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Pour un libéralisme respectueux de l’efficacité économique

17 juin 2016, 11:00

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Pour un libéralisme respectueux de l’efficacité économique

Aristote considère la satisfaction des besoins comme le but de toute activité économique. Ils sont appréciés de manière subjective de sorte que des personnes de taille différente peuvent avoir des valeurs différentes pour un même bien. Aristote annonce ainsi Adam Smith qui voit l’origine de l’échange dans la diversité des êtres humains.

C’est dans les rapports avec l’autre, avec l’étranger, qu’on fait l’expérience de la diversité. On dé- couvre une diversité de besoins, de goûts, de compétences : le marché est ainsi un processus de découverte. C’est à travers le libre-échange que des intérêts divers, apparemment contradictoires, se rejoignent. Les gains à l’échange sur un marché sont comme les parts d’un gâteau.

Il paraît étrange que certains prêchent la diversité dans l’entreprise tout en prônant un protectionnisme tarifaire qui décourage la diversité dans l’économie. Ne jouons pas sur les mots ou sur des oxymorons tels que «protectionnisme ouvert». Seul le libéralisme peut prétendre être ouvert tandis que toute protection est un dispositif servant à fermer l’économie. Politique visant à protéger l’économie nationale de la concurrence étrangère par des mesures étatiques, le protectionnisme n’est pas un facteur de progrès, et le revendiquer au nom de l’équité est ahurissant.

Deux propriétés caractérisent une économie : l’équité et l’efficacité. On ne saurait mettre en avant l’une sans parler de l’autre. Lorsque le gouvernement élabore ses politiques, il fait un arbitrage entre les deux objectifs, qui entrent souvent en conflit. Il se préoccupe aussi bien de la taille du gâteau économique (l’efficacité) que de la façon dont il est découpé (l’équité). Mais il faut d’abord produire le gâteau avant de le distribuer aux membres de la société.

On l’aura compris : ce qu’on appelle «l’équité économique» se situe au niveau de la distribution (distribuer les richesses de manière équitable entre les agents de l’économie) alors que l’efficacité économique concerne la production. Ce qu’on attend précisément des manufacturiers locaux, c’est qu’ils soient efficaces. S’ils aiment tant l’équité, sont-ils disposés à partager leurs bénéfices avec leurs employés et à payer plus d’impôts au profit des gens vulnérables ?

fie que la société tire le meilleur parti de ses ressources rares. En l’occurrence, un bien doit être produit par les producteurs ayant les coûts les plus faibles, et un bien doit être consommé par les acheteurs qui lui accordent le plus de valeur. Cette valeur moins le montant payé par les acheteurs s’appelle le surplus du consommateur. Le surplus du producteur, lui, repré- sente le montant reçu par les vendeurs moins le coût du bien pour eux. La somme des deux surplus, c’est le surplus total, soit la valeur accordée au bien par les acheteurs moins le coût du bien pour les vendeurs. C’est le bien-être économique de la société.

Une économie est donc efficace quand la société retire des avantages d’une allocation de ressources qui maximise le surplus total. L’efficacité peut être quantifiée alors que l’équité est difficile à évaluer. L’équité est affaire de jugements normatifs et relève plutôt de la philosophie politique.

Il est évident que le protectionnisme réduit le surplus du consommateur ainsi que l’efficacité de l’économie. Principales armes protectionnistes, les droits de douane augmentent le prix des biens importés et font donc payer plus cher aux consommateurs. Pareille politique n’est pas non plus une bonne chose pour les exportateurs locaux qui risquent d’être pénalisés par des mesures de rétorsion dans les pays étrangers. Les seuls bénéficiaires sont les producteurs qui sont tributaires du marché domestique, mais alors l’affaiblissement de la concurrence étrangère ne les contraint pas à s’adapter et à rattraper leur retard technique.

En fait, les manufacturiers mauriciens, incluant exportateurs et PME, bénéficient d’aides étatiques qui sont des formes subtiles de protection : incitations fiscales sur les dépenses d’équipements, soutiens institutionnels en promotion et en formation, subventions sur le fret à l’exportation, bonification d’intérêt, dépréciation délibérée de la roupie. Tout cela n’est pas respectueux de l’équité vis-à-vis de nos partenaires commerciaux !

C’est là un libéralisme «éclairé» que pratique déjà l’île Maurice depuis longtemps. Mais ce modèle de développement n’a pas favorisé un grand bond en avant qui projette l’économie dans la catégorie des pays à hauts revenus. Par notre incapacité à innover, nous demeurons pris dans un «middle-income trap». Le secteur privé se contente de faire ce qu’il sait faire sous l’ombrelle protectrice de l’État. Entre-temps, d’anciens pays en développement très ouverts aux échanges internationaux, comme Singapour, ont dé- croché le statut de pays développés.

Il n’est pas étonnant que notre industrie manufacturière connaisse la stagnation. Durant la période de 2007 à 2015, elle a crû par un taux annuel moyen de seulement 2,2 %. Avec un ratio capital-travail qui a reculé de 1,3 % par an, elle n’a pas fait des investissements intensifs mais plutôt des investissements d’expansion. La baisse de 3,9 % par an du ratio capital-production est une indication que ceux-ci n’ont pas contribué efficacement à la croissance industrielle.

Heureusement que l’ouverture internationale de l’économie mauricienne, juste avant la crise financière de 2008, a accru la résilience économique du pays. Dès 2006, l’investissement direct étranger brut a dépassé la barre de Rs 7 milliards pour la première fois. En neuf ans, de 2006 à 2014, il a totalisé Rs 114 milliards ! Le problème, c’est qu’une quantité infime de ce montant est allée dans le secteur manufacturier. Pour les trois premiers trimestres de 2015, celui-ci n’a attiré que Rs 24 millions, soit 0,3 % du total.

Un pays ne peut pas vouloir seulement les capitaux, sans les marchandises, des étrangers. Pour que son économie soit efficace et prospère, il doit permettre la liberté de mouvement de biens, de capitaux et de personnes. On se réjouit que le libéralisme soit à la mode chez nous. Mais au lieu de s’engager «de façon déterminée dans la voie d’un libéralisme éclairé, respectueux du principe d’équité», Maurice gagnerait à prendre résolument le chemin d’un libéralisme ouvert, soucieux du principe d’efficacité.