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Croissance en ôtage

28 septembre 2016, 08:14

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En estimant la croissance à 3,4 % cette année et à 3,7 % en 2017, la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice (CCIM) s’est voulue réaliste en se démarquant subtilement de l’hypothèse de croissance du Budget 2016-17. Celuici table sur une croissance de 4,1 % pour l’année fiscale 2016-17.

Du coup, la CCIM rejoint «MCB Focus», «SBM Insights» et la Banque centrale dans leur diagnostic économique respectif du pays et situe dans la foulée la problématique de cette croissance : celle portant sur la difficile épreuve de franchir le cap psychologique des 4 %. Un constat qui est loin de plaire au ministre des Finances Pravind Jugnauth, qui demande qu’on évalue le dynamisme économique après que son ministère a complété l’exécution de ses 383 mesures annoncées dans le Budget.

Sans doute oui. Mais le constat dressé par certains opérateurs est singulièrement différent et appelle forcément à une réflexion. Ceux qui osent dire tout haut ce que d’autres pensent tout bas concèdent qu’il n’y a plus de «feel-good factor» et que la visibilité économique nécessaire pour motiver la décision d’investir fait cruellement défaut.

Certes, nul besoin d’être un politologue attitré ou un fin observateur pour se rendre compte que l’économie a pris étrangement le «back seat» ces dernières semaines au profit de la politique avec, notamment, la décision du Premier ministre de quitter bientôt le Bâtiment du Trésor et de nommer éventuellement son fils pour lui succéder. Sans compter les guéguerres entre certains ministres, les maladresses de certains hauts fonctionnaires (tel l’épisode des communiqués du Conseil des ministres) ou encore les cafouillages visibles au sommet de l’État – Heritage City en est l’illustration parfaite.

Et quand on sait que ce gouvernement a passé la première année de son mandat à gérer la crise BAI dont les séquelles économiques et sociales se font toujours sentir, il y a des questions sérieuses que la communauté se voit obligée de poser.

Face à l’absence d’un signal fort du gouvernement démontrant qu’il est bien résolu à s’attaquer de front aux problèmes, et face à l’incapacité des institutions du secteur privé – dont certains dirigeants préfèrent se cantonner à une posture politiquement correcte – à recadrer les priorités économiques, il y a fort à parier que le pays se dirige vers une situation économique qui risque d’être explosive.

Déjà les principaux indicateurs virent au rouge avec une croissance en berne, une inflation trop faible (1,5 %) pour amener l’activité économique à atteindre son plein potentiel et un niveau d’investissement qui a chuté à 17,5 % en 2015, contre 26 % avant la crise.

Dans cette optique, la CCIM propose dans son analyse de la conjoncture économique, présentée lundi, d’enclencher un cercle vertueux pour doper la croissance à travers la consommation.

«Une relance de la consommation permettrait de passer d’un équilibre sous-optimal, faible demande, chômage et sous-utilisation du capital (…) à un équilibre plus adéquat, à une demande plus forte, à un niveau de confiance et à un investissement en hausse et (…) une baisse du taux de chômage», souligne l’économiste de l’organisme Renganaden Padayachy.

La CCIM part du postulat qu’une politique de relance publique pour susciter une forte demande intérieure peut être «un instrument efficace pour relancer l’économie à court-terme». Et s’appuie sur le remède du Fonds monétaire international pour proposer une approche à trois niveaux : une politique monétaire expansionniste, des mesures de relance budgétaire et des réformes structurelles.

Dans ses propositions (voir en pg 20), il y a la décision de baisser de 100 points de base le taux directeur, la mise en place d’un impôt négatif sur le revenu ou encore le projet de faire venir à terme 200 000 retraités étrangers en tant que consommateurs potentiels susceptibles d’injecter Rs 65 milliards dans le circuit de la consommation.

Ces mesures sont certes discutables mais elles ont le mérite de susciter la réflexion… Même si elles sont de loin insuffisantes pour réaliser le deuxième miracle que l’alliance Lepep avait vendu à la population à la veille des élections de 2014.