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Le crash de Dayal

27 mars 2016, 15:28

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Le crash de Dayal

 

La police aura beau tenter de justifier une non-arrestation de Raj Dayal, tombé du haut de son hélicoptère pour se crasher sur les terres de Gros-Caillou, le tribunal de l’opinion publique a déjà jugé sévèrement l’ancien ministre de l’Environnement. Peut-il en être autrement quand les Mauriciens ont écouté, sur les ondes de Radio Plus, un échange des plus surréalistes entre un homme d’affaires et une voix ressemblant étrangement à celle de l’ex-ministre Dayal, sollicitant un soutien comme contrepartie de l’octroi d’un permis EIA ? Rendez-vous à domicile, explication claire de l’adresse du ministre, numéro de téléphone : en tout cas, si ce n’est pas Raj Dayal qui parle, on se demande pourquoi il ne dément pas avoir tenu pareils propos au lieu de crier au complot.

Bien en a pris à SAJ qui a demandé à son ministre de step down, prouvant ainsi à la population que l’affaire est prise au sérieux au sommet de l’État. Après tout, est-ce que le chef du gouvernement, qui avait fait du nettoyage son mantra, avait le choix de faire autrement à un moment où son équipe fait face à de sérieuses secousses ? Ainsi, alors que tous les yeux étaient braqués sur le bras de fer Bhadain-Lutchmeenaraidoo et le scandaleux prêt des dizaines de millions de roupies du nouveau ministre des Affaires étrangères – celui qui désormais est plus réputé pour ses certificats médicaux et ses posts sur Facebook que pour son passage aux Finances –, ne voilà-t-il pas que Dayal vient coiffer Lutchmeenaraidoo au palmarès du grand désordre qui règne désormais dans le pays ? À croire qu’il y a une course au sein même de l’équipe Lepep pour celui ou celle qui déclencherait le prochain esclandre.

Et dire que le Premier ministre, lors du rebranding de Mauritius Telecom vendredi dernier, a déclaré vouloir faire de Maurice un pays cultivant l’honnêteté et l’intégrité ! Faut-il sourire devant ce souhait candide quand certains de ses ministres ne semblent pas être au-dessus de tout soupçon ? En attendant les conclusions de l’enquête de l’ICAC sur l’affaire Dayal (petit arbre cachant une grande forêt d’affaires troubles ?), le citoyen lambda garde sa capacité d’indignation en se posant une multitude de questions qui dépassent le seul cadre de cette affaire. Quelles sont les compétences d’un ministre pour juger de l’octroi ou non d’un permis EIA ? Tous les autres permis EIA délivrés jusqu’ici ont-ils été faits dans la transparence, que ce soit sous ce gouvernement  ou sous Ramgoolam qui profite activement de la situation, retrouvant même une capacité indécente à se révolter contre la corruption ? Combien d’autres permis, impliquant des ministres, ont souffert d’une opacité ? Contre une affaire Dayal rendue publique par un homme d’affaires dont on ne mesure pas encore si ses intentions sont de bonne foi (mais peu importe, les faits dépassent la question), combien d’autres sollicitations, demandes de pots-de-vin, ont été obtenues entre les quatre murs d’un bureau ou du domicile d’un notable ?

Car il est un fait que, dans l’imaginaire collectif, la corruption sous tous les gouvernements est affaire courante au sein de la politique. Tout comme dans l’imaginaire collectif, un ministre qui vole ou qui corrompt n’ira pas en prison. Si beaucoup s’étonnent aujourd’hui de la non-arrestation de Dayal, estimant qu’il y avait assez d’éléments pour un prima facie case, c’est parce que, dans la tête du citoyen, il y a une perception d’une différence de traitement entre un ministre et les autres citoyens. Toute proportion gardée, même si les cas ne se ressemblent pas, il y a à peine quelques semaines, nous avons assisté à l’arrestation jugée injuste de trois Mauriciens – Ish Sookun et le couple Ruhomally – qui, aux yeux de tous, n’ont pas commis de délit aussi grave que ce qui est considéré aujourd’hui comme l’affaire Dayal…