de leurs électorats respectifs. 
 
C’est dire qu’en quittant aujourd’hui son poste au profit de son fils, il y a comme un malaise qui flotte dans l’air. Si d’un côté, les partisans et les membres du MSM applaudissent cette nouvelle configuration politique, de l’autre, des citoyens ne valident pas ce changement dont mention n’a jamais été faite pendant la campagne électorale. Et même si Pravind Jugnauth, en tant que leader du MSM, a tous les droits de devenir le prochain Premier ministre, c’est sur le plan moral (un sentiment dont on ne fait pas grand cas en politique) que cet accord est inacceptable car il nous renvoie l’image d’une monarchie au lieu d’une République moderne et dans l’air du temps.
 
Maintenant que les dés sont jetés, il importe de voir comment réagiront désormais les partis de l’opposition. Ainsi, après la déclaration d’Aurore Perraud qui a évoqué une éventualité d’une démission en bloc du PMSD jeudi dernier sur les ondes de Radio Plus, c’est Bérenger qui, en conférence de presse ce  samedi, a annoncé une possibilité de démission collective si d’aventure le MSM va de l’avant avec cette succession. Même si les membres de l’opposition ne mettent pas cette menace à exécution de manière immédiate, il est indéniable que Pravind Jugnauth qui, déjà, ne pénètre pas la Clarisse House par la grande porte, aura désormais cette épée de Damoclès sur sa tête. Un spectre qui ne lui donne aucune sérénité à un moment où il s’apprête à diriger Maurice.
 
 Car s’il y a un accord entre les partis de l’opposition pour démissionner collectivement du Parlement, il n’y aurait alors aucun doute sur une pression qui sera exercée pour des élections générales. Mais on n’en est pas encore là et il s’agit aujourd’hui d’une première étape qui voit le départ d’un Premier ministre dont la décision semble être imposée par le poids de l’âge. Un Premier ministre qui a fait mentir sa réputation de fermeté et qui, dès son entrée en fonction, semblait tristement faire de la figuration face à une décevante équipe qu’il a eu du mal à diriger pendant les deux dernières années. Est-ce la raison pour laquelle il abdique aujourd’hui, préférant laisser à son fils le soin de mettre de l’ordre dans un gouvernement englué jusqu’au cou dans les scandales et qui a démontré la hauteur de son incompétence ? En tout cas, une chose est sûre, Pravind Jugnauth n’entre pas dans l’histoire avec les honneurs d’un plébiscite populaire…