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Problèmes familiaux, problèmes familiers

10 janvier 2016, 09:50

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Problèmes familiaux, problèmes familiers

M Kaushik Goburdhun est, après le départ de M. Luchmyparsad Aujayeb, le nouveau directeur de l’ICAC. Il n’y serait que pour neuf mois, pour un intérim, en amont de la création de la Financial Crime Commission (FCC) qui devrait venir coiffer toutes les institutions s’occupant de délits financiers (ICAC, FIU, FRC, etc.) Il y avait trois candidats possibles, soit le chef du département légal, M. Goburdhun, le chef du département «Investigation», M. Chimunlall Ghoorah et celui du département «Corruption Prevention & Education», soit M. Iswar Jeengut. Le choix de M. Goburdhun est celui du Premier ministre, comme prévu sous le PoCA.

La controverse et les palabres émergent parce que M. Goburdhun – qui, avec cet intérim, améliore ses chances de postuler à la direction de la FCC – est le cousin de Roshi Bhadain, ministre de la Bonne gouvernance. Cela peut se comprendre dans un pays où, dans le service public, depuis 45 ans, l’on ne recule pas devant la nomination de «parents, amis, partisans et connaissances», au motif d’avoir «ses pions» ou une «poupette» sous le coude. Car dans la tête d’un politicien, il semble effectivement rassurant de savoir que l’on peut faire appel à so dimounn en situation de besoin… On ne sait jamais…

Or, dans le cas de M. Goburdhun, il a été celui qui, avec M. Roopchand à ses côtés, a dirigé, AVEC SUCCÈS, la plaidoirie de l’ICAC contre l’ex-ministre des Finances, Pravind Jugnauth, dans l’affaire Medpoint. Ses arguments légaux (malgré certaines fausses pistes, d’ailleurs vertement décriées par les magistrats) ont tout de même été retenus par la cour intermédiaire et Pravind Jugnauth a été condamné à un an de prison. Il est clair que c’est une très solide plateforme pour affirmer, comme il le fait dans l’express du 7 janvier : «Je suis un professionnel» et qu’être le cousin du ministre Bhadain «is not the issue» !

Pour espérer avancer vers plus de méritocratie et de transparence, il faudra évidemment pouvoir s’affranchir des évidences de surface, de préconceptions, comme la connexion familiale, et de juger les hommes sur pièces ! Ce n’est pas souffrir d’angélisme que de dire que Goburdhun peut agir de manière professionnelle et indépendante ou que Satyajit Boolell, le DPP, peut le faire aussi. Le lien de parenté ne condamne pas forcément au clanisme et à la protection de sa «famille». Je n’ai pas la prétention d’être en présence de tous les faits et suis conscient qu’il peut parfois se passer des choses énormes derrière des façades bien soignées.

Cependant, Goburdhun a apparemment fait son travail légal comme il fallait et cela a mené à la condamnation du fils… de celui qui le nomme ! Masochisme ? Boolell, en plein régime travailliste, a, de son côté, tout de même décrété, le 9 avril 2013, qu’il n’y avait «no case to answer» pour  Mme Maya Hanoomanjee. Partisannerie ? Même si les liens de parenté peuvent souvent être une cause de manque d’objectivité et de favoritisme, nous serions sûrement quelques fois à côté de la plaque à généraliser trop promptement et dans tous les cas ! On peut se le répéter : il faut juger sur pièces et ne dénoncer et condamner que basé sur des FAITS ! D’autant que les liens de parenté n’ont pas, par exemple, empêché Satish Boolell (MMM), Arvin Boolell (PTr), Anil Gayan (MSM/ML) et Sushil Khushiram (MMM) d’avoir des opinions politiques aussi passionnées qu’indépendantes les unes des autres…

Les faits ! C’est bien ce dont il s’agit dans le procès en appel de Pravind Jugnauth qui s’ouvre mardi. Il faut d’abord rappeler que le débat légal n’est absolument pas basé sur le conflit d’intérêts potentiel découlant du choix de Medpoint comme hôpital gériatrique (en parlant de quoi, les vieux dont on aurait pu s’occuper là-bas, depuis 2010, ont dû au moins déchanter, si ce n’est, depuis, manger les pissenlits par la racine !) Ce débat n’est pas basé sur la décision du Cabinet non plus. Les magistrats Neerooa et Ramsoondar sont très clairs dans leur jugement ; tout tourne autour des Minutes (6) et (7) du dossier rouge sur le National Geriatric Hospital, où le ministre signe sous le mot «Approved». Ainsi, l’accusation sous les articles 13(2) et (3) du PoCA : «Accused stands charged for having on 23 december 2010… whilst being then a public official whose relative had a personal interest in a decision which a public body had to take… took part in the proceedings of that public body relating to such a decision…»** On se souviendra que la Minute (6) du dossier rouge spécifiait une nouvelle source de fonds pour le paiement de l’achat de la clinique Medpoint, soit «re-allocated funds from identified savings» au ministère de la Santé, remplaçant, de fait, le financement prévu à l’origine sous l’item 28221006 du Lotto Fund. C’est cette réallocation que le «public official» qu’est Pravind Jugnauth approuve et qui mène les juges à conclure à sa culpabilité, car la clause 13(2) du PoCA ne prévoit même pas la possibilité de «acting in good faith». La loi lui INTERDISAIT tout simplement d’intervenir. Il suffisait alors à la cour intermédiaire de se satisfaire «beyond reasonable doubt» de la véracité des mots soulignés dans l’acte d’accusation (voir ci–dessus).

Si seulement il avait écouté son père, sir Anerood, qui révélait sur les ondes publiques le 18 décembre 2015, qu’il lui avait conseillé de ne pas faire de la politique !

Si seulement il avait écouté son père.

Et Navin le sien…

**les mots soulignés appartiennent aux magistrats