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A-t-on atteint les limites de la démocratie ?

3 juillet 2016, 07:48

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Le passé a décidé de l’avenir.» Cette phrase lâchée par Daniel CohnBendit (anciennement Dany Le Rouge) résume bien la faillite du système démocratique – érigé comme modèle de référence en matière de politique et de gouvernance. Pour cet europhile passionné, le vote des Britanniques en faveur du Brexit, qui envoie une véritable onde de choc à travers le monde, s’avère un échec retentissant à plusieurs niveaux. C’est, en effet, une révolution – et non seulement en Europe – que le Brexit, en permettant aux Anglais de retrouver leur souveraineté afin de maîtriser leur destin, a lancée. Car au-delà de l’Europe, c’est le système démocratique, lui-même, qui est ces jours-ci questionné, si tant qu’on veuille écouter la voix – en comptabilisant les voix des urnes, et non pas les balles des kalachnikovs – du peuple souverain, ou plutôt des peuples souverains.

Aujourd’hui, le terme «démocratie» tend de plus en plus vers le populisme. C’est en tout cas, le premier enseignement qu’on pourrait tirer du choix des Britanniques d’«exiter» l’Union européenne (à 51,9%, avec une participation de 72,2%). À écouter les réactions du peuple britannique, qui se remet difficilement de sa gueule de bois, le Brexit n’est pas la victoire du peuple, c.-à-d de la démocratie, mais davantage celle de la démagogie.

La semaine dernière, dans cette même Kronik, on écrivait que la bureaucratie bruxelloise avait produit de nombreux exemples pratiques de sa démence particulière : «Les images de migrants déferlant sur l’Europe et campant (Schengen permettant) juste de l’autre côté de la Manche ont certes effrayé ceux qui, (souvent vieux, trop souvent pas universitaires) préféreraient rester entre ‘eux-mêmes’. L’émotion, en effet, à grande dose. Et la réflexion à petite dose.» Oui, à bien voir, ce référendum n’est certainement pas la victoire des peuples sur les élites, mais surtout celle des gens peu formés sur les gens éduqués. Le pire c’est que les mandarins (ces gens éduqués dans la tradition de Confucius) de l’UE semblent ne pas saisir le message qui leur est adressé : ils jugent «xénophobe» et «raciste» la critique de leur politique migratoire qui leur explose aujourd’hui en pleine face.

En France, où la montée du Front national est spectaculaire, verra-t-on un Frexit ? À coup sûr, les dirigeants politiques du «mainstream» ne pourront jamais envisager un référendum comme celui des Britanniques. Dans le journal Le Monde, Alain Juppé, prétendant à l’Élysée, affirme ceci : «Organiser un référendum aujourd’hui en France (sur le maintien dans l’UE) serait totalement irresponsable.» Il révèle ainsi la peur qui a saisi l’oligarchie contestée. La caste à laquelle appartient Juppé a des comptes à rendre au peuple. Surtout, elle a raison de s’effrayer de la démocratie «réhabilitée» (avec Internet et les réseaux sociaux) qui ne leur fera pas de cadeaux !

En lisant les commentaires publiés sur les sites des journaux de référence en Europe, l’on peut facilement déduire que le peuple européen dépeint la situation que de manière détestablement partielle et uniquement en vertu de ses intérêts. On a tous lu des analyses épidermiques et superficielles, vu des descriptions absurdes, comme ces images d’un bateau britannique coulant désormais seul au milieu de l’Atlantique… sans que ses alliés et complices américains ne viennent à sa rescousse…

La situation est sensiblement différente en Suisse. S’il doit y avoir ou non référendum, ce ne sont pas des politiciens qui en décident, mais la Constitution. Dans ce cas de figure, les autorités politiques ont l’obligation – et non pas le choix – de récolter l’avis du peuple, de même, ces autorités ont l’obligation de tenir un référendum lorsque la signature de 100 000 citoyens le réclame. Tel n’a pas été le cas en Grande-Bretagne.

Rebondissant sur le communiqué conjoint UK/USA dans le cadre de l’affaire Chagos – un exemple de piétinement de la démocratie et de la notion de souveraineté – un confrère suisse me faisait la remarque suivante : on parle de démocratie britannique, mais ce n’est que le 3e référendum de toute leur histoire. «Comme en 1975, personne n’a posé la question de savoir pourquoi le 10 Downing Street organisait un référendum en menaçant de quitter l’UE alors que, précisément, ce même pouvoir en place désirait plus que tout au monde y rester… On comprend alors que le référendum mis en place par David Cameron était un pari – une manipulation – et il l’a cette fois perdu… big time!»

Revoter le Brexit ? En GrandeBretagne, la contestation du Brexit aujourd’hui est une autre illustration des limites ou des possibilités absurdes de la démocratie. Le peuple anglais s’est prononcé clairement. Et qu’on l’accepte ou pas, il convient de respecter le résultat et de mettre en œuvre l’article 50 du traité sur l’Union européenne (procédure de retrait) dans un délai raisonnable. Cette pétition qui réclame un nouveau référendum ne peut être qu’une plaisanterie. Comme l’est devenue la démocratie, elle-même ?

L’histoire l’a maintes fois démontré : des politiciens de gauche croyaient savoir, mieux que le peuple, ce qui lui convenait – le plus souvent à tort. Des communistes soviétiques ont stoppé le développement économique de leur pays au nom de la dictature du prolétariat. Des Khmers rouges au Cambodge ont réduit leur peuple à l’esclavage. Et aujourd’hui, l’on note la propension de certains «démocrates» à remettre en cause les votes populaires – soit le socle même de tout système démocratique – qu’ils n’approuvent pas. Ces pseudo-démocrates semblent donc désormais savoir mieux que le peuple ce qui lui convient.

C’est malheureux, mais c’est ainsi. Le système ‘One Man, One Vote’ – qu’on réclamait hier à cor et à cri pour sortir l’Afrique de l’apartheid – est en panne. Les citoyens sont tous égaux devant les urnes : qui nierait une telle évidence ? Pourtant, de plus en plus, surtout après le Brexit de triste mémoire, les scrutins démontrent les limites de l’égalité sur laquelle se fonde le système démocratique. Depuis Aristote jusqu’à Rousseau, des démocraties athéniennes à Montesquieu, c’est le tirage au sort – et non le suffrage universel – qui paraissait le plus apte à faire respecter l’égalité stricte entre les candidats. L’idée peut certes surprendre. Comment donner la chance à des inconnus, tirés au hasard, le soin de nous représenter? Pourtant, elle n’est pourtant pas si absurde; réfléchissez-y, vous verrez que cela nous évitera plus sûrement de cultiver des «pié banann» au Parlement...