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La république des vieux schnocks (ii) ou le pari de la jeunesse

12 juin 2016, 09:00

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C’est dans l’air du temps.

On nous apprend que le vote du Brexit (composé du mot Britain et exit) le 23 juin prochain est, comme on dit, fifty-fifty. Mais fouillez derrière les chiffres et ce qui remonte, c’est que les jeunes sont pour le fait de rester dans l’Europe et que les plus vieux sont pour en sortir.

Plus ils sont vieux, en fait, plus ils veulent s’isoler. Ça vous rappelle quelque chose de généralement vrai à propos de la vieillesse, des maladies et de la mort qui approche ? Ce qui est sûr, c’est que le dernier sondage d’Opinium, publié dans «The Observer», note que les jeunes (18-34) veulent rester en Europe à 53 % (29 % seulement souhaitant partir), que les 35-54 ans veulent, par contre, quitter l’Europe, à une majorité de 42 %, alors que les plus de 55 ans veulent du Brexit a 54 % !

Or, les jeunes parlent, ici, de LEUR avenir, veulent assouvir leur soif grégaire et ouvrir des portes sur les autres pendant que les plus de 55 ans, prisonniers inévitables de leur passé, évoquent souvent l’État-nation – si ce n’est l’Empire – et les deux votes ont, pourtant, le même poids ! Ceci est d’autant plus redoutable que ce même sondage révèle que si seulement 52 % des jeunes sont certains de voter… 81 % des plus de 55 ans iront, quant à eux, aux urnes ! Ce qui fait dire à «The Observer» que les jeunes n’auront qu’à s’en prendre à eux-mêmes s’ils ne se pointent pas aux urnes et s’ils se retrouvent ainsi éloignés des espoirs d’une Europe moins saucissonnée.

La république des vieux schnocks (ii) ou le pari de la jeunesse

De l’autre côté de l’Atlantique, c’est du phénomène des primaires américaines dont il faut parler. Les trois candidats restant en lice, Bernie Sanders, Hillary Clinton et Donald Trump ont, respectivement, 74 ans, 68 ans et 69 ans. Obama a, quant à lui, 54 ans, après 8 ans passés à la présidence ! Les têtes grises vont donc revenir au pouvoir ! Étonnamment, depuis l’Iowa, on voit la tendance : Sanders, le plus vieux, mobilisait alors la sympathie de 84 % de ceux ayant moins de 30 ans, alors que Clinton avait la faveur de 58 % des 45 à 64 ans et de 69 % des plus de 65 ans. Chez les Républicains, Trump avait, en décembre, 16 % de soutien de plus avec les plus de 65 ans qu’avec les 18 à 30 ans. Trump avait aussi un sérieux problème avec la population possédant un degré ou plus… Par ailleurs, un sondage du Harvard University Institute of Politics récemment rendu public par CNN indique que, sans Sanders, 61 % des 18 à 30 ans s’apprêtent à voter Clinton plutôt que Trump… Tout ça préfigure le tsunami…

Chez nous, pays démographiquement jeune, les têtes grises sont revenues au pouvoir ! Dev Manraj est toujours aux affaires comme secrétaire financier et en a même rajouté à ses responsabilités avec la FSC. Ce n’est pas qu’il soit incompétent, mais il a 67 ans. À la Banque centrale, c’est le même embourbement. On a remplacé Bheenick (72 ans) par Basant Roi (69 ans). Encore une fois, ce n’est pas une question de compétence, mais qui prépare-t-on pour la relève et quand jugera-t-on que la passation de responsabilité pourra se faire ? À l’EOC on a remplacé un Glover fougueux et jeune par un Tegally retraité, qui pratique le FIFO et qui a 67 ans. Pour rappel, le Premier ministre a 86 ans, le leader de l’opposition 71 ans et le leader travailliste aura 69 ans le 14 juillet. Ce n’est pas une situation qui va s’améliorer.

Récemment, il y a eu une suggestion, selon laquelle il fallait prolonger l’âge de la retraite, notamment pour réduire la pression sur les fonds de pension et ainsi éviter leur perdition, mais aussi parce que les vieux, (maintenant mieux soignés et avec des espérances de vie active rallongées) peuvent toujours être utiles et aider. Je comprends cette suggestion, mais je pense qu’elle ne peut pas tenir la route tant que les vieux insisteront, par fierté déplacée, pour n’être employé à rien d’autre qui soit considéré comme «inférieur» à leur dernier emploi !

Les connaissances et la sagesse de Lee Kwan Yew, quand ils pouvaient encore être utiles, l’ont pourtant été sous forme de «minister mentor» par exemple. Il a même accepté d’être un des «senior ministers» sous son successeur, Goh Chok Tong, jusqu’en 2004 ! Sans doute ressentait-il que même si son expérience et sa sagesse étaient toujours utiles, son grand respect pour la méritocratie lui dictait qu’il n’était plus le bon modèle pour diriger son pays. Chez nous, les ego sont plus difficiles à gérer, mais l’analyse cartésienne est la même : personne n’est éternel, il faut préparer la relève, il faut faire plus de place à ceux qui ont un avenir plutôt qu’un passé et un retraité doit avoir la sagesse de comprendre qu’il peut toujours être utile sans nécessairement s’accrocher à sa dernière position hiérarchique ou stratégique.

Être jeune, n’est, évidemment pas une garantie de réussite. Mais les idées nouvelles, les doses supplémentaires d’énergie, la passion (qui peut se transmettre aux peuples ou aux employés d’ailleurs) sont le fait d’âmes plus candides, plus dynamiques. Regardez le coup de jeune du Canada avec Justin Trudeau – ce n’est évidemment pas parfait, mais ça gaze ! Il a 44 ans. Regardez le coup de jeune qu’a pris l’Italie avec Matteo Renzi, Premier ministre a l’âge de 39 ans – ce n’est pas la perfection non plus, soit, mais ils sont au moins sortis des griffes de Berlusconi (qui avait 75 ans quand il fut finalement forcé à la démission en novembre 2011) et d’une apathie nationale chronique.

À tout prendre, je préfère les risques de jeunesse que la somnolence de vieux lions. Pensez Fidel Castro, Elizabeth II, Atal B. Vajpayee, Abdelaziz Bouteflika, Robert Mugabe.

Je préférerais de loin prendre certains des paris de Roshi Bhadain ! Le signataire du texte du jour a pourtant 65 ans !