Publicité

Budgets: mesurettes électoralistes

2 août 2016, 07:07

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Rupture, vous dites ? Si le Budget de Pravind Jugnauth se révèle un Budget de «rupture», alors cela ne peut qu’être en rupture avec celui présenté, le lundi 23 mars 2015, par Vishnu Lutchmeenaraidoo. En se focalisant sur les «smart cities», le Budget Lutchmeenaraidoo (2015-2016) donnait l’impression de laisser au privé le soin de gérer les problèmes sociaux dans les villes et villages. Moins de 18 mois plus tard, Pravind Jugnauth est venu défaire les mesures de Lutchmeenaraidoo, entre autres, relatives au Corporate Social Responsibility (CSR). Certains faucons du MSM poussaient, depuis quelque temps, pour que le gouvernement reprenne le contrôle sur le CSR, de peur que certains en tirent un capital politique, voire électoraliste.

Le comble, c’est que malgré la claque sonore qu’il reçoit, Vishnu Lutchmeenaraidoo applaudit à tout rompre. «Le CSR va changer pour le mieux (…) la croissance sera bien partagée», dit-il, sans s’attarder sur l’objectif de croissance de 4,1% «plus réaliste», formulé par Pravind Jugnauth, contre les 5,7 % prévus initialement en 2015-2016.

Ce qui nous chiffonne le plus dans les commentaires post-budgétaires, c’est que les commentateurs patentés aiment généralement louer le ministre des Finances du jour (afin d’être dans ses bons papiers). Alors que l’on sait fort bien qu’un discours du Budget n’est qu’un chapelet de souhaits, pas encore réalisés, si tant que les objectifs soient réalisables, pour commencer.

Relevons, par exemple, ce qu’on disait du Budget Lutchmeenaraidoo. Dans l’express en date du 24 mars 2015, le Joint Economic Council saluait l’approche pro investissement : «C’est un Budget qui veut impliquer l’investissement du secteur privé dans le développement du pays et créer de l’emploi, surtout pour les jeunes» ; Aisha Timol, de la Mauritius Bankers Association, renchérissait : «Le Budget 2015-2016 est très pro investissement avec de grands chantiers qui devraient être en cours incessamment» ; le syndicaliste Deepak Benydin disait, lui, que «c’est un bon début». La fin de Lutchmeenaraidoo aux Finances, on connaît, pas besoin d’y revenir.

En revanche, revenons sur la singulière manie du secteur privé qui, dans une large mesure, trouve toujours quelque chose de bon à dire, même quand un Budget est sans souffle, sans grandes ambitions. Prenons, au hasard, le Budget 2013 – présenté par Xavier Duval, ministre des Finances de Navin Ramgoolam – qui était, pour beaucoup d’observateurs, un véritable «non-event». Car alors que le pays passait par une période difficile, le Budget Duval péchait par manque d’audace et de créativité et contenait des mesures confettis : baisser le coût du ticket de cinéma, offrir une tablette à quelques collégiens, exempter quelques produits de la TVA (dont des motos de 200 cc), entre autres mesurettes clientélistes – pour plaire à l’électorat sans évoquer le métro léger, sans apporter de réponse concrète à la crise économique et, surtout, sans préparer l’avenir. Alors que Pravind Jugnauth disait du Budget 2013 de Duval que «l’économie avait complètement été oubliée», certaines voix autorisées du secteur privé soulignaient laborieusement les rares bonnes mesures énoncées en novembre 2012, pour ne pas déroger à la règle de soigner les relations avec l’hôtel du gouvernement.

Pourtant, pour un Budget surtout, «the proof is in the eating» – c’est-à-dire dans la mise en œuvre des mesures. Le temps nous ouvre les yeux. On connaît aujourd’hui l’utilisation qui est faite des tickets de cinéma par certains politiciens dans les quartiers défavorisés, tout comme les péripéties entourant les tablettes qu’on offre aux élèves.

Pour le Budget 2016-2017, les voix consensuelles ne souligneront pas nécessairement le fait que Pravind Jugnauth soigne aussi sa circonscription en y faisant construire un «multi sports complex including a swimming pool of international norm» (page 34, paragraphe 247, ii, du discours), tout comme il soigne ses relations avec les organisations socioculturelles et religieuses qui, selon lui, abattent un travail «formidable». Terminons sur le cadeau d’un Prime Minister in Waiting à ceux qui ont pris notre système électoral en otage : «I am pleased to announce that I am increasing the subsidies for religious bodies by 10 %.» (page 46, paragraphe 343).