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Le contrat à durée indéterminée des leaders…

16 octobre 2016, 11:00

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L’image d’un fils succédant à son père n’est pas uniquement désespérante. Elle nous rappelle qu’au-delà d’une direction dynastique qu’on veut nous faire prendre, la démocratie a une définition singulière à l’intérieur des partis. Avec à leur tête des chefs nommés à vie, inamovibles, régnant comme des maîtres qui, en temps  de victoire ou de défaite, restent collés à  leur fauteuil. Et si d’aventure – chose  rarissime –, l’un d’eux décide de s’en aller, c’est uniquement pour mieux laisser la place à un fils devenant d’emblée chef du mouvement.

Ce, sans que cette succession héréditaire souffre d’une quelconque contestation. Les membres du bureau politique ? Tous d’accord. Soit ils applaudissent bruyamment, soit ils courbent l’échine docilement. C’est pour cette raison que la démission en bloc de 20 membres du Mouvement patriotique (incluant trois députés) revêt un caractère particulier. À un moment où des leaders sont réfractaires au renouvellement et au changement, cette sortie collective traduit un ras-le-bol de quelques politiciens qui décident de dire non en claquant la porte.

Peu importe nos opinions sur le MP, qui, faut-il le préciser, n’a jamais réellement décollé, tant sa position est insaisissable, l’on retient toutefois, à travers cette démission collective, une attitude nouvelle, un début de parole libérée, essentiellement la voix des jeunes qui revendiquent leur place (à l’exemple de Mooteealloo, Chowrimootoo et d’autres). Une démarche en phase avec un dialogue de plus en plus audible dans l’espace public, que s’autorisent les citoyens et une nouvelle génération voulant participer à la progression du pays.

Car contrairement à ce que pensent ces leaders d’un autre temps, l’évolution des mentalités, la prise de conscience de l’importance d’une démocratie participative, dicte une direction horizontale basée sur des opinions plurielles et des échanges. À Maurice, hélas, les chefs politiques se croient investis d’une mission qui est celle de diriger leur parti de manière autoritaire, tout en y restant à la tête pendant plusieurs décennies. Ainsi, il aura fallu une défaite de Ramgoolam pour qu’il découvre soudainement l’importance de la limitation de mandats d’un Premier ministre sur une période de dix ans. Dommage qu’il ait oublié de nous dire ce qu’il pense de la limitation du leadership.

Au MMM, à l’heure où les recommandations d’une task force pour la réforme, présidée par Steve Obeegadoo, sont attendues, l’on apprend que plusieurs propositions, dont le renouvellement, le rajeunissement et l’impossibilité d’occuper un poste à responsabilité nationale pendant plus de 10 ans, ne font pas l’unanimité auprès du leader et de certains de ses proches. Ce n’est pas une nouvelle. Le conservatisme est tenace. Et Obeegadoo qui, dans les colonnes du Défi, affirmait qu’«à 71 ans, il serait tout à fait injuste d’imposer Bérenger comme l’homme à tout faire du MMM (…)», va devoir faire preuve de résistance. Une partie qui ne semble pas être simple pour celui qui affirme «lutter de l’intérieur pour relancer le parti depuis deux ans» et reconnaît «la soif d’un renouvellement de tout le discours politique». Un constat pertinent de l’ancien ministre de l’Éducation, mais qui est, semble-t-il, loin de convaincre son leader et l’entourage de celui-ci.

Alors que la riche actualité internationale politique (France, États-Unis) nous renvoie l’exemple du passage obligé des primaires annonçant ensuite le choix définitif de ceux qui brigueront les suffrages, serait-ce exagérer que de penser un même modèle pour Maurice ? Que ce soit au PTr, au MMM, au MSM ou ailleurs, c’est la non démocratisation au niveau du leadership qui ne permet pas à d’autres d’évoluer, d’envisager une place à la direction du parti et partant de ça, une éventuelle candidature premier ministérielle. Parce que les leaders se sont accordés pendant trop longtemps un contrat à durée indéterminée.

Après la lourde défaite de Ramgoolam en décembre 2014 et quelques tentatives légitimes de Boolell, on aurait pu penser que l’ancien Premier ministre, qui se flatte d’être démocrate, annoncerait lui-même son retrait. Ce serait mal connaître cet épris du pouvoir. Pareil pour Bérenger qui, après une succession de défaites, continue d’écouter ses propres réflexions en écho, avec la bénédiction d’une garde prétorienne béni-oui-oui.

C’est dire que c’est la structure de départ, basée sur l’unique fondation d’une direction verticale, qui donne au leader une place incontestable et éliminant du coup toute velléité de la part de candidats valables dotés de toutes les qualités pour challenger le leader du jour. Sauf qu’à Maurice, la place du leader est taboue. Et cela ne dérange personne. L’on s’étonne après ça que seulement deux familles, hormis la parenthèse Bérenger de deux ans, ont occupé le fauteuil suprême. Et qu’un fils se prépare déjà à prendre la place de son père…