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“It is their time to eat...”

30 avril 2016, 07:22

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Faites le test. Demandez autour de vous ce que l’on pense du gouvernement du jour. Et vous pourriez aisément entendre : «Zot pir ki lékip Ramgoolam sa!». Ce n’est peut-être pas scientifiquement prouvé, mais c’est le sentiment général qui semble souvent se dégager parmi ceux qui peuvent encore penser de manière critique.

Refaisons la liste : nomination du fils de Raj Dayal à la tête du Conciliation Service; nomination controversée à la tête du Trust Fund for Specialised Medical Care ; présence en force des proches du pouvoir sur la liste des 60 médecins recrutés temporairement par la Santé (dont 18 seront par la suite retenus sur une base permanente) ; SAJ poursuivi par un client de la Bramer Bank pour avoir retiré son argent juste avant que le permis de cette banque ne soit révoqué ; recrutement de la fille de la Speaker comme CEO de la SLDC ; démission de Pravind Jugnauth après avoir été reconnu coupable dans l’affaire MedPoint ; confusion des rôles des ministres dans l’enquête sur Dufry-Frydu ; factures impayées de Showkutally Soodhun ; implication du ministre Gungah dans l’affaire NTA ; bras de fer entre le DPP et le gouvernement ; comparution de Prakash Maunthrooa, Senior Adviser au PMO, dans le cadre de l’affaire Boskalis ; enquête de l’ICAC sur le projet deYihai au Domaine les Pailles ; emprunt en euros du ministre des Finances auprès de la State Bank pour spéculer sur l’or ; commande de Raj Dayal pour des «bal kouler» dans le cadre de la fête Holi... Arrêtons ici pour aujourd’hui.

En 15 mois, l’alliance Lepep a rapidement atteint un niveau d’insatisfaction en raison des promesses de nettoyage qui ont été faites en novembre 2014. Les premières phrases du manifeste électoral de Lepep se lisent ainsi : «Notre pays doit CHANGER, c’est notre conviction profonde et c’est aussi le vœu légitime du peuple. Nous pourrons bâtir ensemble cette île Maurice que vous êtes en droit d’attendre. Une île Maurice débarrassée de la FRAUDE, de la CORRUPTION et du COPINAGE; (...) un pays où primera l’ÉGALITÉ DES CHANCES...». (Nous avons mis les mots-clés en lettres capitales)

Dans la forme, il y a eu changement, mais dans le fond on a l’impression que c’est du pareil au même. Il y a d’étranges similitudes entre les personnages – on dirait que les acteurs et les costumes ont changé, mais les traits des accapareurs demeurent étrangement familiers. Regardons quelques exemples.

Hier, il y avait Mme Soornack, défendue par l’aile féminine des travaillistes, qui était soi-disant une victime de la presse. Aujourd’hui, nous avons Mlle Samputh, défendue par Collendavelloo et Gayan, qui, encore une fois, serait victime de la jalousie des mêmes journalistes qui en voulaient après Soornack. Hier, il y avait Me Yatin Varma qui convoitait les cachets pour n’importe quel Legal Advice. Aujourd’hui, l’omniprésence de Me Kailash Trilochun, de la RDA à la FIU en passant par l’ICTA et la MSCL, ne peut que faire tiquer.

Sous Ramgoolam, le pandit Sungkur, proche des travaillistes, avait reçu un bout de la plage publique de Trou-aux-Biches pour faire un snack. Sous Jugnauth, l’époux de la PPS Boygah reçoit un barachois pour cultiver des bambaras. Seule innovation : c’est gratuit !

Sous le régime travailliste, le ministre Jeetah était montré du doigt pour avoir favorisé ses proches lors de l’implantation d’universités privées et pour le contrat Betamax. Aujourd’hui, le ministre du Logement et des terres explique laborieusement que son fils n’a pas bénéficié de faveurs.

Tout cela rend le public sceptique sur nos dirigeants. Après la peste et le choléra, que nous reste-t-il ?

***

Le titre de cet édito est inspiré d’un livre sur le travail de John Githongo, journaliste qui mène, depuis de longues années, une lutte contre la corruption endémique au Kenya. Quand l’opposition a gagné les élections de 2002, Githongo a été nommé tsar de l’anticorruption par le nouveau président, Mwai Kibaki. L’opposition avait attiré les faveurs de l’électorat avec une promesse de balayer la corruption qui s’était corsée sous le régime de Daniel Arap Moi.

Githongo savait que son travail allait être ethniquement sensible. Il est kikuyu, faisant partie de la même communauté ethnique que Kibaki. Au Kenya, il existe un système rotatif d’élites tribales qui savent que le fait de contrôler la présidence, un ministère capital ou une entreprise parapublique, leur donne le droit de «manger».

Au Kenya, «manger» veut dire «se gaver aux dépens de l’argent public».

Githongo n’a pas tardé à connaître une situation qui allait l’affecter directement sur le plan personnel. Il a commencé à avoir des pistes sérieuses à propos d’un nouveau scandale tramé par des ministres et impliquant dix-huit contrats militaires et de sécurité d’une valeur de près d’un milliard de dollars. Si c’était assez facile de promettre d’enquêter sur les escroqueries commises par Arap Moi, d’ethnie kalenjin, en revanche, démarrer une investigation sur un kikuyu travaillant pour un président kikuyu dans un régime dominé par les kikuyus était autrement plus compliqué.

Githongo avait tous les motifs pour regarder ailleurs : un bon salaire, une jolie maison, une famille qui voulait une vie tranquille et une fiancée qui espérait se marier. Il était un Kenyan profondément moral, qui croyait en un État de droit non tribal. Il détestait cette phrase «c’est à notre tour de manger». Alors il a enregistré les conversations des ministres impliqués dans le cas «Anglo Leasing» et a choisi de fuir le Kenya, pour se cacher à Londres, afin que la vérité puisse éclater. Et elle a éclaté !

L’histoire de Githongo n’est pas si importante pour son résultat final – personne n’a été condamné ou emprisonné dans le cas «Anglo Leasing» –, mais elle a donné aux Kenyans un nouveau modèle à suivre... une nouvelle raison d’espérer.

Retrouvez les deux autres parties de l'éditoriale ' It's time to eat'

It is their time to eat (part II)

It is their time to eat - Part III (The case of Vijaya and Anil)