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À qui profite la «Prosecution Commission» ?

18 décembre 2016, 11:09

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Malgré toutes les justifications du Premier ministre et de ses pairs qui défendent en chœur le projet de Prosecution Commission, le public, lui, retient le signal envoyé par l’Alliance Lepep : l’exécutif ne fait pas confiance au judiciaire. Et c’est la première fois qu’un gouvernement illustre concrètement ce sentiment. En imposant cette nouvelle loi, en s’octroyant le pouvoir de réclamer des comptes au DPP sur ses décisions, en mettant sur sa tête trois anciens juges alors que les juges actuels sont habilités à revoir les décisions du DPP depuis l’affaire Mohit, le cabinet ministériel démontre qu’il n’a pas foi en une des institutions les plus respectées du pays.

Même si on veut donner une considération aux arguments de SAJ – (i) la Prosecution Commission sera indépendante (ii) ce projet de loi a pour objectif d’apporter plus d’accountability, soit une volonté de transparence (ce qui n’est pas une mauvaise chose) (iii) Bérenger, en tant que Premier ministre, était lui-même en faveur d’une révision des pouvoirs du DPP (le leader de l’opposition a précisé hier qu’il n’était pas question de toucher à la Constitution) –, trop de soupçons entourent ce projet de loi pour qu’on ne doute pas des réelles intentions de ceux qui nous gouvernent. D’autant que ceux-là, dès leur arrivée au sommet de l’État, ont enclenché un power game avec le Directeur des poursuites publiques – qui jusqu’ici résiste –, laissant penser que ce gouvernement veut se débarrasser de lui.

Les exemples ne manquent pas : une volonté de placer son bureau sous la tutelle de l’Attorney General, une tentative de l’arrêter dans l’affaire Sun Tan, les critiques et allégations de complot de la part de Sanjiv Teeluckdharry, et les accusations de Bhadain qui a qualifié le DPP de monstre. Bref, si ce ne sont pas des attaques, en tout cas, cela y ressemble. Et il est dangereux qu’il y ait aujourd’hui une perception de règlement de comptes entre le gouvernement et la personne de Satyajit Boolell – qui est entouré d’une armée de juristes mais qui incarne, aux yeux du pouvoir, le bureau du DPP – à travers un amendement constitutionnel. On ne devrait pas toucher à la Constitution comme ça !

Cette action, qui ressemble à une manœuvre politique, est non seulement suspecte mais provoque des interrogations sur le concept de la séparation des pouvoirs – l’émanation de la Prosecution Commission est imposée par le gouvernement – dans notre démocratie. Quand l’on prend en ligne de compte la toile de fond – l’appel du DPP contre la décision de la Cour suprême qui a blanchi le leader du MSM dans l’affaire Medpoint, dont le premier round se jouera le 15 février 2017, et les charges provisoires rayées par le DPP contre Ramgoolam (pour insuffisance de preuves, semble-t-il) mais qui redonnent une virginité à l’ancien Premier ministre revenu en force ces derniers temps –, on pourrait penser que la précipitation de ce gouvernement d’aller vite en besogne répond plutôt à un calendrier politique. Dont la finalité serait l’émergence de Pravind Jugnauth à la tête du pays. Or, l’appel logé par le DPP ne facilite pas les choses au leader du MSM qui ne pourra, en toute sérénité, succéder à son père, tant que cette épée de Damoclès Medpoint sera sur sa tête.

Alors, serait-ce cette raison politique qui explique aujourd’hui l’urgence à vouloir superviser le bureau du Directeur des Poursuites publiques à travers un projet de loi qui ne figure pas dans le manifeste électoral ? Pourquoi faut-il soudainement contrôler un bureau qui ne souffre d’aucune contestation de la part du public ? Et pourquoi est-ce que le gouvernement est d’avis qu’il est plus important de faire confiance à trois anciens juges qu’il nommera au lieu de la cinquantaine d’avocats travaillant au bureau du DPP et aux autres juges de la Cour suprême habilités à revoir les décisions du DPP ? Quelles sont les réelles motivations de l’Alliance Lepep ?