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Compromis et compromissions d’un monde

26 décembre 2015, 08:30

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C’est la saison des bilans et des prévisions. On défend sa partition, se décerne volontiers des satisfecit pour l’année écoulée et claironne ses résolutions pour celle à venir (Ah! ces résolutions qui sont si faciles à prendre, mais moins faciles à tenir, un peu comme les promesses électorales, ou les prévisions de croissance économiques...)

À la charnière de 2015 et 2016, l’on oscille facilement entre regret mélancolique du temps qui fuit et espoir angélique d’un monde qui s’en portera mieux. On balance ce qui n’a pas pu être accompli et ce que l’on projette d’entreprendre. En somme, chacun peut peindre le monde dans lequel il/elle vit comme bon lui semble, mais une chose reste indéniable : les attentats terroristes de Paris (en date des 7, 8 et 9 janvier, et 13 novembre), qui ont inauguré puis clôturé cette année horribilis, changent notre monde encore un peu plus.

On avait déjà connu un changement de paradigme quasi identique le 11 septembre 2001 après l’attentat contre les tours jumelles et le Pentagone, symboles du capitalisme américain. Un basculement vers un monde plus violent, qui nous a fait entrer dans un conflit d’un nouveau genre : la guerre contre le terrorisme (qui lui-même a changé de visage). Ce nouvel ordre mondial s’est traduit par une intervention en Afghanistan et en Irak, la réforme du système de sécurité globale, une ouverture des prisons internationales, l’octroi aux services spéciaux du droit d’écouter.

Mais depuis, Daech a pris le relais d’Al-Qaïda et cette fois-ci c’est la Syrie qui est devenue l’épicentre de cette guerre de civilisation entrevue par Huntington. Outre la coalition internationale, la Russie de Poutine, ellemême victime d’un acte terroriste au-dessus du Sinaï, s’en retrouve mêlée avec des accusations d’atteinte aux droits humains. La crise syrienne a engendré une autre crise majeure en Europe, celle des migrants.

Selon l’agence européenne chargée des frontières extérieures de l’espace Schengen, «cette crise est bel et bien historique, puisque plus de 500 000 hommes, femmes et enfants ont été dénombrés aux frontières de l’UE au cours des huit premiers mois de 2015, contre 280 000 sur l’ensemble de 2014».

Et contre cette «invasion des migrants», les pays se replient sur eux-mêmes et les politiques deviennent de plus en plus nationalistes. Pourtant, la réponse européenne définira sa place dans l’histoire mondiale, en termes de terre d’accueil. En France, le Front national récolte allègrement les dividendes politiques des attentats terroristes et de l’afflux des migrants. Les thèmes comme «race», «identité», «origine» (qu’on croyait révolus dans le débat citoyen) refont surface... Et l’homme redevient suspect pour l’homme. Un sacré recul alors que nous célébrons les 70 ans des Nations unies.

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Autre recul monumental : la crise de leadership au sein de deux des instances les plus puissantes du sport international. Après les révélations de corruption à grande échelle en football, une vaste affaire de dopage dans l’athlétisme a ébranlé la planète sport, ses dirigeants emblématiques et leurs relais à travers le monde. Tout un édifice supranational est à reconstruire. Ce qui prendra du temps.

Dans un monde où l’argent et les ressources naturelles alimentent des guerres, le sport était jusque-là perçu par beaucoup comme le dernier rempart contre les vices de ce monde. Ces scandales de corruption couplés à l’état d’insécurité inquiètent les défenseurs des libertés publiques. Face à de tels événements, le déroulement de l’état d’urgence et la mise en place de réseaux de la surveillance tendent à se justifier.

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Mais heureusement que tout ne fout pas le camp. L’accord historique de la COP 21 a fait souffler un vent de compromis sans grave compromission. ‘Historique’ pas forcément par rapport au texte de l’accord, mais eu égard au fait qu’il a vu le jour, qu’il a été paraphé par 196 parties. Après le cuisant échec à Copenhague en 2009, le monde s’était promis : «plus jamais ça !», mais sans grande conviction, car nous savions que cela serait un défi de taille en raison de la complexité du monde.

Le pluralisme politique, dans un monde comme le nôtre, apporte des sensibilités, des visions et des perspectives différentes. D’où l’importance de faire la politique basée sur le dialogue, la concertation et le compromis.

À Maurice, on devrait s’en inspirer. L’ambitieux projet de réformer notre système électoral devrait être calqué sur la méthodologie dont les débats ont été menés à Paris. Une table ronde réunissant nos politiciens, des membres de la société civile et la presse, des experts, des juristes, et des jeunes pourrait être un bon départ pour un pays meilleur… sauf que la classe politique sera surtout braquée, en ce début d’année, sur l’affaire Pravind Jugnauth !

Pour dire les choses autrement, la réforme électorale reste tributaire du sort du leader du MSM devant la Cour suprême en janvier. Elle pourrait même être compromise, tout comme l’alliance gouvernementale. Qui pourrait, elle, être tentée de faire des compromissions...